Paris et la Seine-Saint-Denis s'étaient déjà réunis sur la question de la prise en charge des mineurs étrangers isolés, et avaient saisi le gouvernement sur le sujet. Sans succès. Nous avons élargi la réflexion au dispositif global de protection de l'enfance et sollicité huit départements, dont cinq nous ont répondu favorablement. Ces derniers ont naturellement affirmé leur adhésion à l'appel des 100 pour la refondation de la protection de l'enfance. Neuf mois ont été nécessaires avant de produire notre réflexion commune. Les délais fixés par Philippe Bas, qui a demandé des débats décentralisés pour préparer le projet de loi, risquent donc d'être trop courts pour permettre des concertations approfondies. Même si nous avons déjà précédé sa demande par cette démarche commune, Paris prévoit une rencontre départementale le 2 février.
Nous sentons des incohérences au sein du gouvernement sur le sujet. C'est pourquoi nous avons tenu à réaffirmer les principes fondateurs sur le rôle des parents, premiers protecteurs de leurs enfants, le primat de l'éducatif, la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant conformément à la Convention internationale des droits de l'enfant et le maintien de l'engagement de l'Etat. On perçoit un certain effacement de sa part et ses initiatives sont désordonnées. Le contrat de responsabilité parentale en est un exemple, comme la loi du 26 novembre 2003, qui complique, voire empêche l'acquisition de la nationalité française pour des jeunes inscrits dans un parcours d'intégration, ou encore l'évolution de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui perd son rôle de protection. Les départements doivent rester chefs de file, mais l'Etat doit réaffirmer son rôle en réinvestissant notamment la PJJ dans le champ éducatif, en octroyant des moyens renforcés à la psychiatrie infanto-juvénile, en renforçant sa présence dans l'accueil des familles sans domicile. La loi en préparation devrait par ailleurs clarifier les missions de la protection de l'enfance en proposant un référentiel national permettant de définir le danger. Elle devrait également simplifier les dispositifs de prévention, afin d'assurer un accompagnement global de la personne au lieu de s'en tenir au traitement des symptômes, comme la délinquance. Le texte devrait en outre prévoir un cadre souple pour permettre le développement de pratiques innovantes, donner une force législative aux outils de concertation que sont les schémas départementaux et les protocoles locaux, et affirmer la subsidiarité de l'intervention judiciaire.
Les observatoires départementaux, comme celui de Paris, devraient être généralisés pour appuyer les travaux de l'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED). Mais cela implique des moyens adaptés pour tous les partenaires. La Justice, par exemple, a besoin de greffiers en nombre suffisant pour nous retourner les suites données aux signalements en temps réel, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Les signalements effectués directement par l'Education nationale nous échappent. Nous avons une vision partielle des choses. Nous préconisons donc la création de cellules départementales de signalements avec des relais dans les institutions relevant de l'Etat.
Depuis 20 ans, la décentralisation a produit des effets bénéfiques, même s'il reste des insuffisances.450 000 enfants et jeunes ont bénéficié, en 2004, d'une mesure de protection. L'effort des départements au titre de l'aide sociale à l'enfance s'élève à plus de 5 milliards d'euros. Mais plutôt qu'une mission de contrôle, l'Etat a un rôle intelligent à jouer en faisant progresser par incitation les départements en difficulté, en harmonisant les pratiques et en favorisant le travail en partenariat.
Propos recueillis par Maryannick Le Bris
(1) Paris, Seine-et-Marne, Essonne, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne.
(2) Voir prochainement sur le site des ASH,