Je souhaite qu'à la fin de l'année 2006, les centres d'accueil pour demandeurs d'asile [CADA] , dont le statut va être modifié, n'accueillent plus que des demandeurs d'asile et non, comme c'est souvent le cas aujourd'hui, des déboutés ou des réfugiés », a affirmé le 23 janvier le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, devant les préfets réunis Place Beauvau. Trois jours plus tôt, son directeur de cabinet, Claude Guéant, et son homologue au ministère de la Cohésion sociale, Jean-François Carenco, signaient une note d'instruction à l'attention de ces derniers, allant dans le même sens. Un document dont le texte préparatoire avait, on s'en souvient, provoqué l'inquiétude de France terre d'asile (1).
Ainsi, l'objectif est que « d'ici 2007 », les CADA « n'assurent l'hébergement que des personnes dont la demande d'asile est en cours d'examen », confirme la note. Pointés du doigt, en particulier : les réfugiés, qui représentent au 30 juin 2005 22 % en moyenne nationale de la population accueillie au sein de ces structures, alors qu'ils relèvent des politiques et des dispositifs de droit commun pour leur prise en charge sociale (accès au logement, droit au travail, le cas échéant, revenu minimum d'insertion, allocations familiales). « Il convient donc de tout mettre en œuvre pour faciliter l'accès effectif à ces droits dans les meilleurs délais, notamment s'agissant de l'accès au logement dans le parc social ou privé », soulignent les ministères. Ils demandent également aux préfets de dresser un inventaire de la présence de cette population dans les CADA et un état des lieux de la présence des demandeurs d'asile au sein des centres d'hébergement et de réinsertion sociale généralistes afin d'organiser, le cas échéant, les permutations nécessaires. « La sortie de CADA des réfugiés doit être facilitée par l'obtention la plus rapide possible des documents de séjour et d'état civil, par l'orientation vers des dispositifs d'accès au travail et par le logement », précise encore la note. Dans cette perspective, les deux ministères souhaitent que les gestionnaires des centres d'accueil « prennent toutes dispositions de nature à faciliter la mobilité des publics concernés et participent activement à la recherche d'un logement ». Etant entendu que « tout refus par un réfugié hébergé en CADA d'une solution de logement qui lui serait proposée donnera lieu à son départ immédiat du centre ». Enfin, en cas de maintien d'un réfugié dans un CADA après l'expiration de la période de prise en charge prévue par le contrat de séjour de l'intéressé, les préfets sont invités à prendre « toutes les mesures visant à accélérer la sortie du centre (facilités pour la recherche d'hébergement, mesures financières etc...) ».
Les personnes définitivement déboutées du droit d'asile figurent également dans le collimateur des deux ministères, qui les considèrent comme « une cause importante de l'engorgement des CADA ». Ils occupaient en effet, en moyenne nationale, 18 % des places au 30 juin 2005. Considérant leur sortie des centres comme une priorité, ils rappellent que les demandes de réexamen ne constituent pas un motif suffisant pour conserver un droit au maintien en CADA, dès lors qu'elles sont intervenues après la notification de l'invitation à quitter le territoire. De la même façon, l'accueil de déboutés qui solliciteraient leur admission au séjour sur un autre motif « n'est plus opportun », indique la note, qui annonce au passage de prochaines instructions de la part de la Place Beauvau et de la Chancellerie afin de permettre aux préfets d'organiser sans délai la sortie des CADA des personnes hébergées n'ayant plus aucun droit pour s'y maintenir et d'intervenir pour assurer l'éloignement effectif des intéressés.
Pour faciliter l'accélération des sorties de CADA, les ministères demandent aux préfets d'avertir les gestionnaires des centres qu'il doit être mis fin à la prise en charge des personnes réfugiées ou déboutées du droit d'asile. Ils leur indiquent également qu'en conséquence, après mise en demeure et discussion contradictoire, « il leur sera possible de ne plus verser les financements correspondants aux places anormalement occupées ».
La note insiste, plus globalement, sur la fluidité nécessaire du dispositif d'hébergement des demandeurs d'asile et invite les préfets à veiller tout particulièrement à améliorer le taux de rotation au sein de ces structures. « Celui-ci, qui est calculé comme le rapport du nombre d'entrées aux capacités d'accueil (nombre de places) de chaque CADA, est en moyenne nationale de l'ordre de 0,75 au cours d'une même année, soit 18 mois de durée de séjour moyenne au premier semestre 2005. » « L'objectif est de parvenir à une amélioration substantielle afin d'aboutir à une durée moyenne de séjour de 9 à 10 mois », précise le document.
Le document s'arrête également sur le rôle dévolu aux préfets de région, qui exercent désormais l'autorité de l'Etat sur le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile dans leur région pour les capacités des CADA. Les ministères les appellent notamment à mettre en œuvre à l'échelle de la région une répartition équitable des personnes hébergées selon des modalités arrêtées après concertation avec les préfets de départements et à « responsabiliser plus efficacement les organismes participant à l'accueil des demandeurs d'asile depuis leur arrivée jusqu'à leur intégration, si la qualité de réfugié leur est reconnue, ou leur retour ».
S'agissant de l'hébergement d'urgence, les préfets sont par ailleurs invités à privilégier les solutions d'hébergement en structures collectives de préférence à l'accueil en hôtel, cette dernière modalité de prise en charge devant être « réservée aux sorties de CADA les plus difficiles ».
Enfin, les ministères s'alarment des possibles flux secondaires de demandeurs d'asile entre départements susceptibles d'être générés par des « pratiques hétérogènes » en matière de conditions d'accès au séjour et en CADA. Ils chargent en conséquence les préfets de veiller « à une application homogène des procédures (enregistrement de la demande, domiciliation, etc.) » et de coordonner, le cas échéant, « l'action requise pour corriger les écarts constatés ».
(1) Voir ASH n° 2437 du 6-01-06.