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L'accès aux soins des détenus, un droit encore très imparfaitement appliqué pour la CNCDH

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La Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) persiste et signe dans sa dénonciation de la situation scandaleuse des prisons. En mars 2004, elle dressait un constat sévère de la condition pénitentiaire, insistant en particulier sur l'insuffisante reconnaissance des droits fondamentaux des détenus (1). Dans une étude consacrée à l'accès aux soins en prison remise au Premier ministre le 23 janvier (2), elle enfonce le clou :l'objectif affiché par la loi du 18 janvier 1994 et ses textes d'application - à savoir, garantir aux personnes incarcérées des soins équivalents à ceux prodigués à l'extérieur - est en effet « loin d'être atteint » . De « nombreuses défaillances » du système, notamment en ce qui concerne l'hygiène, les délais d'attente ou encore la permanence des soins l'expliquent, selon la CNCDH, qui formule un certain nombre de recommandations. A noter que le même jour, la commission a rendu public un autre avis sur la préservation de la santé, l'accès aux soins et les droits de l'Homme (3).

Premier dysfonctionnement pointé par la commission, la surpopulation carcérale, dont elle souligne les conséquences néfastes sur l'hygiène des détenus et la salubrité des locaux. La mise en conformité des établissements pénitentiaires aux normes édictées dans ces deux domaines doit être « prioritairement poursuivie », estiment les auteurs, qui réaffirment par ailleurs la nécessité de l'encellulement individuel, le « seul régime de détention à même de garantir l'intégrité physique et psychologique des personnes incarcérées ». « L'entassement en cellule observé dans certaines maisons d'arrêt favorise la transmission de maladies contagieuses et le développement de troubles psychosomatiques (céphalées, troubles du sommeil...)  », notent d'ailleurs les auteurs.

La CNCDH appelle aussi le gouvernement à « lever les difficultés récurrentes » auxquelles se heurtent, pour des raisons évidentes de sécurité, les extractions médicales (4), et plaide, à cet effet, pour que les responsabilités respectives des différents services concernés soient « clairement fixées ». Le recours aux permissions de sortir devrait aussi être développé. Et pour les prévenus et condamnés qui ne peuvent y ouvrir droit, des « dispositions spécifiques » devraient être prévues par le législateur.

Autre cheval de bataille de la commission : le développement immédiat, pour les personnes condamnées handicapées et/ou dépendantes, des mesures alternatives à l'incarcération et des aménagements de peine. Plus généralement, elle déplore l'application « très restrictive » de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades qui a introduit la possibilité d'une suspension de peine pour raison médicale (5). Seules 165 personnes en ont bénéficié entre avril 2002 et fin 2004, selon les chiffres rendus publics le 19 juillet 2005 par le ministère de la Justice. Et la tendance n'est pas prête de s'inverser, la loi relative au traitement de la récidive du 12 décembre 2005 ayant introduit de nouvelles restrictions à cette faculté laissée à l'appréciation du juge de l'application des peines (6). Concrètement, la CNCDH recommande que soit mieux prise en compte la notion d' « état de santé durablement incompatible avec le maintien en détention » et milite pour le développement de structures spécialisées susceptibles d'accueillir à l'extérieur les malades bénéficiant de tels aménagements.

Les auteurs jugent aussi globalement « encore insuffisante » l'offre de soins. Les personnels médicaux et paramédicaux ne sont pas suffisamment en nombre pour faire face à la demande et, pour certains d'entre eux, « insuffisamment formés à leur fonction très particulière ». Le recrutement de spécialistes, en particulier, est devenu « presque impossible », les statuts et les montants des vacations n'étant pas attractifs », rapporte la commission. Loin d'être circonscrit à certains établissements pénitentiaires, cette situation, au contraire, est « quasi générale ». Avec des conséquences « parfois dramatiques » pour la santé du patient détenu. Ainsi, par exemple, « le dépistage du cancer du sein n'est pas assuré dans tous les établissements pénitentiaires hébergeant des femmes ». Autre exemple illustrant l'ampleur des progrès qu'il reste à accomplir : selon une enquête diligentée par le ministère de la Santé auprès des personnes entrées en détention en 2003,50 % d'entre elles nécessitaient des soins dentaires réguliers et 2,7 %une intervention d'urgence... alors que, « presque partout », les établissements doivent faire face à l'absence de chirurgien-dentiste.

La commission relève aussi que la prise en charge, tant sanitaire que sociale, des personnes présentant une dépendance aux produits licites ou illicites (ou ayant une consommation abusive) rencontre encore de « nombreux obstacles ». Et critique enfin « les multiples violations du secret médical  » en milieu carcéral.

T.R.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2352 du 26-03-04.

(2)  Disponible sur le site www.commission-droits-homme.fr.

(3)  Un avis qui sera traité dans le prochain numéro des ASH - voir aussi www.ash.tm.fr.

(4)  Sur les modalités d'organisation de l'extraction médicale, voir ASH n° 2402 du 8-04-05.

(5)  Voir ASH n° 2264 du 24-05-02 et n° 2262-2263 du 17-05-02.

(6)  Voir ASH n° 2360 du 21-05-04.

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