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La Cour des comptes juge sévèrement l'action de l'administration pénitentiaire en matière d'insertion des détenus

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Du travail en prison au fonctionnement des services pénitentiaires d'insertion et de probation, l'action de l'administration pénitentiaire en matière d'insertion des détenus subit le feu des critiques de la Cour des comptes dans un rapport intitulé « La garde et la réinsertion et la gestion des prisons » et rendu public le 19 janvier (1).

Le travail en prison souffre d'un cadre juridique imprécis

Premier écueil mis en cause par la Cour des comptes : le travail en prison. En effet, aucun texte ne fixe avec précision les règles applicables au travail en prison, souligne l'instance, le code de procédure pénale se contentant d'indiquer qu'il n'est pas obligatoire et que « les relations entre l'organisme employeur et le détenu sont exclusives de tout contrat de travail ». Aussi, « bien qu'il s'exécute pour le compte d'entreprises, le travail en prison ne procède [-t-il] , en fait, que de décisions unilatérales de l'administration. A partir des souhaits exprimés par les détenus, c'est elle qui choisit ceux qui pourront effectivement travailler », qui fixe leurs rémunérations et qui se charge de les payer. C'est elle, enfin, qui peut décider unilatéralement de mettre fin au « contrat » en déclassant ou en transférant les détenus. L'administration pénitentiaire exerce de fait les prérogatives d'un employeur.

Partant de ce constat, la cour regrette que, faute de texte précisant les droits sociaux des détenus qui travaillent et les obligations de « l'administration-employeur », les conséquences à en tirer ne soient pas claires. En particulier, le respect du SMIC ne s'impose pas au travail pénal, l'administration définissant un salaire minimum de référence qui n'a qu'une valeur indicative et pour lequel aucune obligation d'indexation ne s'impose. Or, « cette pratique, qui correspond à des contraintes de gestion, ne peut conserver un caractère discrétionnaire et devrait reposer sur un fondement juridique clair ».

Parallèlement, des incertitudes affectent l'étendue des droits sociaux des détenus. Si leurs rémunérations sont soumises à des prélèvements qui ouvrent droit à des prestations d'assurance maladie et vieillesse ainsi qu'à des réparations en cas d'accident du travail, en revanche, « aucune procédure n'ayant été instituée en matière d'assurance chômage, le travail carcéral ne donne droit à aucune prestation à la sortie de prison : cette situation peut aggraver le processus d'exclusion des détenus lorsqu'ils sont libérés. »

Par ailleurs, l'instance souligne trois types de difficultés dans l'organisation du travail en prison :la faible qualification de la main d'œuvre, la question de la configuration et de l'entretien des locaux et, enfin, les contraintes propres au milieu carcéral liées aux exigences de sécurité « qui compliquent l'organisation des livraisons ou réduisent l'amplitude de la journée de travail ».

Autre problème : « quel que soit le mode de gestion retenu, il apparaît [...] que la totalité des demandes des détenus qui souhaitent travailler ne peut être satisfaite ». Cet échec se répercute alors sur la réalisation des missions de garde et de réinsertion. « Nombre de détenus sont réduits à une inactivité forcée, toute la journée, seuls ou à plusieurs dans leur cellule et ils se trouvent dans une situation de précarité qui les empêche de procéder à l'indemnisation des parties civiles et de s'engager dans une démarche active de réinsertion. »

Au final, outre la grande diversité des niveaux de rémunération, le rapport déplore également le désengagement de l'administration pénitentiaire. Alors qu'elle s'était engagée, depuis 1995, dans « une politique ambitieuse de développement du travail pénitentiaire à travers la définition d'un plan d'action pour la croissance du travail et de l'emploi (PACTE)  », elle n'a procédé à aucune évaluation ni à aucune relance officielle de ce plan venu à échéance en 2004.

Une prise en charge sanitaire souvent lacunaire

Egalement dans la ligne de mire de l'instance : la prise en charge sanitaire des détenus. Si elle souligne que les unités de consultations et de soins ambulatoires, au sein des établissements pénitentiaires, fonctionnent dans des conditions plutôt bonnes - même si leurs moyens et leurs locaux ont été définis alors que la réalité des besoins était mal connue et qu'elles rencontrent parfois des difficultés de dialogue avec les autres acteurs -, il n'en est pas de même pour les unités hospitalières sécurisées interrégionales prévues hors de ces établissements. En effet, le retard pris dans leur mise en place a « entraîné de sérieux problèmes pour les établissements pénitentiaires qui ont dû, au cas par cas, identifier des structures capables d'accueillir des détenus potentiellement dangereux ».

Des lacunes dans la prise en charge des détenus atteints de troubles psychiatriques se font également jour. Le système de soins en milieu carcéral n'est ainsi, selon la cour, plus en mesure de répondre à une demande croissante. Selon les dernières statistiques encore provisoires, 35 % des détenus auraient des antécédents psychiatriques et 56 %présenteraient un risque suicidaire. Des lacunes existent aussi pour la prise en charge des personnes handicapées, notamment pour celles qui souffrent de pathologies liées au vieillissement.

Les SPIP et les alternatives à l'incarcération

Le rapport de la Cour des comptes s'attarde enfin sur la réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) intervenue en 1999. Leur première difficulté, de nombreuses fois mise en avant, est leur besoin en personnels, notamment socio-éducatifs et d'encadrement. Les défaillances des outils de gestion et de suivi des dossiers sont également soulignées par l'instance, de même que l'absence de procédure adaptée dans l'exécution des peines. En pratique, les SPIP décident d'allouer une aide aux détenus mais ces derniers ne peuvent l'encaisser qu'auprès de la régie d'un tribunal parfois éloigné. C'est pourquoi l'administration a décidé de mettre en place, auprès de chaque directeur de SPIP, des régies d'avance pour verser les aides. Ce dispositif s'est toutefois heurté à des difficultés juridiques liées « à la place respective des directeurs régionaux, des chefs d'établissement et des directeurs de SPIP dans le fonctionnement déconcentré de l'administration pénitentiaire ». Parmi les difficultés rencontrées par les SPIP figurent également les conditions de prise en charge des populations qui leur sont confiées. La polyvalence des travailleurs sociaux, entre milieu ouvert et fermé, n'a pas été mise en place dans tous les départements. L'articulation entre ces deux milieux, lorsqu'un établissement pour peine ou une très grosse maison d'arrêt est implantée, se résume souvent à des réunions de coordination ou à des échanges ponctuels. De plus, en milieu fermé, la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, puis la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, ont profondément modifié les conditions d'intervention des personnels socio-éducatifs, en imposant la juridictionnalisation puis la systématisation des procédures d'application des peines. En alourdissant la charge de travail des SPIP, « elles ont contribué à réorienter leurs activités au détriment de leurs autres fonctions, notamment le dialogue quotidien avec les détenus et le montage d'activités socioculturelles », constate les sages. En milieu ouvert, l'augmentation du nombre de mesures et l'aggravation des difficultés des publics se conjuguent pour rendre l'action des SPIP plus difficile, de telle sorte que certains dossiers ne sont pas pris en charge.

Enfin, la Cour des comptes se penche sur les alternatives à l'incarcération et notamment sur la mesure de placement sous surveillance électronique. Outre une faible montée en charge du dispositif, ce dernier est confronté à une procédure lourde et à l'insuffisance des moyens de suivi, notamment en personnels socio-éducatifs.

S.A.

Notes

(1)  Disponible sur www.comptes.fr.

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