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Les formateurs entre marasme et espoir

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Poser la question des évolutions de la formation dans le champ social, c'est aussi poser celle des formateurs. Or ceux-ci ne présentent pas un front uni. Différences statutaires, culturelles, identitaires, politiques même, font qu'ils s'adaptent en ordre dispersé à la mutation rapide des pratiques sociales. Plongée au cœur d'un malaise fondamental.

Débat en petit comité entre formateurs et quelques travailleurs sociaux à l'Ecole supérieure de travail social (ETSUP) à Paris (1). On aborde la marchandisation du travail social, la nécessaire dimension éthique de la formation, puis, après une pique d'une éducatrice sur l'éloignement du terrain, vient le constat politico-économique. « La question historique de la crise de la formation ne suffit plus !, s'impatiente Claude Maupetit-Kassave, cadre de formation à l'institut Buc Ressources. Une formatrice est venue me trouver en disant qu'elle voulait arrêter la formation : elle était en train de rencontrer les mêmes problèmes financiers que les personnes dont elle s'occupait! »

Avec 30 000 heures de formations qualifiantes dispensées chaque année pour 25 000 heures de formations initiales, l'appareil de formation en travail social pourrait apparaître à première vue en pleine santé. Pourtant, jamais les crispations qui le traversent depuis déjà plusieurs décennies n'ont été aussi visibles. Changements législatifs, de contenu et de mise en œuvre des formations, d'interlocuteurs avec le transfert des formation sociales à la région, attentes et intérêts parfois contradictoires des divers commanditaires : tout contribue à raviver les vieux non-dits de la formation sociale. Premier élément du malaise : le statut. Alors qu'un formateur exerçant dans le champ de l'Education nationale, par exemple, peut s'appuyer sur un référentiel métier et une grille salariale unifiée, celui intervenant dans le champ social n'en possède toujours pas. Faute de cette clarification, toutes les interprétations sont possibles.

« Le statut des formateurs du social, c'est le soufre. Non seulement la situation des uns et des autres est très différente, mais entre une école portée par exemple par la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France [Cramif] , par une association, par un lycée ou par une faculté, vous avez de telles disparités qu'il devient très compliqué de fédérer quelque chose », explique Martine Noalhyt, responsable de la formation préparant au diplôme d'Etat d'assistant de service social de l'IUT de l'université Paris-V. Elle-même, après une carrière de 12 années d'assistante sociale et en dépit de sa fonction d'encadrement, avoue n'avoir qu'un statut d'enseignante-vacataire.

Si la profession de formateur est régie par la convention collective du 10 juin 1988, les établissements qui dispensent les formations initiales en travail social dépendent majoritairement des conventions collectives du 15 mars 1966 et du 31 octobre 1951. D'où des variations infinies sur le thème des salaires, de la prise en compte des diplômes, des définitions de postes, voire tout simplement de l'interprétation des conventions collectives. Quant à une liste d'aptitudes qui pourrait représenter un élément fédérateur de la fonction de formateur en travail social, « la réflexion a été engagée à un moment, puis abandonnée (2) , précise Martine Noalhyt. Et le ministère en charge des affaires sociales a laissé à chaque structure porteuse de formation son autonomie de recrutement avec quelques critères de plus en plus pauvres pour encadrer cela. »

Une profession jamais réellement clarifiée

Un rapport réalisé en 1995 sur le dispositif de formation des travailleurs sociaux (3) avait déjà pointé l'extrême hétérogénéité de la situation des formateurs au sein des instituts. Les auteurs relevaient trois figures principales : le cadre pédagogique ou formateur permanent, très souvent nanti d'un diplôme de niveau I, le vacataire, qu'il soit universitaire ou cadre professionnel du social, et le formateur de terrain, ce dernier intervenant la plupart du temps avec un statut précaire. Mais le décret du 22 février 2005 pris en application de la loi du 13 août 2004 a revu à la baisse l'ensemble des compétences nécessaires pour former des professionnels du social (1). D'un diplôme de niveau II assorti de cinq années d'expérience en travail social, le minimum requis est tombé pour un formateur à un diplôme de niveau III plus trois années d'expérience. Dans le même temps, le décret a fixé la barre de direction d'un institut de formation à un diplôme sanitaire ou social de niveau III, assorti de cinq années d'expérience professionnelle « dans les domaines de la pédagogie ou de la gestion, ou dans le champ social ». Quant au pivot du dispositif - le responsable de formation -, il lui est demandé trois années d'expérience pédagogique et un diplôme sanitaire ou social de niveau III, pourvu, précise le texte, qu'il possède « également » une formation universitaire de niveau II.

« Autrement dit, nous passons à un quasi-système de tutorat », dénonce Martine Potier, vice-présidente de l'Association des formateurs et chercheurs en travail social (Afects). « Ce décret risque, de plus, de précipiter une déqualification massive de la profession. Puisque les organismes de formation peuvent désormais embaucher des formateurs à moindre prix car moins qualifiés, les régions ne vont-elles pas peser sur la politique de recrutement des centres par leurs choix budgétaires ? Il y a là une vision du travail social, tant en termes de culture professionnelle que de culture générale, qui nous rend très pessimistes sur la pérennité de la qualité des formations. »

Même l'essor de la validation des acquis de l'expérience - et le découpage modulaire de la formation qui l'accompagne - ainsi que la progression des nouveaux diplômes de niveau IV et V (médiation familiale, diplôme d'Etat d'auxiliaire de vie sociale) qui dynamisent l'activité économique des écoles comportent leur lot d'inconvénients. Sont apparus des titres, désormais en plein développement, de « formateur tuteur », de « maître d'apprentissage » ou encore de « référent des sites qualifiants ». Réservés aux formateurs de terrain, ils correspondent la plupart du temps à des vacations. « Mais ce mouvement ne va-t-il pas s'opérer au détriment des formateurs internes aux écoles et d'une articulation des savoirs permettant le développement d'une culture du travail social ? », se demande Martine Potier, qui remarque déjà que la référence aux « fondements épistémologiques et disciplinaires du travail social » est de plus en plus négligée. Au fond, dit-elle, « on retrouve des enjeux antédiluviens sur la non-reconnaissance par l'Education nationale des formations en travail social, donc du niveau de qualification des intervenants de la formation, qu'ils soient enseignants ou professionnels de terrain. Il serait nécessaire de sortir de cette situation par le haut. Mais on voit combien cela reste difficile. Prenez par exemple la formation des assistants sociaux, dont la récente homologation européenne a permis une revalorisation du contenu et de la durée. Aucun financement supplémentaire n'a été accordé aux écoles ! C'est une mascarade. »

Conséquences : on trouve presque autant de conceptions du métier de formateur que de formateurs eux-mêmes. Il est vrai qu'avec une moyenne de 18 heures de cours par semaine dispensées parfois dans des salles de plus de

150 étudiants, plus des vacations à organiser et des copies à corriger, un professionnel bifurquant vers la formation peut plonger du jour au lendemain dans l'enseignement ou l'ingénierie sans aucun critère lui permettant d'identifier ce que pourrait être son nouveau métier. Et c'est souvent uniquement par la transmission orale à l'intérieur des équipes que l'apprentissage se fait.

« Ce manque de clarification est un problème majeur, reconnaît Jean-Michel Gaudet, secrétaire général du groupement national des instituts régionaux du travail social (GNI). Quel est ce métier de formateur du social ? Fait-on de l'enseignement, de l'accompagnement, de la clinique ? La particularité des professions auxquelles nous préparons justifierait qu'on s'engage collectivement sur l'élaboration d'un référentiel du métier de formateur. »

Des ajustements entre l'université et les instituts de formation sont en train de s'opérer pour esquisser une première réponse, à l'instar du lien établi entre l'IRTS du Nord Pas-de-Calais et l'université Lille-III sur un master professionnel de formation de formateurs en travail social (4). Ouvert à la fois aux formateurs du travail social et de l'Education nationale, il constitue un premier pont entre les deux communautés. Mais, pour l'heure, les références des formateurs demeurent très incertaines. « Je ne suis même pas certain qu'il existe une véritable identité professionnelle, ajoute Jean-Michel Gaudet. Et c'est peut-être ce qui pose le plus de difficultés aujourd'hui, car lorsqu'on est en quête d'identité, on essaie de se forger ses propres repères. »

Certains formateurs vont alors se tourner du côté de l'université en passant un DEA ou un doctorat, qui leur procure une légitimité par le diplôme. D'autres vont ancrer cette légitimité au travers de l'identité du métier de base, « sauf qu'être formateur, ce n'est plus être travailleur social... », ajoute Jean-Michel Gaudet.

A cela s'ajoute le problème générationnel qu'observe Marcel Jaeger, directeur général de l'IRTS de Montrouge-Neuilly-sur-Marne. « Le social connaît aujourd'hui des mutations très importantes, tant dans la façon d'apporter des réponses aux personnes en difficulté qu'en termes de culture professionnelle. Or nous observons un vieillissement des équipes pédagogiques des centres de formation, avec un âge moyen dépassant 45 ans. Ce qui veut dire que beaucoup d'entre nous sont issus de la génération des années 68 et que se pose la question de la capacité que l'on a eue, les uns comme les autres, de prendre le tournant », explique-t-il.

Une question délicate, voire pratiquement politique. Existe-t-il encore des points communs entre les référents théoriques du travail social des années 1970, fortement marqués par la critique sociale et la relation aidant-aidé, et ceux d'aujourd'hui ? « Au motif que nous travaillons avec des sujets, la référence à la psychanalyse est restée très forte dans notre secteur. Mais les politiques d'action sociale, elles, ont amené à diversifier les modes d'action des professionnels avec des formes d'intervention très axées sur la vie des quartiers. Si bien que ce n'est plus la culture psychanalytique qui a été opérationnelle, mais bien les références à la sociologie », avance Marcel Jaeger .

D'où les importantes variations observées dans les projets pédagogiques des centres de formation. Aux extrêmes, certains peuvent figurer très proches de

l'éducation populaire et d'une action sociale militante quand d'autres privilégient la culture des « psy » - psychanalyse, psychologie clinique, psychosociologie. Et ceci, « sans véritable régulation, avec des appareils livrés à eux-mêmes et qui laissent place à des logiques d'acteurs, voire des jeux de pouvoir et de contre-pouvoir entre instituts. Des formateurs d'un endroit vont monter au créneau, éventuellement se fédérer avec d'autres, mais sans jamais pour autant représenter une base significative. »

De ces mouvements qui agitent le milieu de la formation, Jean-Marie Gourvil, directeur de formation dans un autre IRTS en Basse-Normandie, peut en témoigner. Ancien assistant social, il a passé cinq ans au Québec dans le cadre du travail social communautaire et se dit frappé par l'écartèlement des formateurs français. « C'est le même clivage symbolique qui traverse actuellement le secteur social et qui rejaillit sur les centres de formation. Je vois bien dans les couloirs de notre institut à quel point cela divise les formateurs. Avec la décentralisation, une espèce de concentration nostalgique s'est faite autour d'un retour à l'état centralisateur et aux valeurs du travail social des années 1970 comme moyen d'opposition au néo-libéralisme », déplore-t-il.

Le poids des directeurs d'instituts dans ce débat ?Trop peu significatif, selon Jean-Marie Gourvil. « Ils se considèrent plus comme des gestionnaires d'appareils que comme des penseurs d'appareils. On pleure sur un néo-libéralisme qui détruit les centres de formation mais, dans une perspective de nouvelles pratiques sociales, peu de cadres s'autorisent à prendre position. »

Divisés les formateurs ? C'est peu dire. Joseph Rouzel, fondateur de Psychasoc, une association de formateurs dont le nom constitue en lui-même une revendication, a quant à lui préféré démissionner de l'institut dans lequel il exerçait plutôt que de cautionner ce qu'il appelle « l'instrumentalisation du travail social ». Exerçant depuis en libéral, sa critique n'en est que plus dérangeante. « Le travailleur social occupe une place très inquiétante. C'est pourquoi on veut le placer dans des systèmes évaluatifs aberrants. J'ai vu des documents dans lesquels on découpait tous les actes des éducateurs d'un établissement. Il suffisait ensuite de cocher. En formation, j'ai alors demandé où étaient les familles et les gamins dans ce dispositif. » Et d'ajouter : « Pour introduire à ce type de semblants, il faut bien qu'on ait basculé en formation, non plus du côté de l'apprentissage, mais du côté du discours. »

Même constat porté par cette équipe de formateurs, à Toulouse, qui a préféré falsifier un descriptif de formation continue plutôt que de renoncer à un module de psychodrame analytique destiné à des éducateurs. « Pour les financeurs, qui souhaitaient des réponses en termes d'acquisition du savoir, le travail émotionnel effectué dans cet atelier aurait été assimilé à de la thérapie. Au-delà des interprétations, c'est bien le problème d'entrer dans le moule technocratique qui est posé, alors que la formation consiste parfois non pas à ajouter des connaissances, mais à prendre le risque de changer et d'oublier ce que l'on savait », explique Mireille Gairaud, psychologue et formatrice, qui a pris part à cette décision collective.

Si le tableau apparaît sombre, cela n'empêche pas certains d'adopter une position très pragmatique. Le rapport Chevreul sur la décentralisation des formations sociales (5) avait déjà donné le ton en invitant à « la construction d'une expertise régionale partagée », réunissant région, observatoires régionaux et appareils de formation. De même, à l'As-sociation française des organismes de formation et de recherche en travail social (Aforts), qui fédère environ 250 écoles de travail social, on se dit « très inquiet des disparités engendrées par la régionalisation des formations », mais on n'oublie pas de rappeler que « le secteur se structure fortement aujourd'hui, notamment autour des syndicats d'employeurs. Ces interlocuteurs seront très présents dans l'élaboration des schémas directeurs de la formation sociale », assure sa directrice, Elisabeth Javelaud.

Une chance alors de voir la formation s'affranchir de ses doutes ? C'est en tout cas le vœu d'un nombre grandissant d'acteurs pour qui les formateurs ne peuvent que rebondir. Comme Jacqueline Godard, formatrice à l'école de travail social de la Cramif, à Paris, qui lance : « Les formations sociales sont en plein dans le changement sociétal, politique, économique. Avec la région, nous passons à un autre interlocuteur auprès de qui nous allons devoir renégocier. J'attendais personnellement cela depuis longtemps, que nous quittions enfin le registre de la plainte ! »

Ou comme Brigitte Bouquet, responsable au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) de la première chaire de travail social, qui voit dans la difficulté qu'auront les régions d'appréhender les besoins qualitatifs et quantitatifs de formation des travailleurs sociaux une réelle opportunité. «  Ça peut être très positif pour le travail social et pour les écoles, pourvu qu'elles apparaissent comme des partenaires privilégiés, explique-t-elle. Le défi qui se pose aux écoles désormais est de parvenir à se positionner en expertes sociales afin d'être en mesure de conduire des recherches et des études territoriales. C'est cette plus-value qu'on attend d'elles fondamentalement. Cela suppose impérativement qu'elles se dotent de budgets de recherche. »

Joignant le geste à la parole, le Cnam a développé un master de recherche « Travail social, action sociale et société » (6). Un de ses objectifs est d'amorcer le dialogue entre les responsables de formation et leurs pairs universitaires sur des problématiques sociales que l'université considère encore comme mineures. L'enjeu est de taille. « En France, le social n'a pu développer ni politique scientifique ni production de paradigmes de référence. Le travail social s'est donné des pratiques, des supports institutionnels, des appareils organisationnels, des acteurs, mais sa théorisation reste floue », explique Brigitte Bouquet.

Cette politique de la main tendue est prônée également par certains responsables de l'appareil de formation, pour qui l'ancrage des écoles sur les territoires régionaux ressemble à une opportunité. « Cela signifie s'inscrire dans des logiques de développement territorial, tant en termes de réponse aux besoins de qualification que de conseil sur l'évolution de l'intervention sociale », indique Jean-Michel Gaudet, secrétaire général du GNI. Un travail qui, selon lui, projetterait l'école dans des dynamiques de co-construction des parcours de formation avec les professionnels de terrain. Pour cela, une condition majeure, à la fois économique et formative : « qu'une articulation s'opère bien entre formation initiale et dispositif de formation continue, qui ne soit pas seulement dans une logique de filiarisation ; et qu'au travers des expériences rencontrées dans les activités de formation continue, on vienne dynamiser, réalimenter, le questionnement sur les dispositifs de formation initiale ».

Quoi qu'il en soit, pour Jean-Marie Gourvil, qui organisait en juillet dernier avec le Canadien Claude Larivière, professeur à l'Ecole de service social de l'Université de Montréal, le 1erCongrès international des formateurs et professionnels francophones de l'intervention sociale (7), les cartes restent toujours entre les mains des formateurs. « Ce qui va nous aider à sortir de ce mauvais pas va être d'arrêter, nous formateurs, de croire qu'on possède une espèce de savoir a priori sur ce que devrait être le travail social ! Tous les travaux menés sur le terrain donnent à voir aujourd'hui de nouvelles réalités dans les situations sociales rencontrées, qui viennent réinterroger les pratiques de la formation initiale. Cette responsabilité ne relève pas des programmes imposés par l'Etat, mais bien des écoles qui doivent clarifier leurs options. »

Michel Paquet

UN SYSTEME PEU LISIBLE

Le système français des formations sociales a abouti à la création d'un appareil très difficilement lisible. La direction générale de l'action sociale recense 14 diplômes de travail social, créés par décret, allant du niveau I au niveau V (8). En 2004, ces diplômes étaient dispensés dans 342 établissements agréés, dont seulement 130 étaient subventionnés par l'Etat pour des dépenses pédagogiques ou de fonctionnement liées à la formation initiale. Deux tiers des établissements ne préparaient qu'à un seul diplôme (mono-agrément). Quant à la cinquantaine d'établissements multi-agréments et aux 17 instituts régionaux de travail social, ils concentraient à eux seuls près de 60 % des effectifs des étudiants.

Les diplômes d'Etat, nouvel Eldorado de la concurrence ?

« Sur le terrain, la concurrence fait rage, constate Elisabeth Javelaud, directrice de l'Association française des organismes de formation et de recherche en travail social (Aforts). Le premier des canaux qu'emprunte cette concurrence est connu. Il vient de l'absence d'équivalence universitaire des diplômes du travail social. Pour donner à leurs élèves les crédits nécessaires à l'obtention d'une licence européenne, les centres de formation ont dû s'engager dans la pratique dite des « doubles cursus », qui consiste à favoriser le passage d'une licence en parallèle à un diplôme professionnel de niveau III. Une aubaine pour un nombre grandissant d'universités qui connaissent une désaffection de l'ordre de 30 % à 50 % de leur filière des sciences de l'éducation, et à qui on demande de surcroît de développer des cursus débouchant sur l'emploi. « On a vu sortir une licence professionnelle des métiers de l'éducation spécialisée, directement calquée sur le référentiel du diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé. Sachant que la filière sociale offre des taux d'insertion dans l'emploi de l'ordre de 90 à 95 %, et que les universités ne sont pas limitées par des quotas de places, on mesure les enjeux », commente Elisabeth Javelaud. Mais l'université n'est pas seule en piste. Les diplômes de niveaux IV et V intéressent aussi l'enseignement secondaire. « On voit arriver les bacs professionnels de services à la personne (9) qui viendraient s'opposer à nos diplômes de niveau IV, sans que le lycée ait d'expérience dans ce transfert de la culture professionnelle. » De même, le ministère de l'Agriculture, à travers le réseau des maisons familiales rurales (10), voit dans le développement des métiers de services à la personne un outil idéal pour fixer les populations sur les zones rurales. Le catalogue de formation des 510 maisons familialesrurales s'est ainsi enrichi de formations d'aide médico-psychologique (AMP), d'auxiliaire de vie scolaire (AVS), de technicien de l'intervention sociale et familiale (TISF), de moniteur-éducateur, toutes articulées sur un maillage du territoire. Et la liste des prétendants se prolonge du côté des intervenants commerciaux, de certains grands groupes d'établissements sociaux et médico-sociaux, voire de quelques conseils généraux... A cela s'ajoute le mécanisme de la liste régionale d'agréments. Aux termes de la loi du 13 août 2004, l'homologation par la région des établissements dispensant des formations sociales s'opère en deux temps. Une fois remplie l'obligation de déclaration préalable auprès de la DRASS, les écoles se retrouvent inscrites sur une liste à partir de laquelle la région va sélectionner celles qu'elle financera au titre de la formation initiale. Sauf que peuvent être intégrés à cette liste tous les établissements, privés ou publics, déclarant remplir les conditions requises. Ainsi, en Ile-de-France, où 38 écoles dispensaient la formation d'aide médico-psychologique (AMP), 20 autres postulants se sont présentés à la région. Résultat : 58 établissements sont désormais sur les rangs, sans que les besoins formatifs régionaux puissent les faire tous travailler. Certaines régions installent de plus une concurrence inédite sur ces bases. Dans un souci de donner la priorité à la proximité, les écoles peuvent être choisies en fonction de leur localisation territoriale. Un drame pour des institutions exerçant parfois depuis des décennies. « On a vu ainsi des écoles historiquement implantées être évincées au profit de maisons familiales rurales mieux situées », s'étonne encore Elisabeth Javelaud, qui indique que l'Aforts est en train « de repérer tous les paramètres de la situation ».

DE L'AMBIGUITÉ ENTRE FORMATION INITIALE ET FORMATION CONTINUE

Dans son rapport de mission de février 2005, Philippe Chevreul constate « une très nette différence d'approche de la notion de formation initiale » entre les régions, d'une part, et « les employeurs et les organismes de formation du secteur », d'autre part. Si les seconds en ont une conception extensive, « qualifiant toutes les formations diplômantes de formations initiales », à l'inverse, les régions en ont une vision beaucoup plus concrète. « Ainsi, elles considèrent que la formation des personnes « en situation d'emploi » relève de la formation continue et donc, du financement de l'employeur ou de l'OPCA auquel il cotise », note le rapporteur. Loin d'être une querelle sémantique, la frontière retenue entre formation initiale et continue pourrait avoir un fort retentissement sur le financement de certaines formations.

Notes

(1)  Le 1er octobre 2005 lors d'une journée de travail sur la formation organisée par l'ETSUP et l'Association des chercheurs et formateurs en travail social.

(2)  La loi contre les exclusions avait en effet prévu que les centres de formation soient tenus de recruter les directeurs et les formateurs inscrits sur une liste d'aptitude nationale.

(3)  Voir ASH n° 1923 du 21-04-95.

(4)  Master professionnel de formation de formateurs - UFR des sciences de l'éducation et de la société ; Université Charles-de-Gaulle - Lille III - Contact : Université Charles-de-Gaulle ; Domaine universitaire du « Pont de Bois »  : rue du barreau - BP 60149 - 59653 Villeneuve d'Ascq cedex.

(5)  Voir ASH n° 2407 du 13-05-05.

(6)  Voir ASH n° 2400 du 25-03-05.

(7)  Voir ASH n° 2419 du 2-09-05.

(8)  Cafdes, DSTS, Caferuis, diplôme d'Etat de médiateur familial (DEMF), DEASS, DCESF, DEES, Cafets, DEEJE, DEFA, CAFME, DETISF, DEAVS, Cafamp.

(9)  Comme le bac professionnel « services de proximité et vie locale » - Voir ASH n° 2411 du 10-06-05.

(10)  Les maisons familiales rurales forment chaque année plus de 65 000 jeunes et adultes sur le principe de l'alternance entreprise-école, l'essentiel d'entre eux sous statut scolaire dépendant du ministère de l'Agriculture.

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