La « bataille pour l'emploi » était la première priorité de Dominique de Villepin en 2005. Elle l'est encore en 2006. Le 16 janvier, le Premier ministre a annoncé une nouvelle batterie de mesures destinées à « faire baisser durablement le chômage, en particulier [celui] des jeunes ». Elles s'inscrivent dans le prolongement du « plan d'urgence pour l'emploi » (1) et seront, pour celles qui concernent les jeunes, reprises dans la loi sur l'égalité des chances (2) qui doit être discutée au Parlement « à la mi-février ».
Concernant l'emploi des jeunes, l'ambition du chef du gouvernement est double : « permettre à tous les jeunes de consolider rapidement leur situation dans l'entreprise » en leur garantissant un « vrai parcours sécurisé », mais aussi sortir de l'ornière ceux qui sont actuellement exclus du monde du travail. Dominique de Villepin l'a martelé : il souhaite « avancer vite » dans ces deux directions, soulignant l'urgence de garantir aux jeunes « un emploi, un vrai emploi, un bon emploi ». Trois séries de décisions devraient être mises en œuvre « dans les prochains jours » par le gouvernement pour concrétiser, à terme, cet objectif. La première vise à renforcer la formation en alternance, qui « se développe bien » dans les petites entreprises mais reste « beaucoup trop modeste » dans les grandes, a regretté le Premier ministre. Pour remédier à cette situation, il a décidé de fixer un objectif quantifié de jeunes en alternance dans les entreprises de plus de 250 salariés : « 1 % de leurs effectifs au 1er janvier 2007,2 % au 1er janvier 2008 et 3 % au 1erjanvier 2009 ». « La taxe d'apprentissage sera modulée en fonction du respect de cet objectif », a-t-il précisé.
Le chef du gouvernement a, par ailleurs, réitéré son intention de mettre fin à certaines dérives - pour ne pas dire abus - en matière de stages. Après avoir rappelé qu'une « charte des stages » était en cours d'élaboration (3), il a annoncé trois mesures destinées à leur redonner leurs lettres de noblesse : la reconnaissance de tous les stages longs comme un élément du cursus universitaire, la prise en compte des stages dans l'ancienneté professionnelle et le versement d'une indemnité obligatoire pour ceux d'une durée de plus de trois mois. Concrètement, « une franchise de cotisations sociales à hauteur de 360 € d'indemnité mensuelle par stagiaire » sera instituée pour permettre à l'entreprise de mieux rémunérer ses stagiaires.
Troisième chantier lancé par le Premier ministre, la création du « contrat première embauche » (CPE). Ouvert à tous les jeunes de moins de 26 ans embauchés dans une entreprise de plus de 20 salariés, ce nouveau contrat est à rapprocher du « contrat nouvelles embauches » (CNE) réservé, lui, aux entreprises de moins de 20 salariés (4) : il permettra au jeune d'être embauché directement en contrat à durée indéterminée (CDI), l'intéressé étant, Dominique de Villepin l'a assuré, « naturellement rémunéré comme n'importe quel autre salarié ». Tout comme le CNE, le contrat première embauche prévoira « une période de consolidation de l'emploi de deux ans au maximum » au cours de laquelle l'employeur pourra rompre le contrat sans avoir à justifier sa décision. Une différence de taille toutefois : « les stages, les contrats à durée déterminée et les périodes en alternance qui auraient été effectués dans l'entreprise seront décomptés de cette période ». Avec ce nouveau contrat -très mal accueilli par les organisations syndicales qui lui reprochent notamment de généraliser la précarité pour les moins de 26 ans -, l'ambition du gouvernement est de répondre à trois préoccupations majeures des jeunes. D'abord, l'indemnisation du chômage. En cas de rupture du CPE après quatre mois, le bénéficiaire aura ainsi droit pendant deux mois, en plus de l'indemnité de rupture, à une allocation forfaitaire d'un montant mensuel de 460 €, financée par l'Etat. La généralisation de cette mesure aux CNE, pour les jeunes dans les entreprises de moins de 20 salariés, pourrait être étudiée « très rapidement », a précisé le chef du gouvernement. Le CPE procurera également à ses titulaires des avantages supplémentaires en termes de formation professionnelle : le droit individuel à la formation (5) « s'ouvrira dès la fin du premier mois » , et non au bout de un an pour les autres contrats. Enfin, le contrat première embauche devrait, estime le gouvernement, faciliter l'accès des intéressés au crédit et au logement, le Locapass - système d'apport d'une caution ou d'une avance du dépôt de garantie - étant proposé systématiquement lors de sa signature.
Toujours en matière de contrats à durée indéterminée, Dominique de Villepin a annoncé l'extension du bénéfice des mesures prévues par le contrat jeune en entreprise (6), aujourd'hui réservé aux jeunes sans qualification, aux 240 000 jeunes qui, au 16 janvier, sont au chômage depuis plus de six mois. Les employeurs qui embauchent ces jeunes « en CDI avant la fin de l'année, quelle que soit la nature du contrat, seront totalement exonérés de charges patronales pour trois ans », a-t-il précisé, ces exonérations étant « financées par redéploiement ».
Le Premier ministre a aussi exprimé sa volonté d'accroître le taux d'activité en France, l'un des « plus faibles parmi les pays développés, pour les jeunes et les seniors ». Le gouvernement avancera sur la base du principe du « libre choix ». Il s'agit concrètement de permettre à tous ceux qui le souhaitent de travailler plus, a-t-il expliqué. Comment ? Pour les seniors, trois propositions sont avancées par Dominique de Villepin : l'élargissement des possibilités de cumul emploi-retraite pour les bas salaires, le renforcement du dispositif de la « surcote » (7) et la retraite progressive, un dispositif qui « permettrait de travailler à mi-temps à partir de 60 ans tout en commençant déjà à toucher une partie de sa retraite ». Ces propositions font d'ailleurs partie de l'avant-projet de plan en faveur de l'emploi des seniors qu'a présenté le Premier ministre aux partenaires sociaux le 17 janvier.
Plus généralement, les salariés qui le souhaitent devraient pouvoir accroître leurs revenus en recourant à l'intérim, quel que soit leur contrat (à temps partiel ou à temps plein). Ils enrichiront ainsi leurs expériences et renforceront leur pouvoir d'achat, a indiqué le Premier ministre. Seule limite à cette possibilité : les plafonds globaux de temps de travail fixés par la loi ne devront pas être dépassés.
Au-delà, Dominique de Villepin souhaite qu'une « orientation spécifique pour chacun des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), à la fois sur le plan social et professionnel », soit prévue. Le ministre de l'Emploi, Jean-Louis Borloo, est chargé de plancher sur ce dossier, l'idée étant que tous les titulaires de l'ASS puissent à l'avenir bénéficier d'un suivi personnalisé. Actuellement, seuls la moitié d'entre eux - ceux inscrits au chômage - ont droit à des entretiens réguliers, a rappelé le locataire de Matignon.
Le Premier ministre a clôturé son intervention en évoquant les trois grands sujets qui devraient marquer la troisième étape de la bataille pour l'emploi :la réforme du financement de la protection sociale, thème lancé par Jacques Chirac (8) et qui devait donner lieu dès le 20 janvier à un comité interministériel ; la réforme globale du contrat de travail, sur laquelle le ministre délégué à l'emploi, Gérard Larcher, va consulter les partenaires sociaux en vue de « définir un nouveau régime juridique des ruptures négociées » ; les allégements de charges sur les heures supplémentaires. Autant de dossiers sur lesquels planche d'ores et déjà le gouvernement, a assuré Dominique de Villepin.
(1) Voir ASH n° 2418 du 26-08-05.
(2) Voir ASH n° 2438 du 13-01-06.
(3) Voir ASH n° 2434 du 16-12-05.
(4) Voir ASH n° 2418 du 26-08-05.
(5) Voir ASH n° 2359 du 14-05-04.
(6) Voir ASH n° 2280 du 11-10-02.
(7) Majoration de pension pour ceux qui travaillent au-delà de l'âge de la retraite et au-delà de la durée nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein.
(8) Voir ASH n° 2437 du 6-01-06.