C'est en juillet 1995 que l'ensemble des conseillers techniques en travail social des services déconcentrés du ministère des Affaires sociales, classés en catégorie A, se sont engagés dans un projet de réseau professionnel, qui a abouti à la création de la conférence en 1996. En fait, après la première vague de décentralisation de 1982 et 1983, qui avait vu notamment le transfert aux départements des compétences d'aide sociale à l'enfance, l'Etat n'avait conservé que des compétences d'action sociale en direction de certains publics. Les conseillers techniques se sentaient très isolés dans les directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales, où l'orientation sanitaire était devenue prédominante. C'est ainsi que des rencontres régionales de conseillers techniques ont été organisées de 1991 à 1994. Puis le réseau s'est formalisé, très largement soutenu par Pierre Gauthier, alors directeur de l'action sociale.
Avec la réorganisation de l'action sociale qui avait suivi la décentralisation, il y avait besoin de redéfinir le sens et les contours du métier de conseiller technique. C'est ainsi que Pierre Gauthier avait soutenu la mise en place en 1995 d'une formation d'adaptation à l'emploi à l'Ecole nationale de la santé publique. Laquelle a permis en 1999 l'élaboration d'un référentiel-métier décrivant les missions principales exercées dans les services déconcentrés du ministère en charge des affaires sociales.
La Conférence, qui est composée de 26 membres - un par région -, anime le réseau des conseillers techniques en travail social. Elle est chargée de promouvoir les échanges entre collègues mais aussi avec d'autres professionnels de l'action sociale, d'être un lieu de réflexions et de propositions en direction des services centraux, comme celles que nous avons faites sur l'accompagnement social des publics en difficulté, l'accueil des gens du voyage, l'inspection, le contrôle et l'évaluation. Elle doit contribuer à ce que le sens de l'action sociale ne soit pas oublié dans la mise en œuvre des politiques sociales.
Plus que la décentralisation, c'est la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui nous préoccupe. Car tout notre travail « invisible » de conduite de projets, d'expertise, d'observation sociale, d'évaluation qualitative n'est pas intégré dans ses objectifs. Par exemple, quand il s'agit de mettre en place x maisons-relais, tout le travail de conception préalable n'est pas pris en compte. Avec la LOLF, on constate que l'impact des politiques se mesurera sur des critères quantitatifs au détriment de la mesure qualitative. Avec le risque, au bout du compte, que nos gestionnaires préfèrent recourir à des personnels administratifs plutôt qu'à des cadres de l'action sociale. Nous revendiquons notre place dans la mise en adéquation des objectifs des programmes avec les besoins des populations concernées. Nous avons d'ailleurs commencé à sensibiliser les directeurs des DDASS et des DRASS à cette question et nous avons bien l'intention de continuer.
Tout d'abord, poursuivre les travaux de réflexion et de production dans les régions, notamment dans les champs de l'observation sociale et de l'évaluation qualitative. Notre connaissance des publics, notre formation de travailleur social et nos compétences confèrent à notre fonction une place stratégique pour rendre effectif l'accès aux droits des personnes les plus vulnérables, rendue encore plus nécessaire dans une société où se creusent les inégalités. Ensuite, nous battre pour faire vivre un réseau de professionnels qui s'amenuise. De 360 postes de conseillers techniques dans les DDASS et DRASS en 1996, l'effectif est tombé à 130 en 2005, dont une trentaine sont vacants. Il est navrant de constater que l'Etat, toujours légitime sur la cohérence de l'action sociale, se préoccupe si peu de conserver des compétences sociales dans ses services.
Propos recueillis par Isabelle Sarazin
(1) Egalement conseillère technique à la DDASS des Hautes-Pyrénées - BP 1336 - 65013 Tarbes cedex 9 - Tél. 05 62 51 79 79.