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Un réseau complet de services coordonnés

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Pour aider les personnes atteintes de lourdes pathologies et en situation de précarité, l'association audoise Arbor gère des appartements de coordination thérapeutique, des appartements-relais et un point écoute. Et propose un réseau complet de réponses organisé autour de la prévention, des soins et de l'insertion par le logement.

« On n'a pas cessé de changer, d'évoluer. On essaie de coller aux besoins des usagers », explique Gilles Laffon d'un ton amusé. Pour le directeur d'Arbor (1), cette volonté de s'adapter à l'évolution des difficultés rencontrées par les personnes en grande difficulté sanitaire et sociale est au cœur de la démarche développée par l'association, depuis presque 15 ans, dans le Languedoc-Roussillon.

Lorsqu'il crée Arbor en 1991, Gilles Laffon est en charge d'un centre de post-cure. Le sida a fait son apparition quelques années auparavant chez les toxicomanes et il est urgent de leur proposer des structures leur permettant de se poser pour se soigner. « A l'époque, on voyait des personnes qui arrivaient de la rue et n'observaient pas leur traitement, ce qui écourtait leur espérance de vie », se souvient Frédérique Thomas, assistante sociale et coordinatrice des actions de prévention.

Afin d'éviter que ces personnes ne meurent dans la rue, l'association crée alors deux appartements-relais à Carcassonne. Près de 15 ans plus tard, l'association, qui a fusionné en 2002 avec SOS Habitat et Soins, a développé un ensemble de structures d'accueil pour accueillir les personnes en situation sanitaire et sociale précaire. Elle a peu à peu constitué un réseau complet de prévention, de soins et d'insertion par le logement.

Premier service, les appartements de coordination thérapeutique (ACT), qui s'adressent à des personnes atteintes de pathologies chroniques sévères comme le sida. A Carcassonne, il s'agit d'une maison (deux maisons accolées offrant un hébergement collectif) de coordination thérapeutique, sans aucun doute le dispositif le plus original du réseau. Créée en 1995, la maison accueille cinq personnes (hommes ou femmes de 18 à 60 ans, célibataires ou en couple) souffrant de pathologies lourdes et chroniques et en situation de fragilité sociale (voir encadré ci-dessous).

Ancien toxicomane, aujourd'hui atteint d'une sclérose en plaques, Christophe a pu s'installer en février dernier, après de longues années d'incarcération, dans une des chambres situées à l'étage. Malgré sa maladie très invalidante, cette halte lui permet de bénéficier d'un accompagnement thérapeutique et psycho-social assuré par un médecin coordinateur, une assistante sociale, deux aides-soignantes et une aide médico-psychologique.

« Contrairement aux appartements de coordination thérapeutique qui supposent un minimum de capacité à se prendre en charge individuellement, la maison, par le biais d'un environnement plus collectif et la présence d'un personnel sur place, s'avère plus adaptée à des publics sévèrement atteints d'une, voire de plusieurs pathologies, comme le sida, la polyarthrite, le cancer ou la sclérose en plaques », explique Frédérique Thomas. Mais, s'empresse-t-elle d'ajouter, si le volet sanitaire (prise des traitements, accompagnement nutritionnel, organisation des rendez-vous et des examens à l'hôpital, etc.) constitue l'essentiel du suivi, l'objectif de réinsertion n'est pas oublié. « A un moment donné, la personne se dit : "je suis en vie, je peux faire un projet, envisager d'aller habiter en ville ". Et on doit, quand c'est vraiment possible, maintenir cette "espérance" de vie. »

Voilà pourquoi les responsables ont préféré ne pas imposer aux personnes hébergées une durée limitée de séjour, tant elle dépend des perspectives de reconstruction de chacun. Cette reconstruction passe notamment par l'apprentissage des règles de vie collective. A travers le partage des tâches ménagères, les repas préparés et pris ensemble ou encore les petits travaux de jardinage, les personnes retrouvent une vie sociale. Cette ouverture progressive, explique-t-on ici, n'est possible qu'en maintenant l'équilibre entre la nécessaire sécurité de ce cocon et l'expérience de la vie en dehors. « Nous leur proposons peu d'activités, pour qu'ils puissent aller vers l'extérieur, pratiquer des activités dans des MJC ou des clubs par exemple, et entrer peu à peu dans le droit commun », explique Frédérique Thomas.

Très tôt, les professionnels ont dû démontrer leurs capacités d'adaptation à la diversité des difficultés auxquelles étaient confrontés les résidents. « Entre la psychiatrie, la toxicomanie, les aspects plus techniques du soin pur et les différents problèmes de précarité, l'équipe est sans cesse sur un balancier », précise Gilles Laffon. Sans compter les problématiques sociales et familiales de chacun, qui exigent parfois un lourd investissement pour mettre au point des réponses partenariales. Grâce à la coordination développée avec les services de l'aide sociale à l'enfance et à un travail préparatoire de six mois mené avec les résidents, la seule femme hébergée a pu ainsi faire dormir sa fille de 8 ans au sein de la maison, lors des dernières fêtes de Noël. Le dispositif a été complété courant 2003 par l'ouverture de huit places en appartements de coordination thérapeutique (ACT), situés à Perpignan.

Appartements ou maison, à terme, l'objectif reste bien l'accès des usagers au logement et l'organisation d'un dispositif (infirmier, aide ménagère, allocation compensatrice, etc.) leur permettant de s'y maintenir. Beaucoup d'anciens résidents ont ainsi pu trouver un logement en ville ou dans l'agglomération de Carcassonne. Christophe assure aujourd'hui avoir « la tête hors de l'eau » et envisage d'aller s'installer plus loin, à Sète. Si sa maladie l'a contraint à renoncer à sa passion pour la mer et aux sorties en bateau pour aller pêcher, il entretient l'espoir de pouvoir monter une crêperie. Pour d'autres, reconnaît Frédérique Thomas, le travail, et même l'insertion par le logement, sont illusoires : « Il y a des résidents dont les troubles neurologiques liés au VIH sont tels qu'ils ne savent même plus écrire leur nom ou leur prénom. Pour eux, il faut envisager à terme une prise en charge au sein d'un service psychiatrique. »

Deuxième service, les appartements-relais s'adressent aux personnes moins durement touchées par la maladie et beaucoup plus autonomes, qui n'ont pas besoin d'un traitement lourd, ni d'une équipe importante. Les résidents des deux appartements-relais de Narbonne ne restent que trois ou quatre mois, le temps de remettre de l'ordre dans une situation personnelle suffisamment dégradée et confuse pour entraver toute démarche d'insertion sociale et professionnelle. Extrême précarité des personnes au RMI depuis une dizaine d'années et n'arrivant plus à faire face, problèmes liés à des conduites addictives et à des pathologies associées telles que l'hépatite C, errance de certaines familles d'Europe du Nord descendues vers le soleil et ignorant tout des mécanismes administratifs français... Pour tous ces publics, le passage dans l'un des appartements-relais de l'association est l'occasion de pouvoir remettre le pied à l'étrier. « L'idée de ces appartements, explique Alain Clocheau, éducateur, c'est de pouvoir donner un coup de pouce à l'insertion de ces personnes en essayant de leur refaire un costume administratif sur mesure et cohérent. Ce sont des gens capables de travailler, malgré leur maladie, mais qui ont besoin parfois d'un simple coup de pouce pour redémarrer. »

Avant de se lancer dans des recherches de logement et d'envisager des actions d'insertion professionnelle, Alain Clocheau travaille en lien avec les institutions pour ouvrir les droits à la couverture maladie universelle, régulariser un dossier à la caisse d'allocations familiales ou résoudre des problèmes d'addiction. Un travail d'insertion complété par sa présence, trois fois par semaine, sur les lieux ressources (2) implantés dans le département de l'Aude. Alain Clocheau y apporte sa « casquette santé-précarité » pour monter avec les différents partenaires présents (CAF, CPAM, Cotorep, etc.) des actions d'insertion. Le reste du temps, il sillonne les routes du Minervois et des Corbières pour aller à la rencontre des personnes isolées, en situation sanitaire et sociale difficile : « Je viens avec les informations administratives dont elles ont besoin, éventuellement avec les dossiers en cours. J'interviens un peu comme un guichet unique à domicile. »

En 2000, Arbor a investi le champ de la prévention en ouvrant un point écoute santé solidarité à Carcassonne. Cette permanence, organisée le mercredi après-midi dans des locaux appartenant à la Croix-Rouge, permet d'informer et d'orienter vers les services ad hoc les personnes cumulant précarité et difficultés médico-psychologiques. Pour rompre l'isolement des publics vivant en milieu rural, des ateliers et des repas gratuits sont également organisés régulièrement. « Les repas s'adressent à des personnes atteintes du VIH et sont un prétexte pour libérer la parole autour de leur maladie, explique Frédérique Thomas. Beaucoup de couples y viennent parce qu'ils éprouvent le besoin de parler de la sexualité et du sida. »

Avec l'animatrice du point écoute, elle a développé également, à travers le département, des actions de prévention et d'information sur le VIH, les hépatites et les infections sexuellement transmissibles. Qu'il s'agisse d'intervenir dans une école pour parler de la séropositivité, de mener des opérations de prévention dans les milieux festifs et les clubs non conformistes, ou des actions d'information dans le secteur de la formation professionnelle, le travail vise à briser les tabous ou l'indifférence « sans jamais tenir de discours moral », précise Frédérique Thomas.

Toutes ces interventions permettent à l'association de disposer d'une palette étendue de solutions et de faire jouer des synergies au service des projets des usagers. « On peut rencontrer une personne séropositive lors d'une action de prévention dans un village et décider de la faire admettre dans la maison de coordination thérapeutique, avant de mettre en place une mesure d'accompagnement social au logement, si le sien est insalubre », souligne la coordinatrice des actions de prévention.

A en croire les responsables, la clé de voûte de cette organisation est l'implication des équipes, qui n'hésitent pas à se déplacer pour faire le forcing auprès de certains organismes quand une situation paraît bloquée. Pas question en outre, explique Gilles Laffon, de laisser un quelconque cloisonnement s'installer entre les services et nuire à une flexibilité indispensable. « Un aide soignant peut, s'il le faut, venir donner un coup de main jusqu'à 2 h du matin sur un stand de prévention. » Enfin, les idées ne manquent pas puisque l'association s'apprête à lancer à Carcassonne un service de traiteur, sous la forme d'une entreprise d'insertion, pour permettre à des personnes atteintes d'une pathologie chronique de retrouver une activité professionnelle.

Henri Cormier

UNE MAISON POUR LES PERSONNES ATTEINTES DE PATHOLOGIES CHRONIQUES SÉVERES

La maison de coordination thérapeutique forme le dispositif le plus lourd du réseau mis en place par Arbor. Elle nécessite la présence de cinq professionnels sur les huit que compte l'association, et fonctionne avec un financement de l'assurance maladie de 258 000 € par an. Appropriée à la prise en charge des personnes les plus sévèrement touchées par la maladie, cette formule se heurte néanmoins aux problèmes psychiques rencontrés par certains résidents, souligne Gilles Laffon, directeur d'Arbor : « Certaines personnes ne sont pas encore susceptibles d'entrer en psychiatrie mais ne peuvent pas non plus rester ici dans la mesure où c'est un lieu ouvert. Nous réfléchissons donc à une structure expérimentale, proche de la maison d'accueil spécialisée et pouvant constituer un sas entre la maison de coordination thérapeutique et le secteur psychiatrique. »

Notes

(1)  Arbor : 61, rue des Genévriers - 11000 Carcassonne - Tél. 04 68 72 02 71- E-mail : arbor@groupe-sos.org

(2)  Lieux financés par le conseil général de l'Aude et mis à disposition des publics précarisés.

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