Pas moins de huit séances de discussions, parfois houleuses, auront été nécessaires aux partenaires sociaux gestionnaires de l'Unedic pour enfin finaliser, le 22 décembre, un protocole d'accord jetant les bases d'une nouvelle convention d'assurance chômage, la précédente arrivant à échéance le 31 décembre. Reste à savoir quelles organisations syndicales y apposeront leur paraphe, ce texte étant ouvert à signature. Sauf surprise, la CGT ne devrait pas le ratifier, son secrétaire confédéral, Maurad Rabhi, ayant dénoncé un « accord de dupes », « l'essentiel du déficit de l'Unedic » étant, selon lui, « une fois de plus résorbé sur le dos des chômeurs et des salariés ». A l'inverse, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC devraient le signer, même si elles se laissent un laps de temps pour entériner définitivement leur intention, leurs instances devant se réunir les 2 et 3 janvier. La seule question véritablement en suspens, à l'heure où les ASH bouclaient, était donc de savoir si FO rallierait ou non le camp des signataires potentiels pour porter à quatre leur nombre (1). S'y ajouteront, de manière certaine cette fois, les trois organisations patronales : le Medef, la CGPME et l'UPA. Il reviendra alors au ministère de l'Emploi d'agréer la nouvelle convention - ce qui, en pratique, ne devrait pas entraîner de difficulté - pour qu'elle entre en application, de manière rétroactive, au 1er janvier 2006.
La nouvelle convention d'assurance chômage est conclue pour une durée de 3 ans, soit du 1erjanvier 2006 au 31 décembre 2008, date à laquelle elle cessera de plein droit de produire ses effets. Elle ne s'appliquera qu'aux seuls allocataires entrant dans le régime après le 31 décembre 2005.
La plupart des syndicats s'accordent sur un point : il s'agit d'un accord « a minima », même si les mesures que le protocole prévoit doivent faire économiser à l'Unedic environ 2,4 milliards d'euros en 3 ans. Pour concrétiser cet objectif ambitieux, les cotisations chômage (employeurs et salariés) vont être relevées de 0,08 % au 1er janvier. Les conditions d'accès à certaines filières d'indemnisation vont par ailleurs être aménagées, les montants et les durées d'indemnisation étant pour leur part maintenus. Parallèlement, une batterie de dispositions ont été actées pour favoriser « un retour précoce à l'emploi des personnes qui en sont privées, en vue de [leur] réinsertion durable ».
Cette négociation marathon, entamée le 8 novembre dernier, aura au moins eu une vertu : attester, si besoin était, que le système français d'indemnisation du chômage, dont le déficit cumulé au 31 décembre devrait friser les 14 milliards d'euros, est à bout de souffle. Tous en sont conscients, les syndicats les premiers : ils ont prévu de se retrouver autour de la table « au cours de l'année 2006 » pour réfléchir à une refonte en profondeur du dispositif. Une manière de travailler à froid, sans la contrainte de devoir aboutir à une date précise.
Le taux de cotisation à l'assurance chômage sera relevé de 0,08 point au 1er janvier, réparti à parts égales entre l'employeur et le salarié (soit 0,04 point chacun). Il passera ainsi de 6,4 % à 6,48 % du salaire brut (4,04 % pour les entreprises et 2,44 % pour les salariés). Cette mesure devrait permettre d'engranger 960 millions d'euros de recettes supplémentaires sur la durée de la nouvelle convention (2006-2008).
Cette majoration devrait cesser de s'appliquer à compter du 1er janvier 2007 si le résultat financier de l'année 2006 est « égal ou supérieur à zéro », autrement dit en cas d'équilibre des comptes au terme de ladite année. Ou, à défaut, à compter du 1er janvier 2008, si l'Unedic enregistre « un excédent d'au moins 2 milliards d'euros » sur le résultat financier de l'année 2007.
L'accord modifie les conditions de versement des allocations chômage aux salariés privés d'emploi compris dans une procédure de licenciement après le 31 décembre 2005. Il aménage ainsi certaines des durées d'affiliation requises pour ouvrir droit à indemnisation. Et crée, parallèlement, une nouvelle filière - dite « A+ » - pour les personnes ayant cotisé au moins 12 mois sur les 20 derniers mois précédant la rupture de leur contrat de travail. Ces ajustements devraient engendrer 474 millions d'économie sur 3 ans, sachant que les partenaires sociaux n'écartent pas la possibilité de revenir dessus « en cas de retour durable à l'équilibre financier du régime permettant la constitution de réserves de fonctionnement de 6 milliards d'euros dans le fonds de régulation ».
Aucune modification ne sera apportée à la filière A, qui s'adresse aux chômeurs sortant de contrats courts ou précaires. Il faudra toujours avoir cotisé au moins 6 mois au cours des 22 derniers mois pour ouvrir droit à une indemnisation de 7 mois, selon les termes du protocole d'accord.
Nouveauté de l'accord du 22 décembre 2005 :une filière intermédiaire - dite « A+ » - sera créée entre les filières A et B. Elle permettra aux demandeurs d'emploi affiliés au régime d'assurance chômage pendant au moins 12 mois au cours des 20 derniers mois de percevoir un revenu de remplacement pendant 12 mois.
La filière B - la plus courante puisqu'elle concerne près de la moitié des chômeurs indemnisés - est modifiée. Il faudra dorénavant avoir travaillé 16 mois (contre 14 actuellement) au cours des 26 derniers mois (au lieu de 24) pour être indemnisé 23 mois (inchangé).
Les durées d'affiliation et d'indemnisation applicables à la filière C (chômeurs de 50 ans et plus) demeurent les mêmes : 27 mois travaillés au cours des 36 derniers mois donneront toujours droit à 36 mois d'indemnisation. Une nouveauté toutefois : les allocataires qui entreront dans la filière C à partir de 57 ans et demi (au lieu de 57 ans actuellement) pourront être indemnisés jusqu'à l'âge de la retraite.
Du fait de l'intégration dans la filière C des chômeurs relevant jusqu'alors de la filière D (indemnisation des chômeurs d'au moins 57 ans jusqu'à l'âge de la retraite), cette dernière sera purement et simplement supprimée.
Parce que « l'évaluation des perspectives de reclassement constitue un outil majeur pour accélérer le retour à l'emploi » de ceux qui en sont privés, chaque chômeur devrait dorénavant bénéficier d'un « diagnostic initial sur [sa] situation et [sa] distance à l'emploi » , l'objectif étant de lui proposer ensuite des prestations adaptées à son profil. Cela passe bien évidemment par une plus grande « différenciation des parcours » proposés.
Concrètement, chaque demandeur d'emploi bénéficiera, dès son inscription, d'une « première évaluation personnalisée » et d'une « information sur les perspectives d'évolution des métiers », avant d'être orienté vers l'Agence nationale pour l'emploi ou l'Association pour l'emploi des cadres notamment, en vue :
d'actions de reclassement immédiat ;
de la réalisation éventuelle d'un bilan de compétences ;
d'une action de validation des acquis de l'expérience (VAE) ;
de la prescription d'une formation complémentaire dont l'intérêt pour son reclassement a été identifié directement ;
ou de la conclusion d'un contrat de professionnalisation (2).
Les personnes « rencontrant des difficultés particulières de reclassement » pourront, quant à elles, être prises en charge par des prestataires conventionnés par l'Unedic.
Afin d' « installer la formation professionnelle tout au long de la vie pour tous », l'entrée des allocataires dans une démarche de validation des acquis de l'expérience devrait être « facilitée et amplifiée lorsqu'ils le souhaitent ».
A cet effet, les partenaires sociaux ont prévu que l'Unedic prendra en charge les dépenses liées à la VAE « dès lors qu'elles ne sont pas couvertes par d'autres financeurs » . Une condition est toutefois posée : les diplômes ou certificats préparés doivent « favoriser l'accès à des emplois identifiés au niveau territorial ou professionnel ». Les Assedic auraient la possibilité de réserver ces actions en priorité aux allocataires justifiant de plus de 20 ans d'activité professionnelle, à ceux âgés de plus de 45 ans ou susceptibles d'obtenir tout ou partie d'une certification leur permettant d'accéder à des métiers reconnus prioritaires.
Les aides à la formation financées par l'Unedic seront dorénavant réservées à certaines actions :
celles répondant à des besoins identifiés dont la satisfaction est un préalable à une embauche ;
et celles, conventionnées, visant à répondre à des besoins de qualification identifiés au niveau territorial ou professionnel, ou encore à des tensions sur certains métiers, notamment celles qui permettront, après une action de VAE, l'acquisition complète de la qualification recherchée.
Une attention particulière est également portée aux chômeurs occupant auparavant un emploi à temps partiel et qui souhaitent « réorienter leur carrière » pour travailler à temps plein.
Afin de favoriser leur évolution professionnelle, les gestionnaires du régime ont prévu que leur soit accordée une priorité d'accès aux formations réalisées dans le cadre d'une période de professionnalisation (3), y compris les formations de longue durée.
Les allocataires ne remplissant pas les conditions requises pour ouvrir droit au congé individuel de formation -contrat à durée déterminée (CIF-CDD) pourront toujours y accéder, à une double condition : avoir été salarié en contrat à durée déterminée pendant 6 mois consécutifs ou non au cours des 22 derniers mois précédant la fin de leur dernier contrat (au lieu de 4 mois, consécutifs ou non, au cours des 12 derniers mois), et toujours sur la base d'une activité salariée de 2 ans consécutifs ou non au cours des 5 dernières années.
Pendant la durée de son indemnisation, l'allocataire bénéficiera du versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) par l'Assedic, ainsi que d'une indemnité complémentaire calculée sur la base du différentiel entre 80 % de la moyenne des salaires perçus au cours des 6 derniers mois sous contrat à durée déterminée et le montant de l'ARE versée.
Chaque branche devrait par ailleurs examiner, au cours de l'année 2006, les modalités selon lesquelles les salariés en contrat à durée déterminée pourront bénéficier, à son terme, d'une action de VAE.
Une autre ambition des partenaires sociaux est de rendre le contrat de professionnalisation plus incitatif, le dispositif étant jusqu'alors sous-utilisé par le régime (seulement 1 % de l'enveloppe annuelle de 152,5 millions d'euros est actuellement dépensé). Le protocole d'accord fixe un objectif ambitieux : le soutien à la conclusion et l'accompagnement de « 80 000 contrats par année ».
Pour y parvenir, le salaire offert à l'allocataire en contrat de professionnalisation pourra être « au moins égal à 120 % de l'allocation d'aide au retour à l'emploi » , l'Unedic complétant, en tant que de besoin, la rémunération versée par l'entreprise par une fraction de l'ARE, dans la limite des durées de versement de cette dernière.
Les entreprises seront, elles aussi, incitées à davantage mobiliser le dispositif. A cet effet, une aide forfaitaire devrait leur être accordée, dont la durée maximale ne pourra pas dépasser la durée de la période de formation. Les modalités de son attribution ne sont toutefois pas précisées, les partenaires sociaux ayant renvoyé cette question à un prochain accord d'application.
Ces dispositions s'appliquent aux contrats de professionnalisation conclus à compter du 1erjanvier 2006.
Les allocataires dont la date de fin de contrat de travail est postérieure au 31 décembre 2005 pourront cumuler le versement de l'ARE avec une rémunération dès lors que la durée mensuelle de leur travail (activité occasionnelle ou réduite) n'excède pas 110 heures, ce cumul étant assuré dans la limite de 15 mois pour ceux âgés de moins de 50 ans (au lieu de 136 heures dans la limite de 18 mois actuellement).
Le protocole d'accord prévoit qu'un allocataire âgé de 50 ans au moins ou indemnisé depuis plus de 12 mois qui reprend une activité professionnelle peut percevoir une « ARE différentielle de reclassement », l'objectif étant de compenser une éventuelle perte de salaire. Pour cela, il doit reprendre un emploi :
dans une autre entreprise que celle dans laquelle il exerçait son activité précédente ;
qui n'entre pas dans le champ des règles applicables aux activités réduites ;
et dont la rémunération est, pour une même durée de travail, inférieure d'au moins 15 % à celle de son précédent emploi.
Cette indemnité, payée mensuellement, ne pourra excéder la durée maximum de versement de ses allocations dans la limite de 50 % de ses droits résiduels à l'ARE.
D'autre part, seule l'embauche d'un allocataire de 50 ans au moins par une autre entreprise que celle qui l'employait précédemment (ou d'une personne indemnisée depuis plus de 12 mois) ouvrira droit au versement de l'aide dégressive à l'employeur, dans la limite de la durée de paiement de l'ARE différentielle.
Une aide spécifique sera créée afin de faciliter la reprise ou la création d'entreprise par des allocataires. Concrètement, le demandeur d'emploi ne remplissant pas les conditions pour bénéficier du régime des activités réduites pourra obtenir le versement, sous forme de capital, d'une somme égale à la moitié du montant du reliquat de ses droits à l'ARE. Ce capital lui sera payé en deux fois : le premier versement interviendra au moment de la création ou de la reprise de l'entreprise, le second 6 mois après.
Un accord paritaire devrait préciser les conditions d'application des aides à la mobilité prévues dans le cadre du régime de l'assurance chômage (4) et définir les règles d'accès à une indemnité de « double résidence » .
Thierry Ruckebusch
(1) Sur la réaction des associations de chômeurs, voir ce numéro.
(2) Voir ASH n° 2385 du 10-12-04.
(3) Sur les périodes de professionnalisation, voir ASH n° 2359 du 14-05-04.
(4) Voir ASH n° 2334 du 21-11-03.