La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 autorise le gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures nécessaires à la lutte contre les différentes formes d'habitat « indigne » (1) - logements insalubres, immeubles « menaçant ruine »... - dont le traitement relève des pouvoirs de police administrative exercés par les maires et les préfets. Une première ordonnance allant dans ce sens vient de paraître et réécrit plusieurs articles du code de la santé publique et du code de la construction et de l'habitation. Elle vise notamment à simplifier les procédures en la matière. Pour mémoire, le gouvernement estime que 500 000 logements relèvent actuellement de l'habitat indigne.
L'ordonnance prévoit un dispositif destiné à faciliter le traitement d'urgence des situations d'insalubrité. Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une procédure nouvelle. Il complète l'actuelle procédure de consultation, laquelle peut être relativement longue à mettre en œuvre avant d'aboutir à un arrêté d'insalubrité et ne permet donc pas d'intervenir rapidement pour garantir des conditions d'hygiène et de sécurité minimales aux occupants. Jusqu'à présent, en effet, le préfet, alerté du danger représenté par un immeuble ou un groupe d'immeubles pour la santé des occupants ou des voisins, doit demander, dans le délai de deux mois, l'avis de la « commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques » sur la réalité et les causes de l'insalubrité et les mesures propres à y remédier. A charge pour lui ensuite, en cas d'avis concluant à l'impossibilité de remédier à l'insalubrité, de prononcer, dans le délai de un mois, l'interdiction définitive d'habiter et d'utiliser les lieux. Ou, en cas d'insalubrité remédiable, de prescrire, toujours dans ce délai, les mesures appropriées. Désormais, le préfet peut, préalablement à la saisine de la commission départementale, mettre en demeure un propriétaire de procéder aux mesures indispensables pour assurer les conditions minimales d'hygiène ou de sécurité de l'habitat, dans un délai qu'il fixe. Et cela sans préjuger de la poursuite de la procédure de déclaration d'insalubrité.
L'ordonnance définit au passage la notion d'insalubrité irrémédiable, dont la conséquence est, pour mémoire, le prononcé par le préfet, d'une interdiction définitive d'habiter et d'utiliser les lieux. « La qualification juridique du remédiable et de l'irrémédiable est souvent difficile et source de contentieux, contentieux parfois d'interprétation délicate », explique le rapport annexé au texte. L'irremédiabilité se définit ainsi dorénavant en prenant comme références l'impossibilité technique de réaliser les travaux nécessaires pour résorber l'insalubrité du bâtiment concerné ou leur coût lorsque celui-ci est plus onéreux que celui de la reconstruction de l'immeuble.
Le texte précise par ailleurs les principaux effets des déclarations d'insalubrité irrémédiable et remédiable, en introduisant quelques nouveautés. En matière d'insalubrité irrémédiable, il fait ainsi passer le délai maximum de prise d'effet de l'interdiction définitive d'habiter de six mois à un an. « Ce nouveau délai doit permettre d'assurer effectivement un relogement, tenant compte des difficultés locales et sociales, le délai de six mois s'étant souvent avéré trop court, ce qui a entraîné le maintien d'occupants sans droit ni titre dans des locaux interdits définitivement à l'habitation », indique le rapport. Le préfet peut, par ailleurs, prescrire les mesures nécessaires pour empêcher toute utilisation des locaux déclarés insalubres irrémédiables. « Novation importante », le maire peut, au nom de l'Etat, en cas de nécessité, décider lui aussi de telles mesures et les faire exécuter d'office à la place du propriétaire, que celles-ci aient été préalablement prescrites ou non. « Cette mesure permet aux maires de procéder d'urgence aux mesures indispensables, notamment pour prévenir le squat. »
L'ordonnance précise encore le contenu des mesures appropriées pour mettre fin à l'insalubrité remédiable. Jusqu'alors, aucun texte ne définissait les travaux pouvant être imposés au propriétaire dans ce cas. L'article L. 1331-28 du code de la santé publique précise désormais que ces mesures peuvent comprendre les travaux nécessaires pour supprimer le risque d'intoxication par le plomb ainsi que l'installation des éléments d'équipement nécessaires pour assurer la salubrité d'un logement, définis par référence aux caractéristiques d'un logement décent.
Ce même article indique dorénavant que, lorsque le préfet prononce une interdiction définitive ou temporaire d'habiter ou d'utiliser les lieux, son arrêté précise la date à laquelle le propriétaire ou l'exploitant de locaux d'hébergement doit l'avoir informé de l'offre de relogement ou d'hébergement qu'il a faite à l'occupant. « Sans cela, explique le rapport, les pouvoirs publics sont dans l'incapacité pratique d'assurer le relogement des occupants avant l'expiration du délai d'interdiction d'habiter, sauf à risquer un contentieux avec le propriétaire ou laisser les occupants sans droit ni titre. »
Les règles relatives à l'exécution d'office, par le préfet ou le maire, des travaux prescrits dans l'arrêté d'insalubrité, lorsque le propriétaire est défaillant, sont par ailleurs réécrites. L'Etat se voit ouvrir, au passage, la possibilité de se substituer aux seuls copropriétaires défaillants lorsque les travaux portent sur les parties communes d'un immeuble en copropriété. « Cette disposition nouvelle a pour objet de faciliter les travaux de sortie d'insalubrité dans ces immeubles, souvent bloqués par un ou peu de copropriétaires. »
L'ordonnance propose une refonte du dispositif propre à la procédure relative aux immeubles menaçant ruine -domaine d'intervention du maire -, qui date de 1898 et n'a guère été modifié depuis lors (2). Or la procédure est devenue « inadaptée à la réalité du danger » et « largement obsolète, en ce que l'arrêté de péril [ « ordinaire » ] est le seul acte d'un maire qui ne soit pas exécutoire de plein droit, puisque, en cas de silence du propriétaire, l'arrêté doit être homologué par le tribunal administratif », explique le rapport. Certes, en cas d'urgence, le maire peut prendre un arrêté de péril « imminent ». Mais bien que « rapide et efficace », cette procédure « n'autorise que des travaux provisoires de type confortatif et renvoie pour supprimer le péril à la procédure contradictoire normale ».
L'ordonnance vient clarifier les champs respectifs des deux arrêtés de péril. Aussi et surtout, elle simplifie sensiblement la procédure de péril « ordinaire ». En cas de défaillance des propriétaires, le maire pourra ainsi dorénavant, après mise en demeure, faire réaliser les travaux nécessaires pour mettre fin au risque que le bâtiment fait courir à la santé des occupants sans recours préalable à un juge. Sauf, toutefois, en cas de difficultés pour effectuer ces travaux (refus des occupants ou des propriétaires de laisser entrer dans les lieux par exemple). Il pourra alors, dans les conditions du droit commun de la procédure civile, s'adresser au juge judiciaire qui statuera en référé. Autre exception :l'autorisation du juge judiciaire statuant en référé reste requise préalablement si les travaux prescrits sont des travaux de démolition.
Une modification importante est par ailleurs apportée en matière de péril imminent : la désignation de l'expert appelé à faire rapport sur l'état de péril ne sera plus faite par le juge d'instance - qui n'intervient à nul autre moment de la procédure - mais par le juge administratif, statuant en référé. L'expert pourra en outre dresser le constat de l'état des bâtiments mitoyens - afin de prévenir d'éventuels désordres ultérieurs - et proposer les mesures techniques de nature à mettre fin à l'imminence du péril.
Enfin, il est dorénavant clairement affirmé qu'un arrêté de péril imminent, sauf cas où les travaux réalisés par le propriétaire ont mis fin à tout péril, doit être suivi d'un arrêté de péril ordinaire permettant, seul, de mettre fin durablement au péril.
A noter : les dispositions de l'ordonnance relatives aux deux procédures du péril entreront en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er octobre 2006.
L'ordonnance réécrit également, dans un souci de clarification, l'ensemble des règles relatives au relogement des occupants des logements insalubres ou menaçant ruine et des personnes logées dans des établissements d'hébergement dangereux. Elle rappelle notamment le principe de la suspension du paiement des loyers et redevances d'occupation à compter du premier jour du mois suivant la publicité des arrêtés de police, en l'étendant clairement à ces établissements d'hébergement, ce qui vise entre autres les hôtels meublés. Elle pose par ailleurs le principe de l'impossibilité, à la suite d'un arrêté d'insalubrité ou de péril, de résilier un bail et de prononcer l'expulsion d'occupants à qui aucune offre de relogement n'a été faite et qui sont restés dans des logements interdits à l'habitation. Il est désormais clairement affirmé qu'ils sont considérés comme étant de bonne foi. L'ordonnance clarifie encore les responsabilités entre maires et préfets pour assurer le relogement provisoire ou définitif des occupants en cas de carence des propriétaires : le maire assure le relogement en cas de péril, le préfet en cas de déclaration d'insalubrité.
(1) Voir ASH n° 2395 du 18-02-05.
(2) Si ce n'est par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui a notamment institué un régime de protection des occupants identique à celui des occupants d'habitats insalubres - Voir ASH n° 2195 du 29-12-00.