Est-ce pour donner tort au député (UMP) de la Loire, Jean-François Chossy, que le ministre délégué aux personnes handicapées, Philippe Bass a donné le coup d'envoi de la prestation de compensation à domicile avec la parution au Journal officiel de deux décrets ? Le parlementaire, également rapporteur à l'époque de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, avait en effet dénoncé, dans le rapport d'application de cette loi rendu public le 14 décembre (1), le retard pris pour la publication des textes d'application. « Force est de constater que l'engagement du gouvernement est loin d'avoir été respecté », soulignait-il, ajoutant qu'il n'aurait pas tenu « rigueur au gouvernement du non-respect du délai de six mois - un délai de publication d'un an ou avant la fin de l'année 2005 aurait été acceptable compte tenu de la masse de travail nécessaire - si le ministère chargé des personnes handicapées ou la délégation interministérielle aux personnes handicapées avait été en mesure de présenter une planification de la publication des décrets ».
Avec la parution de ces deux textes, le gouvernement entend donc couper court à ce début de polémique et met en place, du même coup, la mesure phare de la loi du 11 février 2005, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2006 (2). Ces deux décrets sont accompagnés de trois autres sur les maisons départementales des personnes handicapées, sur les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées et sur les modalités de versement des concours dus aux départements au titre de la prestation de compensation (voir ce numéro). Restent néanmoins encore attendus plusieurs textes pour que le dispositif soit complet : il en est ainsi, par exemple, de ceux sur les fonds départementaux de compensation du handicap (3) et sur la prestation de compensation versée à une personne handicapée accueillie en établissement, ou encore des arrêtés auxquels renvoient les décrets sur la prestation de compensation à domicile.
Relevons, pour finir, que le gouvernement n'a pas retenu la plupart des réserves émises par le Conseil national consultatif des personnes handicapées dans son avis favorable du 23 novembre dernier (4).
L'attribution de la prestation de compensation à domicile est soumise à plusieurs conditions. En premier lieu, les intéressés doivent avoir une résidence stable en France métropolitaine, dans les départements d'outre-mer ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, c'est-à-dire y résider de façon permanente et régulière ou accomplir, hors de ces territoires, soit un ou plusieurs séjours provisoires dont la durée n'excède pas trois mois au cours de l'année civile, soit un séjour de plus longue durée nécessaire pour leur permettre soit de poursuivre leurs études, soit d'apprendre une langue étrangère, soit de parfaire leur formation professionnelle (5). En outre, les personnes de nationalité étrangère, hors les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne ou des autres parties à l'accord sur l'Espace économique européen (6), devront justifier qu'elles sont titulaires d'une carte de résident ou d'un titre de séjour exigé pour résider régulièrement en France.
Relevons encore que, pour prétendre à la prestation de compensation, les personnes ne pouvant pas justifier d'un domicile peuvent élire domicile auprès d'une association ou d'un organisme à but non lucratif agréés à cette fin par le président du conseil général.
En dehors de la condition de résidence, la personne handicapée doit être atteinte d'un handicap répondant à certains critères qui sont fixés. Ainsi, de manière générale, le droit à la prestation de compensation est ouvert à la personne présentant une difficulté absolue pour la réalisation d'une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d'au moins deux activités définies par un référentiel annexé à l'un des décrets : activités touchant à la mobilité (se mettre debout, marcher...), à l'entretien personnel (se laver, prendre ses repas...), à la communication... Ces difficultés doivent être définitives ou d'une durée prévisible d'au moins un an.
Enfin, une condition d'âge limite fixée à 60 ans est posée. Rappelons que les personnes handicapées doivent également avoir dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, soit 20 ans en principe (7). Toutefois, les personnes dont le handicap répondait avant 60 ans aux critères relatifs au handicap peuvent solliciter la prestation jusqu'à 65 ans. De même, cette limite d'âge ne s'applique pas aux bénéficiaires de l'allocation compensatrice pour tierce personne optant pour le bénéfice de la prestation de compensation.
La prestation de compensation permet de prendre en compte différentes charges : aides humaines, aides techniques, aides liées au logement, au véhicule ou aux surcoûts de transports, aides spécifiques ou exceptionnelles et, enfin, aides animalières. Les décrets et le référentiel annexé apportent de nombreuses précisions sur l'octroi de ces aides, dont nous ne présentons que les grandes lignes puisque nous y reviendrons dans un prochain numéro.
S'agissant des besoins d'aides humaines, ils peuvent être reconnus à toute personne handicapée dont l'état nécessite l'aide effective d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence ou requiert une surveillance régulière, ou pour couvrir les frais supplémentaires liés l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une fonction élective (8). Le référentiel définit les notions d' « actes essentiels » (entretien personnel, déplacement, participation à la vie sociale), de « surveillance régulière » et celle de frais supplémentaires. A cet égard, les textes réglementaires précisent par ailleurs que ces frais doivent correspondre aux aides humaines directement apportées à la personne, à l'exclusion des frais liés à l'accompagnement de la personne handicapée sur son poste de travail.
Cette aide peut être apportée par un aidant familial qui est défini par le texte. Le décret précise, de plus, les modalités selon lesquelles une personne handicapée peut rémunérer un membre de sa famille au titre des besoins d'aide humaine de la prestation de compensation. Et prévoit un dispositif d'aide humaine forfaitaire pour les personnes atteintes de cécité ainsi que de surdité sévère, profonde ou totale.
La prestation de compensation est accordée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Rappelons que son montant est fonction de tarifs et de montants fixés par nature de dépense, dans la limite de taux de prise en charge qui peuvent varier en fonction des ressources du bénéficiaire. Pour l'appréciation des charges du demandeur, la commission tiendra compte des aides de toute nature ayant pour effet de les réduire. De même, pour fixer les montants attribués au titre des divers éléments de cette prestation, elle déduira les tarifs applicables au titre d'une prestation en nature ou en espèces de sécurité sociale ainsi que toute autre aide versée à ce titre par des collectivités publiques ou des organismes de protection sociale.
L'application de ce dispositif appelle encore de nombreux arrêtés (9). Par exemple, les montants maximaux attribuables au titre des éléments de la prestation de compensation, à l'exception des aides humaines, doivent être fixés par arrêté, de même que le montant mensuel maximal de l'aide humaine. Les montants attribués au titre des divers éléments de la prestation de compensation seront établis à partir de tarifs fixés également par arrêté.
Le taux de prise en charge de la personne handicapée peut varier en fonction des revenus de l'intéressé. Les ressources prises en compte sont celles perçues au cours de l'année civile précédant celle de la demande (10), à l'exception toutefois de certains revenus dont ceux de remplacement et des prestations sociales à objet spécialisé dont la liste, dans les deux cas, est fixée.
Les décrets développent enfin les modalités d'instruction de la demande, le contenu de la décision d'attribution, les durées maximales d'attribution (par exemple dix ans pour les aides humaines, trois ans pour les aides techniques...), la date d'ouverture des droits (11), les obligations du bénéficiaire et les procédures de contrôle. Ils détaillent également les modalités de gestion de la prestation (règles de mise en œuvre du droit d'option entre l'allocation compensatrice et la prestation de compensation, procédure d'urgence, de liquidation, de versement, de suspension, d'interruption de la prestation de compensation et de récupération des indus...).
(1) Rapport A.N. n° 2758 sur la mise en application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, Jean-François Chossy, disponible sur
(2) Sur la prestation de compensation, voir ASH n° 2397 du 4-03-05 et n° 2398 du 11-03-05.
(3) Le fonds départemental de compensation du handicap sera chargé d'accorder des aides financières pour permettre aux personnes handicapées de faire face aux frais de compensation restant à leur charge, après déduction de la prestation de compensation.
(4) Voir ASH n° 2433 du 9-12-05.
(5) En cas de séjour de plus de trois mois hors de ces territoires, soit de date à date, soit sur une année civile, la prestation de compensation n'est versée que pour les seuls mois civils complets de présence sur ces territoires.
(6) L'Espace économique européen comprend les 25 pays membres de l'Union européenne, ainsi que l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège.
(7) Pour mémoire, les bénéficiaires de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé peuvent néanmoins prétendre au bénéfice de l'élément de la prestation de compensation lié à un aménagement du logement, du véhicule ou aux surcoûts résultant du transport dès lors que l'enfant répond aux critères de handicap. L'un des décrets prévoit des dispositions spécifiques en cas de séparation des parents ainsi qu'en cas de demande simultanée d'un complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de cet élément de la prestation de compensation. Par ailleurs, la loi du 11 février 2005 prévoit la programmation de la suppression des barrières d'âge.
(8) Sont assimilés à une activité professionnelle les stages et formations rémunérés visant à favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées ainsi que les démarches effectuées pour la recherche d'emploi par une personne inscrite à l'ANPE ou par une personne prise en charge par un organisme de placement spécialisé. Les fonctions électives sont celles prévues dans le code électoral et celles d'élu du Parlement européen. Les fonctions exercées dans les instances consultatives et organismes où siègent de droit des représentants des associations ou organismes regroupant des personnes handicapées ou leurs familles sont assimilées à des fonctions électives.
(9) La loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 (art. 71) prévoit que ces différents montants, taux de prise en charge et tarifs doivent désormais être déterminés par arrêté et non plus par décret. Ces différents montants ont donc été retirés des premières moutures des textes où ils apparaissaient.
(10) Lorsque la prestation de compensation est attribuée pour un enfant bénéficiaire de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, les ressources prises en compte sont celles de la personne ou du ménage ayant l'enfant handicapé à charge.
(11) La date d'ouverture des droits est le premier jour du mois du dépôt de la demande. A titre transitoire, cette date peut être fixée au 1er janvier 2006 pour les personnes remplissant les conditions d'attribution de la prestation de compensation et déposant leur demande entre le 1er janvier et le 1er juillet 2006, à condition qu'elles justifient des charges exposées sur cette période.