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Associons les familles au débat sur la protection de l'enfance

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L'un des enjeux de la réforme annoncée du dispositif de protection de l'enfance sera la place laissée aux familles dans le débat, estime Pierre Verdier, président de la Coordination des actions pour le droit à la connaissance des origines (CADCO), parrain de l'association Le fil d'Ariane (1) et ancien directeur de DDASS. Une place historiquement réduite à la portion congrue.

« Depuis le début de l'année 2005, de très nombreux rapports préconisent une réforme du dispositif français de protection de l'enfance (2). Signalons aussi les propositions de loi d'Henriette Martinez sur la protection de l'enfance et de Valérie Pécresse relative aux droits de l'enfant et à la protection de l'enfance, ainsi que l' "Appel des cent" pour le renouveau de la protection de l'enfance.

Le ministre délégué à la famille, Philippe Bas, annonce un projet de loi pour 2006 et engage une large concertation décentralisée dans les départements, dont le seul défaut est la précipitation, puisqu'il indique que la consultation devra être achevée fin janvier.

Ce sont là d'heureuses initiatives. Toutefois, le travail social a hérité de son origine paternaliste ce défaut d'oublier de demander l'avis des personnes concernées. Nous, professionnels, nous savons ce qui est bien pour elles. Un peu comme des cuisiniers qui ne demanderaient jamais l'avis des convives : du moment que ça convient en cuisine... Déjà en 1980, le rapport Bianco-Lamy relevait qu'enfants et familles étaient les grands absents de l'aide sociale à l'enfance.

Si on veut élaborer des projets efficients, il paraît essentiel que les enfants et les parents soient consultés à chaque niveau : local, départemental, national. Qu'est-ce qu'ils reprochent ?Qu'est-ce qu'ils attendent ? C'est une question d'éthique, d'efficacité et de droit.

Question d'éthique : on ne peut travailler à restaurer une parole en méprisant ceux qui la portent. On ne peut pas parler de parents démissionnaires et les démissionner d'office. On ne peut les considérer comme des assistés, ni comme des usagers : ce sont des acteurs.

Question d'efficacité : on ne bâtira rien de bon ni de solide en excluant la famille. Nous disons volontairement "famille" et non "parents ", car on oublie trop l'entourage familial- beaux-parents, grands-parents, oncles et tantes - quand on cherche une solution pour un enfant. Or la logique substitutive du siècle dernier a largement montré ses échecs.

Question de droit : la convention internationale des droits de l'enfant affirme la mission première des parents et la fonction de l'Etat de les aider dans l'exercice de cette mission. L'article 371-1 du code civil pose que l'autorité parentale appartient au père et à la mère. Pas à l'Etat. Pas aux services sociaux. Quant à l'article L. 16-1 du code de l'action sociale et des familles, il dispose que "l'action sociale et médico-sociale repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de tous les groupes sociaux..." On ne peut savoir ce qu'ils attendent sans le leur demander.

Dans notre droit, ce sont les parents qui ont la responsabilité de la protection de l'enfant ; la collectivité ne peut intervenir autoritairement qu'à titre exceptionnel, par une décision de magistrat et dans les cas spécifiquement prévus par la loi.

Globalement, les parents des 15 millions d'enfants français s'en occupent plutôt bien. Un petit pourcentage est défaillant, mais un petit pourcentage seulement. On ne peut invalider globalement les familles lorsqu'elles rencontrent des difficultés.

Un des objectifs premiers de tous les codes de déontologie doit être de protéger les usagers des abus de pouvoir que les professionnels pourraient commettre, emportés par leur désir de toute-puissance. D'exiger qu'ils n'interviennent que dans le cadre d'une demande (de la famille ou du juge). Avec des protocoles respectueux de la place de chacun. Avec des exigences de transparence, d'accès aux informations, de voies de recours.

D'autant qu'être confiés à un service de protection est loin d'être sans danger pour les enfants. Soyons clairs, et tous les parents le savent : il n'est pas rare qu'un enfant soit plus en danger dans un foyer ou en famille d'accueil que chez lui. Combien de parents nous disent : "c'est là qu'il a appris à fumer ", "c'est là qu'il a commencé à se droguer ", quand ce n'est pas : « c'est là qu'il a été violé ».

Pour que ces dysfonctionnements ne soient plus possibles, il faut entendre tous les acteurs et les associer directement aux décisions. Ce sera déjà leur restituer une place de parents. Les conseils généraux sont en contact avec ces enfants et leurs familles. Les consulter est donc seulement une question de volonté et d'engagement éthique. »

Pierre Verdier Tél.01 43 22 05 48 - E-mail :verdierpi@aol.com.

Notes

(1)  Qui rassemble des parents d'enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance.

(2)  On citera le rapport Hermange-Rudolf sur la sécurité des mineurs, le rapport Nogrix sur l'amélioration de la procédure de signalement de l'enfance en danger, le rapport Hirsch intitulé « Familles, pauvreté, vulnérabilité », le rapport intermédiaire de la mission « Famille et droits de l'enfant » de l'Assemblée nationale, le rapport Broissia sur l'amélioration de la prise en charge des mineurs protégés, celui de l'Observatoire national de l'enfance en danger, celui de la défenseure des enfants, celui de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée... Tout cela s'ajoutant aux récents rapports Roméo, Naves, etc.

TRIBUNE LIBRE

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