En publiant près de trois ans après la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 le décret du 23 décembre 2004 sur la participation de l'Etat au paiement des accessoires de salaire dans les ateliers protégés (1) - appelés à devenir des entreprises adaptées au 1er janvier 2006 -, l'Etat s'est montré fautif. C'est ce qui ressort d'un arrêt du Conseil d'Etat qui se prononçait quelques mois avant l'entrée en vigueur du nouveau mode de rémunération des salariés des entreprises adaptées prévu par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (2).
Pour mémoire, le travailleur handicapé bénéficie actuellement et jusqu'au 1erjanvier 2006 d'un salaire, à la charge de l'employeur, et d'un complément de rémunération, pris en charge par l'Etat, l'ensemble formant la garantie de ressources des travailleurs handicapés. En 2002, la loi de modernisation sociale a précisé la base de calcul des accessoires de salaire (prime d'ancienneté, de vacances, de fin d'année ou de panier, indemnité de transport...) dus aux travailleurs handicapés employés en ateliers protégés pour répondre aux employeurs inquiets des conséquences financières d'un arrêt de la Cour de cassation de 1999 (3). Selon cette jurisprudence, l'assiette de référence pour le calcul de ces accessoires de salaire devait être l'intégralité de la garantie de ressources, et non la seule part de leur rémunération à la charge de l'employeur. La Haute Juridiction ne se prononçait toutefois pas sur la répartition du coût entre l'employeur et l'Etat. C'est pour mettre fin à cette situation que le législateur a précisé que la charge liée à cette rémunération devait être répartie entre l'atelier protégé et l'Etat proportionnellement au montant du salaire direct versé par l'employeur et au complément de rémunération pris en charge par l'Etat, la participation de l'Etat au titre de ces accessoires de salaire étant toutefois plafonnée dans des conditions qui devaient être fixées par décret. Lequel est donc seulement paru en décembre 2004, laissant pendant ce laps de temps les associations régler la facture.
C'est précisément ce qui s'est produit pour l'association Bretagne Ateliers qui, en attendant la parution de ce texte, et sur une période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004, a pris à sa charge la part des accessoires de salaires dûs à ses salariés et qui devait incomber à l'Etat.
Sans que la décision soit vraiment nouvelle, la Haute Juridiction ayant déjà reconnu la responsabilité de l'Etat pour parution tardive d'un décret, les sages du Palais Royal retiennent de nouveau cette solution. Le Conseil d'Etat considère en effet que, « eu égard à la nature des mesures à prendre, le délai raisonnable dont le gouvernement disposait pour prendre ce décret a [...] été dépassé dans des conditions qui, à compter du 31 décembre 2002, ont présenté un caractère fautif ». Aussi ce retard « a entraîné un préjudice direct et certain pour l'association Bretagne Ateliers qui a dû se substituer à l'Etat ».
L'association était donc bien fondée à demander la réparation du préjudice qu'elle a subi pour la période comprise entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2004. Réparation qui doit être calculée selon les règles déterminées par le décret du 23 décembre 2004, conclut le conseil.
(1) Voir ASH n° 2388 du 1-01-05.
(2) Voir ASH n° 2414 du 1-07-05.
(3) Voir ASH n° 2253 du 8-03-02.