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Le rapport Bénisti persiste dans sa logique sécuritaire

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Le rapport définitif de la « commission prévention » du groupe d'études parlementaires sur la sécurité intérieure, présidée par le député UMP Jacques-Alain Bénisti, remis à Nicolas Sarkozy le 8 novembre, devrait faire partie des éléments étudiés pour élaborer le plan de prévention de la délinquance.

La commission a fait table rase des passages qui avaient défrayé la chronique dans sa version préliminaire (1), stigmatisant le multilinguisme ( « le patois du pays » )ou dessinant à gros traits la courbe progressive de « déviance » vers la délinquance. Elle reconnaît donc désormais «  que la diversité n'est pas un obstacle, c'est une richesse », « que ce n'est pas parce qu'un jeune est d'origine immigrée qu'il devient délinquant mais parce que nous lui avons créé (sans le vouloir) les meilleures conditions pour le devenir » et qu'il faut « prioritairement répondre aux attentes liées aux conditions de vie de la famille ».

Le prisme de la prévention de la délinquance

Hormis ces quelques ajouts, les orientations du rapport demeurent avant tout sécuritaires. La commission centre ses préoccupations sur l'enfance en difficulté -instabilité émotionnelle, difficultés d'apprentissage, voire de santé, absentéisme scolaire, dysfonctionnements dans les liens parentaux, problèmes liés à la maîtrise de la langue française -, uniquement sous le prisme de la prévention de la délinquance.

Les propositions font la part belle à la dimension psychologique et comportementaliste : citant « le parcours décrit par les professionnels de l'enfant » entre l'âge de un an et de 15 ans, le rapport conclut qu' « il apparaît clair et frappé au coin du bon sens que les actions à promulguer entre 3 et 6 ans ou entre 6 et 12 ans sont nettement moins lourdes à mettre en œuvre que celles qui devront être mises en place à l'adolescence ».

Pour favoriser ce repérage précoce, la commission suggère de créer dans chaque établissement scolaire un « groupe de coordination, d'aide et de suivi de l'enfant », sous la responsabilité du directeur et associant les familles, qui travaillerait sous l'autorité du maire. Cette structure désignerait pour l'enfant un référent, qui pourrait être un retraité de l'enseignement. Le maire serait « mis en mesure » de recenser les enfants soumis à l'obligation scolaire et pourrait mettre en place, « avec les allocations familiales », un dispositif « d'accompagnement à l'utilisation des prestations familiales ». Prestations qui pourraient être supprimées aux parents « démissionnaires », à l'initiative du conseil local de prévention de la délinquance, et... servir au « financement d'un éducateur qui aidera la famille » !S'inscrivant tout du long dans cette logique de responsabilisation individuelle, le rapport ne cite par exemple jamais les missions du conseil général, compétent en matière de protection de l'enfance.

Jacques-Alain Bénisti propose également de définir un « secret partagé entre les travailleurs sociaux et le maire », qui serait placé au cœur de toutes les actions de prévention, « dans l'intérêt de la personne qui en bénéficie ». L'édile aurait la responsabilité de désigner un coordonnateur responsable du partage de l'information, « qui sera un référent, sans exercer de pouvoirs de police ». Pour argumenter cette préconisation, l'auteur cite l'Association nationale des assistants de service social (ANAS), qu'il qualifie ici de « syndicat », là d'acteur de la « prévention ». Des erreurs qui illustrent, parmi d'autres approximations, un travail lacunaire et peu rigoureux.

Parmi ses autres propositions, le rapport prône la création d'une « Haute Autorité départementale de contrôle, d'expertise et de coordination de la prévention » et la généralisation de « groupes locaux de traitement de la délinquance ». Composés du procureur de la République, du préfet, du maire, du commissaire de police et des travailleurs sociaux, ces groupes permettraient « de mieux cibler et de mieux surveiller les délinquants récidivistes » et , « lorsque ces derniers passeront en jugement, de donner au magistrat l'étendue réelle des délits commis au cours des trois dernières années ». Le député suggère d'installer un « Conseil national de prévention de la délinquance » et de créer un « secrétariat d'Etat à la prévention de la délinquance, rattaché au ministère de l'Intérieur ».

On retiendra enfin d'autres suggestions plus consensuelles, comme celle de faire intervenir la protection maternelle et infantile au-delà de 6 ans et de renforcer le rôle du service social scolaire.

L'ANAS dénonce les amalgames

Maintes fois citée dans le rapport pour avoir été auditionnée à la demande du député, l'ANAS réagit longuement au document (2). « La plus grande partie du rapport est dédiée à l'enfance en difficulté sociale, matérielle et éducative », note-t-elle. « Nous assistons donc à un glissement et un amalgame permanent entre prévention et protection, entre délinquance et enfance en difficulté. » L'association, qui regrette une logique de «  culpabilisation des plus faibles », souligne également « une méconnaissance complète du travail social, de ses caractéristiques, de ses missions et de son organisation ».

L'ANAS dément par ailleurs, comme le prétend le rapport, soutenir l'idée d'un partage du secret professionnel. Elle dénonce un détournement de ses propos relevant d' « une volonté d'aller sur des chemins qui semblent avoir été décrits d'avance ». Elle rappelle avoir précisé que la levée du secret professionnel en cas de personne en péril est déjà prévue par le code pénal et que « le secret professionnel ne peut se partager ». En revanche, « le partage des informations entre professionnels tenus au secret professionnel peut s'effectuer mais doit être limité aux éléments essentiels strictement nécessaires, toujours dans l'intérêt des personnes et avec leur consentement ».

Pour l'ANAS, le travail de cette commission « s'inscrit dans une tendance du gouvernement et de sa majorité à la stigmatisation, la culpabilisation et la punition des personnes en difficulté en les considérant comme responsables de leur souffrance ». Elle appelle les professionnels du travail social « à veiller constamment au droit des personnes, notamment au droit à la vie privée, et à refuser toute pratique de contrôle, de punition ou de stigmatisation des personnes en difficulté ».

M. LB.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2392 du 28-01-05.

(2)  ANAS : 15, rue de Bruxelles - 75009 Paris - Tél. 01 45 26 33 79 - http://anas. travail-social. com.

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