Le comité interministériel de contrôle de l'immigration s'est tenu à Matignon le 29 novembre, pour la troisième fois depuis sa création. A l'issue de cette réunion, le Premier ministre, Dominique de Villepin, a levé le voile sur les voies que le gouvernement empruntera pour « renforcer le contrôle de l'immigration régulière ».
Avec 34 000 unions célébrées en 2004 contre 13 000 en 1995, le mariage binational à l'étranger constitue la « première source d'immigration légale ». Cette augmentation fait craindre au gouvernement le développement des unions fictives. Il a donc décidé de renforcer le contrôle exercé sur la sincérité des mariages. Dominique de Villepin aura toutefois été peu loquace sur ses intentions. Il a en effet simplement indiqué que, sur proposition du garde des Sceaux, Pascal Clément, « la transcription des actes de mariage conclus à l'étranger ne serait plus automatique et ne vaudrait donc plus mécaniquement titre de séjour ». En fait, ces mariages devraient être désormais précédés d'une audition devant le consul, lequel pourrait faire part de ses réserves auprès du parquet de Nantes, qui a en charge les actes passés à l'étranger. Et celui-ci aurait le pouvoir de s'opposer à ces unions. Ces mesures nécessiteront une réforme du code civil et donc une loi, que le Premier ministre espère voir adoptée « à la fin du premier semestre 2006 ».
Le chef du gouvernement veut montrer par ailleurs qu'il garde un œil sur les mariages conclus par des étrangers en France. Il a ainsi demandé à Pascal Clément de faire le bilan des mesures prévues par la loi « Sarkozy » du 26 novembre 2003 pour lutter contre les mariages blancs et de complaisance (1) et de lui faire de nouvelles propositions en la matière lors du prochain comité interministériel en février prochain.
Signalons que, une semaine auparavant, les députés de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants de l'Assemblée Nationale avait adopté une « note d'étape » consacrée à la lutte contre la pratique des mariages forcés. Ce document propose de relever, pour les femmes, l'âge minimal d'accès au mariage de 15 à 18 ans (2), mais aussi de renforcer les formalités requises pour se marier et de faciliter les actions en nullité pour vice de consentement au mariage, par exemple en considérant la « crainte révérencielle envers un ascendant sans exercice de violence » comme un motif suffisant d'annulation du mariage. En revanche, les députés ne souhaitent pas la création d'un délit spécifique au mariage forcé.
Dominique de Villepin a également évoqué la question du regroupement familial, « deuxième source d'immigration régulière après le mariage ». Un dossier sur lequel, on le sait, son ministre de l'Intérieur planche dans le cadre d'un nouveau projet de loi sur l'immigration. Tout en soulignant qu'il s'agit d'un « droit garanti par la Constitution » et qu' « il n'est pas question de le remettre en cause », le Premier ministre s'est prononcé pour un allongement à deux ans - contre un an actuellement - de la durée du séjour à l'issue duquel un étranger ayant épousé un Français peut faire une demande de regroupement familial. En outre, « l'intégration à notre société, notamment la maîtrise de la langue française , devrait être une condition pour faire venir sa famille », a-t-il encore déclaré. Enfin, alors qu'il y a 15 jours, il avait demandé à sa majorité d' « éviter les amalgames », certains ayant en effet mis en avant la polygamie dans les causes de la crise dans les banlieues, le chef du gouvernement a glissé qu'il fallait « être en mesure de vérifier le respect de la loi, qui interdit la polygamie dans notre pays ».
Sur tous ces points, il a demandé à Nicolas Sarkozy de lui « remettre ses conclusions en février ».
Dominique de Villepin souhaite encore raccourcir le délai de traitement des demandes d'asile. « Mon objectif est de parvenir à une durée maximale de six mois en incluant la procédure de recours », a-t-il déclaré, ajoutant que « plusieurs mesures administratives en ce sens seront prises par les ministères de l'Intérieur et des Affaires étrangères ». Les préfectures devraient ainsi avoir au maximum 15 jours pour délivrer - ou refuser - les autorisations provisoires de séjour permettant de faire une demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). Et en cas de refus de l'OFPRA, le demandeur devrait avoir désormais 15 jours (et non plus un mois) pour saisir la commission des recours des réfugiés. Conformément aux recommandations de la députée (UMP) Marie-Hélène des Esgaulx (3).
Le chef du gouvernement a également indiqué qu'un effort particulier serait produit en Guadeloupe, avec l'ouverture d'une antenne de l'Office français des réfugiés et apatrides dès le mois de janvier 2006.
Le Premier ministre a eu un mot à propos du contrat d'accueil et d'intégration, proposant qu'il devienne obligatoire pour tous les étrangers qui s'installent en France. « C'est un choix de venir en France, cela suppose des efforts de la part des individus et un accompagnement de l'Etat », a-t-il déclaré. Le gouvernement compte, en outre, renforcer les critères d'évaluation permettant de juger l'intégration des étrangers qui demandent une carte de résident de 10 ans ou la nationalité française. « Un contrôle plus strict de la maîtrise de notre langue me paraît nécessaire », a de nouveau précisé Dominique de Villepin.
Enfin, le gouvernement entend tester avec les étudiants le concept d'immigration choisie voulu par Nicolas Sarkozy, avant éventuellement de l'étendre aux « actifs qualifiés », comme le ministre de l'Intérieur l'a évoqué cet été lors de la première conférence préfectorale et consulaire sur l'immigration (4). L'idée est de sélectionner des étudiants sur un projet en opérant cette sélection dès le pays d'origine grâce à des « centres pour les études en France ». « Ces centres seront animés par des agents du ministère de l'Education nationale qui recevront les candidats et donneront un avis sur les projets », a expliqué Dominique de Villepin. Les visas seront délivrés en fonction de ces avis. Sur simple présentation de ce visa, les intéressés se verront immédiatement attribuer un titre de séjour à leur arrivée en France. Et ceux qui iront au-delà du mastère pourront obtenir, à l'issue de leurs études, l'autorisation de travailler en France, sans être obligés de retourner dans leur pays pour effectuer cette démarche.
(1) Voir ASH n° 2336 du 5-12-03 et n° 2338 du 19-12-03.
(2) Signalons que le Sénat a d'ores et déjà adopté cette réforme le 29 mars dernier, sous la forme d'un amendement à la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple. Le texte devrait être examiné par l'Assemblée nationale le 13 décembre - Voir ASH n° 2401 du 1-04-05.
(3) Voir ASH n° 2416 du 15-07-05.
(4) Voir ASH n° 2416 du 15-07-05.