Censées répondre à un besoin conjoncturel, elles n'avaient pas vocation à se pérenniser. Vingt-trois ans après la création des premières d'entre elles, 400 missions locales - et une centaine de permanences d'accueil, d'information et d'orientation appelées à s'intégrer à leur réseau - maillent le territoire, aussi durablement inscrites dans le paysage que les difficultés d'insertion sociale et professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans qu'elles sont chargées d'accompagner. De fait, entre le système de formation initiale et l'emploi, « l'insertion s'est insérée » comme un fait permanent pour une fraction importante de la jeunesse, soulignent Michel Abhervé, vice-président de l'Union nationale des missions locales et Philippe Labbé, sociologue, consultant et fin connaisseur du secteur ( auquel il a déjà consacré deux ouvrages, voir ASH n° 2322 du 29-08-03 et 2365 du 25-06-04). Au fil du temps, les missions locales se sont professionnalisées, et leurs praticiens ont construit, dans l'action, des expertises et des savoir-faire originaux. Combinant « l'intuition, la ruse, le bricolage, le flair » et des connaissances plus académiques, une « intelligence pratique » a ainsi été développée.
Traçant leur chemin entre impératif économique et ambition sociale, réalisme pragmatique et visée émancipatrice, commande publique et logique pédagogique, les missions locales s'efforcent d'articuler les priorités sans cesser d'innover. Les auteurs les y incitent également, en dégageant plusieurs pistes d'amélioration. Ainsi, les professionnels des missions locales ne devraient pas se contenter d'attendre le « chaland-employeur », mais « engager de façon plus volontariste des actions en direction des entreprises » et exploiter toutes les ressources du marché de l'emploi. En outre, en interne, ils pourraient se montrer plus entreprenants et servir leur objectif de socialisation des jeunes en développant des instances de participation - comme les comités d'usagers qui existent déjà dans un certain nombre de structures.
L'exercice de la citoyenneté au sein des missions n'a rien d'un luxe qu'il faudrait reléguer derrière la résolution des problèmes pratico-pratiques des jeunes, estiment Philippe Labbé et Michel Abhervé. « Si tel était le cas, l'approche globale, concept central des missions locales, ainsi que l'utopie qui a permis que celles-ci s'installent et se développent malgré un système plus sectoriel que transversal, seraient sérieusement ébranlées ».
L'insertion professionnelle et sociale des jeunes ou l'intelligence pratique des missions locales - Philippe Labbé (dir.) et Michel Abhervé - Ed. Apogée -14 €.