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Violences urbaines : syndicats et associations attendent des réponses de fond

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Alors que le gouvernement affiche sa fermeté après les émeutes qui ont éclaté dans les quartiers de France depuis le 27 octobre (1), les organisations du secteur social craignent que les dérives sécuritaires ne l'emportent sur les vraies réponses sociales.

L'instauration de l'Etat d'urgence et les injonctions du ministre de l'Intérieur de voir expulser les étrangers « fauteurs de troubles » ont d'abord fait bondir les organisations de défense des droits de l'Homme et de lutte contre le racisme. Le Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée (SNPES) -PJJ-FSU a également vivement réagi aux recommandations de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse pour faire face au traitement judiciaire des mineurs interpellés (voir ce numéro). « La PJJ est sollicitée pour participer aux opérations de rétablissement de l'ordre public. A cette fin, il est demandé aux services une mobilisation exceptionnelle au détriment des prises en charge en cours », déplore le syndicat, qui fait circuler depuis plus de deux mois un « appel-pétition » contre « les choix sécuritaires faits par le gouvernement en matière de délinquance des mineurs ».

« Des amalgames désastreux »

Le renforcement de l'encadrement assurant la prise en charge des mineurs détenus « augure d'une augmentation en flèche des incarcérations de mineurs », ajoute-t-il. Inquiet que la DPJJ se préoccupe de répondre aux mesures de placement décidées par les juges, alors que nombre de jeunes interpellés n'étaient auparavant pas connus des services judiciaires et ne connaissaient pas de difficultés avérées, le syndicat dénonce des « amalgames désastreux où la situation individuelle, scolaire et familiale des mineurs est niée ». Il préconise plutôt le rétablissement du dialogue entre les adultes et les jeunes et regrette « les déférements massifs de mineurs, souvent dans le cadre de procédures expéditives » et « l'instrumentalisation de la PJJ dans le contexte de la promulgation de l'état d'urgence ». Au total, 107 mineurs avaient été écroués à la date du 15 novembre, parmi les 590 personnes incarcérées dans le cadre des dernières violences urbaines.

La certitude de logique répressive domine également au Groupe national de concertation prison, composé d'une dizaine d'associations, dont la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS), la Fédération des associations réflexion action prison justice (Farapej) et le Secours catholique. Le 15 novembre, l'organisation annonçait ses XIIes journées nationales, du 21 au 27 novembre, sur le thème « la prison, ça n'arrive pas qu'aux autres ». Un sujet plus que jamais d'actualité, explique Marie Brossy-Patin, présidente de l'Arapej Ile-de-France et membre du bureau Justice de la FNARS : « Il est aberrant de traiter un problème social par le biais pénal, d'autant que l'on sait que durant la détention, il ne se passera rien pour ces jeunes en matière d'insertion. »

De son côté, l'Union nationale des associations familiales (UNAF) déclare soutenir l'idée de sanctionner les « parents qui n'assument pas leurs responsabilités » en matière d'éducation, comme l'a suggéré Jacques Chirac lors de son allocution télévisée du 14 novembre (voir ce numéro), mais « sans toucher aux allocations familiales ». Ces dernières « ont été créées pour compenser les charges de famille et non pour décerner un "brevet d'éducation " », estime l'organisation, qui préférerait l'application d'une sanction financière, telle que prévue par la loi en cas d'absentéisme scolaire. L'UNAF juge par ailleurs que la tutelle aux prestations familiales, qui permet selon elle la démarche d'injonction en même temps que le rétablissement de l'autonomie des familles, devrait pouvoir être mobilisée dans ce contexte. Elle désapprouve la suspension des aides communales aux familles de mineurs impliqués dans les récentes émeutes, comme l'a annoncé le député-maire de Draveil (2). Mesure que l'Association nationale des assistants de service social a également dénoncée : « une municipalité ne peut subordonner l'attribution des aides d'urgence facultatives à la "bonne conduite des familles " », précise-t-elle, rappelant une décision du tribunal administratif de Montpellier du 27 octobre 1999.

« Une concertation citoyenne »

Reste que les associations du secteur social sont maintenant sur le pont pour amorcer le processus d'apaisement avec les usagers des quartiers. Après le ressentiment, elles veulent être force de propositions, en espérant cette fois être entendues. Dans cet objectif, le Réseau national des communautés éducatives demande au gouvernement de « tenir ses engagements de redoter les maisons de quartier, les clubs de prévention et les associations complémentaires de l'école publique ». Les Régies de quartier, en pleine mobilisation « pour la remise en état » des zones atteintes par les émeutes, veulent « contribuer au débat public » et émettent des pistes pour « explorer des voies constructives dans la lutte contre les discriminations ». Leur réseau propose que des travaux et de nouveaux services de proximité soient confiés prioritairement aux habitants des quartiers, par l'intermédiaire des régies ou d'autres structures de l'insertion par l'activité économique, et en s'appuyant sur la charte nationale d'insertion signée par les partenaires des conventions de l'Agence nationale de la rénovation urbaine. Il réclame une réforme de la formation pour l'adapter aux besoins des publics les plus exclus, en y intégrant la lutte contre l'illettrisme et en permettant une articulation entre la formation initiale, l'apprentissage et la formation continue. Les régies de quartier plaident également pour « une réelle concertation citoyenne des habitants » dans le cadre des politiques de rénovation urbaine et pour « l'accès de tous aux droits citoyens », notamment le droit de vote.

« Restaurer la situation dans ces quartiers, c'est d'abord restituer la parole à leurs habitants », défend également la quarantaine de signataires (dont la Ligue des droits de l'Homme, la CGT, le GISTI...) dans l'appel intitulé « Non au régime d'exception, pour un Etat d'urgence sociale ». Ils souhaitent que « des cahiers de doléance soient discutés, ville par ville, selon les principes de la démocratie participative » et l'ouverture d'une négociation collective sur une « véritable loi de programmation » pour la reconstruction du tissu social dans les banlieues. La tonalité est la même à la Fédération des centres sociaux de Seine-Saint-Denis, dont les membres « ont contribué à ramener le calme en engageant le dialogue et en jouant un rôle de médiation et d'espace d'expression » et vont « partout où cela sera possible, proposer de suivre cette démarche de débat et d'analyse ». Leur solution : redonner aux citoyens le statut d'acteurs et « relancer les projets et les équipes de développement social local ». Quant à l'association Observatoire des zones prioritaires, elle réclame « des mesures beaucoup plus radicales que dans les zones d'éducation prioritaires actuelles pour les territoires où l'école a été laissée en déshérence ». Ces territoires, ajoute-t-elle, scolarisent entre 3 et 5 % des élèves des écoles et collèges publics.

Convoquer la Conférence nationale de la vie associtive

De son côté, la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) prend acte de l'annonce de 100 millions d'euros supplémentaires pour les associations mais considère que la réponse gouvernementale doit tenir compte de « l'ensemble des attentes et revendications de la vie associative ». Elle souhaite que les organisations soient « immédiatement et pleinement associées à la concertation sur la politique gouvernementale en faveur des quartiers et de la politique de la ville ». Elle demande que la conférence nationale de la vie associative promise, et toujours attendue, soit convoquée dans un cadre interministériel. La CPCA réclame également l'organisation d'une table ronde « pour examiner la mise en œuvre et la cohérence des politiques publiques en matière d'emploi aidé ». Elle exposera, le 2 décembre, ses « 18 propositions concrètes pour soutenir la vie associative », élaborées dans le cadre des travaux préparatoires à la conférence nationale de la vie associative.

Le Réseau inter-associatif, qui repré- sente le secteur de la protection de l'enfance (3), et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) voient enfin aboutir leurs négociations ouvertes depuis près de deux ans sur la valorisation et la sécurisation des mesures d'investigation (4). Mais les options retenues par Michel Duvette, directeur de la PJJ, (voir ce numéro) ne satisfont pas encore totalement les organisations.

Ces dernières regrettent surtout que le principe de la dotation globale n'ait pas été accepté par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse en contrepartie du paiement à l'acte des mesures, ce qui leur assurerait un meilleur équilibre avec la possibilité de procéder par régulations budgétaires. Elles sont en revanche satisfaites que la double habilitation enquête sociale et investigation puisse être expérimentée dès 2006, même si l'administration n'a pas précisé la possibilité de réfléchir également, à terme, à l'expérimentation d'une mesure globale d'investigation. Elles précisent par ailleurs que la question de la révision des normes d'encadrement « se pose dans une certaine urgence si l'on respecte la logique des services à double habilitation ».

Le Réseau inter-associatif se félicite enfin de la volonté du directeur de la PJJ de poursuivre les travaux sur la complémentarité des secteurs public et associatif habilité, « y compris en abordant la question de l'évaluation ». Il alerte néanmoins Michel Duvette sur les orientations budgétaires 2006 pour la protection judiciaire de la jeunesse (5). « S'il s'avérait que le travail engagé au titre de la complémentarité devait déboucher sur une baisse des moyens concernant l'investigation (investigation et orientation éducative, enquêtes) et les mesures de réparation pénale pour mineurs, nous ne pourrions que dénoncer la démarche et agir de manière appropriée », prévient-il. Le réseau a adressé, le 7 novembre, un courrier à l'ensemble des députés et sénateurs pour les informer de sa « grande inquiétude vis-à-vis [du] secteur » au vu du projet de loi de finances actuellement examiné au Parlement.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2429 du 10-11-05.

(2)  Voir sur le site des ASH : www.ash.tm.fr.

(3)  Andesi, FN3S, GNDA, Snasea, Unasea et Uniopss - Contact : Patrick Martin - Tél. 02 51 79 16 16.

(4)  Voir ASH n° 2413 du 24-06-05.

(5)  Voir ASH n° 2429 du 10-11-05.

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