Décidément poussif, le rythme des signatures de conventions tripartites ne fera sans doute pas de 2005 un cru exceptionnel. Seuls 397 dossiers ont été bouclés au 24 octobre, alors que l'objectif (moins ambitieux que les années précédentes, mais plus réaliste) avait été fixé à 1 500 pour l'ensemble de l'exercice. Certes, la signature est une activité hautement saisonnière, avec un pic en novembre-décembre de plus en plus vertigineux chaque année. Mais le ministère avait demandé, dans la circulaire budgétaire de février dernier, que la plus grande part des engagements intervienne au premier semestre. Peine perdue. Au total, les crédits réservés aux nouvelles conventions (171 millions d'euros) pourraient ne pas être consommés, alors que les professionnels réclament des moyens supplémentaires à cor et à cri.
Petit retour historique. La réforme de la tarification des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) remonte à la loi du 24 janvier 1997, qui créait aussi la prestation spécifique dépendance (PSD). Ce texte faisait obligation aux établissements d'entrer dans le nouveau cadre en signant une convention pluriannuelle avec l'Etat et leur conseil général avant le 31 décembre 1998, sous peine de ne plus pouvoir accueillir de personnes dépendantes... La date limite a été reportée à trois reprises : au 27 avril 2001, puis au 31 décembre 2003, puis au 31 décembre 2005 (ou 2006 pour les foyers-logements). Elle est de nouveau repoussée à la fin 2007 par le projet de loi de financement de la sécurité sociale en discussion pour 2006.
Dans les faits, 15 conventions ont été signées en 2000,370 en 2001,996 en 2002, 1 085 en 2003 et 1 251 en 2004. Cette lente montée en charge explique qu'on en était encore à un taux de 52 % de signatures, couvrant 65 % des lits, au 24 octobre 2005.
La réforme de la tarification (voir encadré ci-dessous) voulait répondre au vieillissement de plus en plus marqué des personnes accueillies en maison de retraite par une médicalisation de l'ensemble des établissements et remédier aux inégalités criantes régnant entre ceux qui l'étaient déjà. Jusque-là, en effet, les crédits d'assurance maladie, très insuffisants, allaient d'abord aux établissements publics, ensuite au secteur associatif, très peu au secteur lucratif. Même entre les structures publiques, les disparités étaient flagrantes, une part des crédits étant laissée à la discrétion des ministres et de leur cabinet... Si bien que les établissements les plus dotés n'étaient pas forcément ceux qui accueillaient les personnes les plus mal en point. L'ambition de la réforme était donc d'allouer les ressources de manière plus rationnelle et plus transparente, en fonction de l'état de dépendance des résidents et non plus du statut de la structure.
De ce point de vue, « la réforme fonctionne puisqu'elle apporte très majoritairement des ressources aux établissements non médicalisés auparavant, estime Marc Bourquin qui, avant de devenir responsable du pôle allocations budgétaires à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), était responsable du secteur médico-social à la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) . A la fin 2004, la dotation supplémentaire était en moyenne de 1 346 € par place pour les unités de soins de longue durée [USLD] et de 6 200 € en EHPAD lucratif. » Les écarts, qui allaient de un à huit, seraient aujourd'hui de un à quatre.
Rééquilibrage ? « Oui, mais entre des structures qui n'accueillent pas les mêmes publics et ne disposent pas des mêmes moyens, objecte Marie-Thérèse Gougaud, directrice de la résidence File-Etoupe à Montlhéry (Essonne). Dans la pratique, on voit des établissements commerciaux récupérer des crédits d'assurance maladie et d'allocation personnalisée d'autonomie [APA] sans faire baisser pour autant un tarif hébergement très élevé, pour ne pas dire mirobolant, notamment en Ile-de-France. »
Pour d'autres, au contraire, le rééquilibrage ne va pas assez loin. Luc Broussy, ancien délégué général du Synerpa, le syndicat des maisons de retraite lucratives, estime que les USLD sont encore beaucoup trop dotées en crédits d'assurance maladie par rapport à l'ensemble des maisons de retraite. Remarque qui met en colère Jean-Marie Vétel, président du Syndicat national de gérontologie clinique, pour qui il n'est pas question de « déshabiller Pierre pour habiller Paul », mais bien de trouver des financements supplémentaires pour doter tout le monde correctement...
Quoi qu'il en soit, comment la signature d'une convention tripartite intervient-elle dans le processus ? A quoi ressemble ce document, établi pour cinq ans ? Il présente l'établissement, son histoire, ses spécificités, ses moyens matériels et humains, ses relations avec l'environnement, notamment sanitaire, ses points forts et ses points faibles. Ces derniers permettent de conclure sur des objectifs d'amélioration, déclinés en autant de fiches-projets qui précisent chaque fois les moyens nécessaires. Exemples : à Montlhéry, Marie-Thérèse Gougaud a relevé dans son établissement trois points forts et huit points faibles et autant d'objectifs. Au premier rang de ceux-ci, elle a placé la prise en charge de la démence, le maintien de l'autonomie physique des résidents et le soutien psychologique au personnel, aux familles et aux résidents. A Saint-Vrain, dans l'Essonne également, Jean-Pierre Oulhen, directeur de la maison de retraite Hautefeuille, a retenu, lui, cinq objectifs, en plaçant également en tête la prise en charge de la démence, devant la sécurisation des pratiques sanitaires et l'amélioration de la procédure d'admission. Il a aussi volontairement panaché les mesures coûteuses en personnel et les propositions sans incidence financière...
Monter un tel dossier suppose une démarche préalable d'auto-évaluation qui n'est pas des plus faciles, même s'il existe des outils pour guider la réflexion, notamment le référentiel Angélique et ses 147 questions. Ce diagnostic est l'occasion de s'interroger sur les rythmes de vie dans l'établissement, la préservation de l'autonomie de ceux qui en disposent encore, les activités proposées, l'ouverture au monde extérieur, la prévention de la douleur, de l'incontinence..., bref il permet de repenser la maison de retraite comme un lieu de vie en même temps que de soins. « C'est le premier intérêt du conventionnement : le travail sur la qualité réalisé en amont et en équipe, estime Evelyne Poupet, directrice de deux établissements à Cerny et à La Ferté-Allais, toujours dans l'Essonne. Nous y avons associé les familles et les bénévoles qui interviennent auprès des résidents et en avons bien informé les autorités. C'est cela qui nous a permis de décrocher des moyens supplémentaires. »
Autre intérêt de la procédure : elle oblige l'établissement et ses financeurs extérieurs à débattre ensemble du diagnostic et des priorités d'amélioration. Cela, du moins dans les départements où le conseil général et la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) font leur travail, mieux : quand ils s'entendent sur des méthodes et une grille d'évaluation commune, quand ils prennent une journée entière pour visiter l'établissement, pour discuter avec les personnels, pour apprécier le bien-fondé des projets et la dynamique possible. Ce qui n'est pas le cas partout. « Mon dossier était déposé à la DDASS depuis 14 mois, sans écho, témoigne un directeur. Un jour, j'ai reçu un coup de fil : "Venez, nous avons une fenêtre budgétaire." Le document a été signé tel quel, sans même une visite dans l'établissement. » Un peu partout aussi, le sentiment prévaut que les DDASS ont été inégalement généreuses, en fonction de la date de signature au moins autant que du contenu des dossiers...
La négociation des conventions a aussi parfois fourni l'occasion de remettre de l'ordre dans les budgets. Ainsi, dans les maisons de retraite publiques de l'Essonne, des aides-soignants étaient, avec l'assentiment du conseil général, rémunérés sur l'hébergement. La prise en charge de leurs postes par l'assurance maladie a permis de renforcer le personnel affecté aux autres sections, notamment à l'hôtellerie. Et cela, sans surcharger le tarif hébergement, parfois même en le faisant baisser de quelques euros par jour. Quoi qu'il en soit, « même imparfaite et encore inaboutie, la réforme s'est traduite par de réelles avancées pour le secteur, ne serait-ce qu'en servant de révélateur des besoins des établissements », estime Jean-Pierre Oulhen, membre du syndicat des cadres hospitaliers FO.
Mais alors, pourquoi le rythme des signatures est-il si laborieux ? Les raisons sont multiples et se cumulent. La première tient sans doute à l'absence d'un pilotage sérieux et déterminé du ministère. Dès le démarrage, la réforme connaît de gros ratés. Le principal décret d'application se fait attendre plus de deux ans et ne sort qu'en avril 1999. Trop complexe, il doit être modifié dès mai 2001. Dans le même temps, la calamiteuse PSD est remplacée par l'allocation personnalisée d'autonomie. Des moyens sont aussi dégagés en 2001 (915 millions d'euros de crédits d'assurance maladie sur cinq ans) alors que, jusque-là, la réforme était censée se réaliser à coût constant... En avril 2002, la mécanique des signatures est relancée. Mais elle est très vite arrêtée par Jean-François Mattei, qui coupe dans les crédits. Arrive Hubert Falco qui redonne un coup d'accélérateur, réinjecte du carburant budgétaire et incite les DDASS à l'action. Là-dessus, le pré-rapport Briet-Jamet laisse entendre à ces mêmes DDASS qu'elles seront bientôt désaisies du dossier des personnes âgées. Pas de quoi les inciter à faire du zèle. Survient la catastrophe de la canicule, et le ministère focalise son attention sur la climatisation. Comment s'étonner ensuite si les services ne semblent pas spécialement se mobiliser quand, à son tour, Catherine Vautrin appuie sur le champignon, menace les DDASS retardataires, les convoque à Paris, tout en gelant les crédits de celles qui se sont montrées trop « généreuses »... « Un superbe exemple de "stop and go ", de motivations stimulées puis éconduites, juge David Causse, délégué général adjoint de la FHF. Quel gachis d'énergie ! » Aujourd'hui, la période semble de nouveau au « go », le ministre Philippe Bas venant de redonner de la souplesse aux services déconcentrés pour faciliter les discussions. Il a aussi convoqué, le 26 octobre, le comité national de suivi de la réforme, qui n'avait pas été réuni depuis près de un an, et a promis de le faire de nouveau en janvier prochain. Autant de signes de remobilisation.
Autre motif de lenteur souvent avancé : les différences évidentes de motivation des DDASS, parfois liées à leur sous-équipement chronique. Catherine Vautrin elle-même a parlé de directions « sinistrées ». Cependant, cela ne semble pas suffire à expliquer des résultats extrêmement disparates selon les départements, qui allaient, à la mi-2005, de 10 %dans les Ardennes à 100 % dans la Creuse et l'Ariège. Des scores qui ne sont corrélés ni à la taille des départements, ni à la générosité des conventions déjà signées. Il semble aussi que certaines DDASS mettent la charrue avant les bœufs et posent a priori des exigences en matière de normes de garde de nuit, de présence de tel ou tel personnel... en transformant en préalable ce qui pourrait être inscrit comme objectif d'amélioration de la qualité.
Le troisième motif de blocage tient aux règles de la réforme elle-même, qui étaient plutôt adaptées aux maisons de retraite « moyennes » pas ou peu médicalisées, mais ni aux unités de soins de longue durée, ni aux logements-foyers, ni aux petits établissements. C'est-à-dire, au total, à beaucoup de structures... A plusieurs reprises, et notamment cette année, des assouplissements ont été apportés qui devraient permettre d'avancer. La dotation a été augmentée pour les établissements accueillant plus de 50 % de personnes désorientées et pour les unités de moins de 60 lits, de telle sorte qu'ils ont maintenant intérêt à s'engager. En revanche, le problème des logements-foyers reste pendant. Créés à l'origine pour accueillir des résidents valides, certains peuvent ou pourraient (avec de gros investissements) se transformer en EHPAD, mais pas tous. Doivent-ils le faire, ou non ? Première réponse : si leur structure l'autorise, ils peuvent désormais passer convention pour une partie seulement des lits.
La valse-hésitation sur ce que doit couvrir le budget soins a sans doute aussi favorisé l'attentisme. A son grand regret, le ministère a dû laisser aux établissements un droit d'option entre un tarif global (qui inclut les interventions des médecins libéraux, les analyses et examens courants et les médicaments), appelé à favoriser une maîtrise des coûts, et un tarif partiel, choisi par 85 % des signataires. Une nouvelle tentative récente sur l'intégration des médicaments au forfait montre que, sur ce point, la ligne de front n'est toujours pas stabilisée...
Cette question rejoint celle, centrale, des moyens accordés à la médicalisation. Le principe d'une dotation minimale de convergence (dite Dominic) a été introduit par une circulaire du 15 septembre 2000. Il prend en compte le niveau de dépendance des résidents, tel qu'il ressort de leur classement dans les six groupes iso-ressources de la grille AGGIR, traduit dans un GIR moyen pondéré (GMP) pour l'établissement (situé entre 300 et 900). Ce GMP, multiplié par le nombre de résidents et augmenté d'un nombre de points relatif à la nature de l'établissement et des soins techniques apportés, permet de calculer la Dominic. Les DDASS disposent d'une marge de manœuvre les autorisant à aller jusqu'à Dominic + 35 « si la qualité le justifie ». Dans les faits, certaines DDASS sont allées nettement au-delà. Au grand dam du ministère, les dépassements atteignaient, fin 2004,12 % des sommes engagées depuis le début du conventionnement.
Pour les établissements déjà mieux dotés, notamment ceux qui avaient une « section de cure médicale », des dispositifs dits « d'effet mécanique » et de « clapet anti-retour » leur garantissent de garder au moins leur acquis. A condition de signer une convention, indique la circulaire budgétaire 2005, qui évoque la possibilité de ramener les retardataires à la convergence tarifaire...
Or, de l'avis de tous les professionnels, même avec Dominic + 35, « on ne va pas bien loin ». Pascal Champvert, président de l'Adehpa, parle carrément de « l'inique Dominic + 35 » comme d' « un outil de rationnement des soins ». « Je touche déjà plus du double de ce ratio, précise Fanny Prono, directrice de la Pie voleuse à Palaiseau (Essonne). Mais sur 80 résidents, seuls une dizaine d'entre eux n'ont pas besoin d'aide pour la toilette. Chaque aide soignante du matin doit faire dix toilettes. C'est luxueux ? » Autre question qui donne des angoisses à bien des directeurs : la présence d'une seule aide-soignante la nuit pour assurer la garde de 60 ou 80 personnes. Hors même le cas de « gros pépin », cela se traduit, plus souvent qu'il ne faudrait, par un envoi aux urgences hospitalières. Est-ce le meilleur calcul pour la sécurité sociale ? Et pour la qualité de vie des anciens ainsi ballotés ?
« Dominic + 35, cela représente 0,18 soignant par résident, alors que la moyenne est à 0,21 et qu'il en faudrait 0,30 pour assurer une qualité de soins correcte (sur un total de 0,8 agent), estime David Causse. Dominic + 35, c'est donc un objectif honorable comme première étape de médicalisation pour ceux qui n'avaient rien. Mais cela ne peut être perçu comme la fin de l'histoire, l'objectif ultime de convergence tarifaire. » « Ce n'est pas l'alpha et l'omega, reconnaît aussi Marc Bourquin. Mais c'est le niveau qui permet d'assurer que l'on pourra aller au bout du plan de médicalisation avec les ressources disponibles, dans un contexte d'augmentation des besoins et de déficit de l'assurance maladie. » Le problème est bien là : faut-il se débrouiller avec l'enveloppe actuelle ou l'ouvrir, sachant par ailleurs que de gros investissements sont nécessaires pour rénover les bâtiments obsolètes et augmenter les capacités d'accueil à la mesure du vieillissement annoncé de la population ? C'est l'un des choix politiques importants de la période. La question sera posée chaque année lors de la discussion des budgets de la sécurité sociale et de la CNSA...
Mais déjà, la faiblesse des dotations de soins entraîne un effet déplorable de sélection à l'entrée des résidents, au détriment le plus souvent des personnes gravement dépendantes ou désorientées. On voit des directeurs gérer les admissions en fonction de l'évolution souhaitée du GMP et des personnes âgées hâter leur entrée en maison de retraite de peur qu'après, on ne les accepte plus... Résultat : ce sont parfois les familles qui ont fait le maximum pour garder la personne âgée à domicile qui se retrouvent sans solution.
Nul doute qu'il faille donc poursuivre la médicalisation, terminer la réforme et passer à une deuxième étape. Mais pour convaincre ceux qui ne sont pas encore entrés dans la nouvelle tarification, le gouvernement doit d'abord veiller à reconduire les moyens dévolus aux signataires, insistent les professionnels unanimes. La faible revalorisation de la Dominic accordée en 2005, surtout pour les conventions en « tarif partiel », ampute déjà leurs ressources. Les professionnels demandent aussi un bilan des embauches effectives, pas seulement de celles prévues sur le papier. L'écart est parfois grand, du moins dans certains secteurs géographiques où la pénurie de soignants qualifiés est une réalité. Or les crédits d'assurance maladie ne peuvent rémunérer des « faisant fonction » que par exception. C'est aussi l'attractivité de la filière personnes âgées qui est en question...
Autre test sur lequel le gouvernement est attendu : celui du renouvellement des 476 premières conventions signées, qui arrivent à échéance en 2006. Seront-elles l'occasion d'une nouvelle progression ? Le seuil de convergence minimale sera-t-il haussé à Dominic + 60 ou 100 ? Si, comme tout le monde le souhaite, le soutien à domicile s'améliore, la frange des personnes qui finiront par arriver en établissement aura besoin d'un accompagnement toujours plus lourd. Pour les professionnels, la seconde étape doit donc ouvrir de nouvelles perspectives. Demi-boutade ? Jean-Marie Vétel envisage le jour où toutes les maisons de retraite auront un GMP supérieur à 850...
Pour aller plus loin, il faudra sans doute aussi toiletter la réforme pour y voir plus clair et répartir les charges entre les trois sections budgétaires d'une manière plus conforme à la réalité. « Tous les financements ne sont pas non plus à rechercher du côté de l'assurance maladie, indique Muriel Jamot, adjointe au délégué général de la FHF. Pourquoi l'APA attribuée en établissement est-elle moitié moindre, à dépendance égale, de ce qu'elle est à domicile ? » Autrement dit, avant même que la réforme tarifaire soit bouclée, il est déjà temps de remettre l'ouvrage sur le métier.
Marie-Jo Maerel
La réforme de la tarification lancée en 1997 fait passer les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de la tarification binaire (hébergement/soins) en cours depuis 1975 à une tarification ternaire (hébergement/dépendance/soins). Elle précise les clés de répartition des dépenses entre les trois sections. Par exemple, les salaires des aides-soignants sont imputés à 70 % aux soins et à 30 % à la dépendance. Ceux des agents de service se répartissent à 70 % sur l'hébergement et à 30 % sur la dépendance. Répartition cartésienne qui souffre cependant de fortes exceptions. Ainsi, le salaire des personnels administratifs, directeur inclus, est affecté à 100 % à la section hébergement. Idem pour celui de l'animateur. Il y a cependant une logique à ce découpage. C'est l'assurance maladie qui prend en charge le tarif soins et le résident (ou sa famille) qui acquitte les tarifs hébergement et dépendance, le second étant éventuellement allégé par l'allocation personnalisée d'autonomie. Pas étonnant, dès lors, que le tarif hébergement se retrouve surchargé, d'autant que c'est lui qui supporte aussi le coût des investissements immobiliers. A lui seul, il représente souvent 70 % du prix de journée global et excède de beaucoup la retraite moyenne des Français.
A la fin 2003, on dénombrait 10 256 établissements d'hébergement pour personnes âgées, dont 6 376 maisons de retraite, 2 975 logements-foyers et 1 044 unités de soins de longue durée. Le nombre de places installées atteignait 670 900, dont 65 % dans les maisons de retraite, 23 % dans les logements-foyers et 12 % dans les unités de soins de longue durée. 299 200 personnes (équivalent temps plein) y travaillaient, soit un taux d'encadrement de 0,44 agent par résident. Cependant, seuls les 8 722 établissements accueillant des personnes dépendantes (avec un GIR moyen pondéré supérieur à 300) ont vocation à signer une convention tripartite.
Au 24 octobre 2005, 4 187 conventions tripartites étaient signées, pour 4 543 établissements et 344 300 places. Ce qui correspond à 52 % des établissements à conventionner et à près de 65 % des lits. A l'échéance de ces conventions, les engagements totaliseront 919 millions d'euros de dépenses supplémentaires pour l'assurance maladie, qui vont permettre 27 591 créations d'emplois de soignants, soit une moyenne de 6 postes supplémentaires par établissement. Ce qui représente, selon le ministère, un « bond en avant » du taux d'encadrement de 0,15 agent par résident. Le chantier est très inégalement avancé selon les régions : 98 % des établissements sont couverts dans le Limousin, 28 % dans la Haute-Normandie. Le taux de signature varie aussi beaucoup selon les types d'établissements : 78 % des maisons de retraite publiques autonomes ont signé, contre seulement 10 % des logements-foyers. Le GMP moyen des signataires est de 641.
Comment les conventions signées se traduisent-elles sur le terrain ? Eric Lorton, directeur de la maison de retraite des Tilleuls, à Triel-sur-Seine (Yvelines), ne se plaint pas. Pour ce petit établissement public de 60 lits, la convention s'est traduite par une augmentation de 20 % du personnel, plus une majoration, reconduite depuis, des crédits de formation et du budget médicaments. « Je suis passé parmi les tout premiers et, sur les conseils de la DDASS, j'ai concentré toutes mes demandes d'effectifs sur les deux premières années, explique-t-il. Pour ceux qui arrivent maintenant, il y a beaucoup moins d'argent... » Le pas a également été positif pour Gilles Gahide, directeur de La Maison du combattant, un gros établissement associatif accueillant 236 résidents au centre de Vesoul (Haute-Saône). Il a signé dès décembre 2001, mais avec un plan de progression échelonné sur cinq ans, à raison de trois à cinq postes de plus par an. « Par réalisme, explique-t-il. La première marche a été assez haute. Mais depuis 2003, il faut se battre chaque année pour obtenir ce qui a été acté. » D'autres n'ont pas gagné grand-chose dans l'affaire. Un demi-poste, par exemple, pour Fabien Lamy, directeur de la résidence La Bougonnière à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), un établissement associatif de 85 lits, qui a signé après ce qu'il considère comme un « chantage » à la revalorisation de son budget ordinaire, déficitaire depuis quatre ans. Annick Aubourg aussi a été « obligée de signer » à l'occasion d'un déménagement dans un bâtiment neuf : « Nous quittions un vieil établissement de 64 lits pour nous installer à Rivalbel'âge, à Ouistreham (Calvados) avec 16 lits supplémentaires, plus quatre places d'accueil temporaire et cinq en accueil de jour. La procédure ayant pris du retard, nous avons d'abord dû fonctionner pendant quatre mois à moyens constants ! Puis accepter, parce que la DDASS n'avait plus d'argent, de rester avec le même ratio d'encadrement de 0,44 au lieu de 0,55 prévu. Reconnaissant que nous manquions d'aides-soignants, le conseil général nous en a accordé deux de plus, mais imputés sur le budget hébergement, payé par les résidents. »