Pour répondre à la situation créée ces derniers jours par les violences urbaines et sortir les banlieues de l'ornière, Dominique de Villepin n'entend pas proposer « un nouveau plan » mais prendre des décisions qu'il qualifie lui-même de « concrètes, rapides et courageuses ». C'est ce qu'il a indiqué le 8 novembre devant l'Assemblée nationale. Complétant son intervention de la veille au journal télévisé de TF1, le Premier ministre a en premier lieu confirmé que le gouvernement avait décrété « l'état d'urgence » (1) autorisant notamment les préfets à décider de mesures d'interdiction ou de restriction de la circulation des personnes et/ou des véhicules dans des périmètres déterminés et selon des horaires précis, ou encore à faire procéder à des perquisitions sans le contrôle d'un juge et à fermer des lieux pouvant faire office de points de rassemblement (bars, salles de spectacles). Dominique de Villepin n'entend par pour autant manier uniquement le bâton. Il a ainsi également détaillé une série de mesures pour favoriser l'égalité des chances (sur les réactions associatives, voir ce numéro).
« La clé, c'est l'emploi » , a-t-il tout d'abord assuré. Il souhaite par conséquent mobiliser les services de l'ANPE, des missions locales et des maisons de l'emploi afin que tous les jeunes de moins de 25 ans habitant dans l'une des 750 zones urbaines sensibles soient reçus dans les trois prochains mois, qu'ils soient inscrits ou non au chômage. Il s'est engagé au passage à ce qu'une « solution spécifique » leur soit proposée (formation, stage ou contrat). En outre, il a indiqué que 20 000 contrats d'accompagnement pour l'emploi et contrats d'avenir seraient réservés aux quartiers défavorisés pour développer des emplois de proximité. Il a encore promis le doublement du nombre d'adultes-relais. « Ils auront pour mission d'être des médiateurs de ville qui assurent en permanence le lien entre les familles et l'ensemble des institutions. » Enfin, le gouvernement a décidé de créer 15 zones franches urbaines supplémentaires, en plus des 85 existantes.
Autre enjeu majeur pour le gouvernement face à la crise des banlieues : l'éducation. « Je veux renforcer le soutien aux élèves en difficulté, et cela par une relance et une réorganisation de l'éducation prioritaire », a affirmé Dominique de Villepin, qui attend de son ministre de l'Education nationale, Gilles de Robien, des propositions allant en ce sens pour « le début de l'année prochaine ». En attendant et « pour répondre à l'urgence », il a annoncé la création, dès janvier 2006, de 5 000 postes d'assistants pédagogiques dans les 1 200 collèges des quartiers sensibles. Ainsi que le doublement du nombre d'équipes de réussite éducative prévu par le plan de cohésion sociale. « Il y en aura 1 000 à la fin de 2007 », a-t-il assuré. Par ailleurs, le Premier ministre a proposé de donner la possibilité aux élèves qui le souhaitent d'entrer en apprentissage dès l'âge de 14 ans (au lieu de 16 ans actuellement). « Nous devrons adapter le dispositif pour permettre à chacun d'avoir accès au socle des connaissances fondamentales en prévoyant des allers-retours plus fréquents entre l'entreprise et l'école. » Une mesure d'ores et déjà très critiquée par la communauté enseignante. Enfin, reprenant des dispositions de la loi Fillon sur l'Education, le chef du gouvernement a fait part de son souhait de « multiplier par trois les bourses au mérite » pour les enfants des cités, promettant 100 000 bénéficiaires pour la rentrée 2006. Il a également annoncé l'ouverture de dix internats de réussite éducative supplémentaires, « pour accueillir les élèves les plus prometteurs ».
Sur le front du logement, le Premier ministre a indiqué que l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) disposerait de « 25 % de moyens supplémentaires sur deux ans » . Actuellement, a-t-il rappelé, 239 quartiers reçoivent des aides de cette agence.
Dominique de Villepin a encore annoncé la création de « préfets délégués à l'égalité des chances » ainsi que d'une « grande agence de la cohésion sociale et de l'égalité des chances » . Celle-ci sera, avec l'ANRU, « l'interlocuteur des maires pour toutes les questions relatives aux quartiers sensibles ».
Après avoir reconnu, la veille à la télévision, que la contribution publique aux associations avait baissé au cours des dernières années, le Premier ministre a redit devant les députés qu'il entendait aujourd'hui « inverser la tendance ». Et a annoncé le renforcement de leurs moyens, avec le déblocage de 100 millions d'euros supplémentaires à leur profit en 2006.
Enfin, et c'était une des demandes des associations de lutte contre les discriminations, « la Haute Autorité de lutte contre les discriminations pourra désormais décider d'elle-même de sanctions contre les auteurs de discriminations ». Installé le 23 juin par Jacques Chirac, cet organisme ne disposait jusqu'à présent que de pouvoirs de contrainte très limités (2). « En trois mois, elle a reçu près de 1 000 plaintes, dont plusieurs ont été adressées à la justice », a indiqué Dominique de Villepin.
(1) 25 départements, dont Paris, sont concernés, en totalité ou en partie selon les cas, par l'application du décret sur l'état d'urgence en France (décret n° 2005-1387 du 8-11-05, J.O. du 9-11-05). Institué pour 12 jours depuis le 9 novembre 2005 à zéro heure, l'état d'urgence devra, si le gouvernement juge sa prolongation nécessaire, être prorogé par une loi.
(2) Voir ASH n° 2400 du 25-03-05.