Si le projet de loi « Engagement national pour le logement » montre la volonté d'améliorer les dispositifs existants, « il reste loin des enjeux soulevés par la crise du logement la plus dramatique qu'ait connue notre pays depuis 50 ans ». C'est la réaction, très mitigée, de la Fondation Abbé-Pierre, au projet présenté le 26 octobre par Jean-Louis Borloo (1). L'urgence à relancer la production de logements à loyers accessibles, souligne la Fondation, était d'autant plus grande que le plan de cohésion sociale atteignait seulement 15 % de ses objectifs à la fin du mois d'août (13 500 logements sociaux réalisés, contre 90 000 prévus).
Particulièrement critiqué par l'organisation : le « ciblage » des mesures en direction des classes moyennes, tel l'élargissement du prêt à taux zéro « aux ménages ayant des revenus allant jusqu'à 7 000 € ». Ou l'aide fiscale pour l'investissement locatif (le « Borloo populaire » ), qui devrait permettre la location de logements à loyers plafonnés en direction de locataires qui devront respecter des plafonds de ressources que la fondation juge « extrêmement élevés ». Nombre d'organisations estiment qu'il aurait mieux fallu supprimer le dispositif « de Robien » et privilégier les contreparties sociales dans le cadre des investissements locatifs.
La fondation regrette en outre qu'aucune disposition ne prévoit le renforcement des sanctions des communes qui ne respectent pas l'article 55 de la loi de solidarité et renouvellement urbains sur la construction obligatoire de 20 % de logements sociaux. Comme l'association Consommation logement et cadre de vie (CLCV), qui craint par ailleurs que le « loyer de solidarité », applicable aux locataires qui dépassent de 20 % les plafonds en vigueur, soit un obstacle à la mixité sociale.
La CLCV, qui salue tout de même quelques avancées du projet de loi - notamment l'interdiction des coupures d'énergie pendant l'hiver et le renforcement du rôle des commissions de médiation - demande également que le texte soit sérieusement amendé. Elle souhaite que ce dernier prévoie l'indexation des aides à la personne sur l'indice de référence des loyers (2), la suppression des entraves administratives à l'accès au logement et la pénalisation des abus, la suppression des surloyers et une réforme du financement du logement. La Confédération nationale du logement attend tout autant de « vraies mesures », telles qu'une revalorisation de 20 % des aides personnelles au logement, l'arrêt des démolitions d'immeubles et des expulsions.
C'est que les chiffres en matière d'expulsion locative, détaille la Fondation Abbé-Pierre, sont particulièrement alarmants. Les jugements d'expulsion ont augmenté de 9 % entre 2003 et 2004. Les interventions de la force publique ont progressé de 56 % ces cinq dernières années. Le « protocole Borloo » (3) n'a pas permis d'enrayer cette hausse, constate la fondation, qui souligne qu' « aucune mesure n'est proposée par le gouvernement pour améliorer les dispositifs de prévention pour les personnes de bonne foi appartenant aux couches les plus modestes ».
Réunis le 5 novembre à l'occasion des deuxièmes « états généraux du logement », les élus communistes et républicains ont, quant à eux, réitéré leur demande de création d'un « service public du logement et de l'habitat ».
(1) Voir ASH n° 2427 du 28-10-05.
(2) Le nouvel indice, qui reste à déterminer par décret, devrait se composer à la fois de l'indice des prix à la consommation, de l'indice du coût et de la construction et de l'indice des prix d'entretien et d'amélioration. La CLCV estime cette mesure insuffisante pour freiner la hausse des loyers. Elle demande que les révisions de loyers ne puissent « en aucun cas excéder l'augmentation du coût de la vie ».
(3) Voir ASH n° 2395 du 18-02-05.