Avec la fermeture du centre de Sangatte et la surveillance accrue aux frontières de nos voisins européens, le Nord s'est retrouvé face à un grand nombre de jeunes étrangers - jusqu'à 232 mineurs en 2002 pour une capacité de 85 places - que nous nous devions d'accueillir conformément aux missions de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Quel âge ont-ils ? Que faire pour eux en matière éducative ? Face aux dysfonctionnements que la situation de sureffectif engendrait dans notre système de protection de l'enfance, j'ai écrit en 2002 aux ministres concernés. En l'absence de réponse, j'ai sollicité le préfet du département pour que nous puissions réfléchir ensemble à la coordination des interventions et offrir à ces enfants un outil d'insertion sociale. Ce travail a pu aboutir grâce à la collaboration entre le département, l'Etat - c'est-à-dire la police et la justice - et nos partenaires associatifs et publics :l'Association départementale du Nord pour la sauvegarde de l'enfant à l'adulte, la Société de protection et de réinsertion du Nord (SPRN) et l'Etablissement public de soins, d'adaptation et d'éducation (EPDSAE).
Même si l'accueil des mineurs isolés relève de la mission générale de l'ASE, je regrette que, face à l'augmentation significative de charges qu'il représente, l'Etat ne se soit pas investi financièrement. Le département va créer début 2006 deux unités d'accueil d'urgence de 15 places chacune, ouvertes 24 heures sur 24 et 365 jours par an, gérées par la SPRN et l'EPDSAE. L'Etat joue son rôle à travers les décisions de justice qui permettent l'entrée des mineurs dans le système de protection. Il s'agit alors de mettre en place une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert judiciaire, puisqu'il ne peut y avoir de mesure administrative en l'absence des familles. Dans le dispositif que nous mettons en œuvre, la coordination de l'évaluation de la situation du jeune est confiée à la protection judiciaire de la jeunesse, qui dispose d'une expertise en la matière et doit jouer pleinement son rôle. L'évaluation implique également l'Education nationale pour le bilan scolaire, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales et le service Droit des jeunes, notamment pour l'interprétariat. L'orientation vers une structure de long séjour est coordonnée par le département.
Nous n'avons pas assez de recul pour établir des statistiques fiables, mais nous estimons que la moitié des jeunes concernés à Lille souhaite s'inscrire dans un projet d'intégration. Nous voulons inciter aussi les autres, qui ne se sont pas encore stabilisés, à s'inscrire dans une démarche d'insertion pour leur accorder le temps de refléchir et de construire un projet. Le cas échéant, il faut leur donner les moyens de retourner dans leur pays d'origine lorsqu'ils arrivent à leur majorité. Encore faut-il pour cela que l'Etat assume ses responsabilités en s'assurant, par le biais d'accords internationaux, que ce retour offre au jeune les conditions de son insertion.
Les jeunes pris en charge après leurs 15 ans sont victimes de l'effet pervers de la loi du 26 novembre 2003 relative à l'immigration car ils ne peuvent plus prétendre à la nationalité française. Ils se retrouvent alors à 18 ans dans la clandestinité, ce qui casse tout le travail éducatif réalisé en amont. La circulaire du 2 mai 2005 qui demande aux préfets d'accorder, dans certains cas, un titre de séjour aux jeunes qui atteignent leur majorité est un début de réponse, mais il faut aller plus loin en considérant que les mineurs isolés pris en charge par l'ASE entrent ensuite systématiquement dans la catégorie des jeunes majeurs. J'ai attiré l'attention du préfet sur le fait que le travail d'évaluation et d'accompagnement réalisé dans le cadre du protocole pourra permettre de mieux appréhender le projet du jeune et faciliter la délivrance d'un titre de séjour.
Propos recueillis par Maryannick Le Bris
(1) Sur les préconisations déjà formulées sur le sujet, voir ASH n° 2402 du 8 -04-05, ASH n° 2401 du 1-04-05 et ASH n° 2317 du 27-06-03.
(2) Conseil général : 51, rue Gustave-Delory - 59000 Lille - Tél. 03 20 63 59 59.