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Deux groupements d'employeurs pour faciliter les recrutements

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Afin de faire face à l'absentéisme et au taux de rotation élevé des personnels, des associations d'aide à domicile et des directeurs de maisons de retraite ont créé deux groupements d'employeurs médico-sociaux dans le Vaucluse. Complexe sur le plan financier, la formule a toutefois déjà permis l'embauche d'une trentaine de salariés

Dans les métiers liés à la prise en charge des personnes âgées dépendantes, le constat est malheureusement connu : manque criant de personnels, développement des temps partiels (plus subis que choisis), déficit de compétences ou de qualifications, usure professionnelle accélérée. Avec, pour conséquences, des taux d'absentéisme et de rotation des effectifs élevés. Ce qui, pour les employeurs, représente un coût financier et humain important.

Pour pallier ces difficultés désormais récurrentes, deux groupements d'employeurs médico-sociaux ont vu le jour dans le Vaucluse. Au départ de cette initiative, la volonté commune des acteurs de terrain et des représentants institutionnels : des responsables d'associations d'aide à domicile, des directeurs de maisons de retraite et les partenaires publics (conseil régional, conseil général, services déconcentrés de l'Etat) ont cherché à répondre aux problèmes de recrutement. Une étude de faisabilité, financée pendant un an, jusqu'à l'été 2003, par le conseil général du Vaucluse, la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) et la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA), a préconisé une mutualisation des moyens.

C'est ainsi qu'à l'été 2003, le « groupement d'employeurs M3S » a été créé. Il regroupe sept établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) relevant du secteur commercial ou associatif. Simultané-ment, le Groupement d'employeurs ASP (1) a été constitué et rassemble aujourd'hui 13 associations de services aux personnes du Vaucluse. Si certaines sont indépendantes, d'autres appartiennent à de puissantes fédérations : Unassad, ADMR et Adessa.

Dans la foulée, un responsable administratif et financier unique a été nommé en la personne de Jean-Pierre Danos. Avec ce dernier, les présidents des deux groupements d'employeurs sont partis en quête de financements. Sollicité, le Fonds de modernisation de l'aide à domicile des personnes âgées (FMAD) (2) a apporté 63 000 €. Le conseil général, la DDTEFP et le conseil régional PACA ont versé, quant à eux, 50 000 € pour la première année. Ce qui a permis aux deux entités de démarrer leurs activités dès le début de 2004. Enfin, un comité de pilotage rassemblant les représentants des adhérents des groupements et des financeurs publics se réunit tous les trois mois.

« Plutôt que de proposer une demi-journée par mois à une psychologue pour animer nos groupes de parole, nous avons mutualisé un tiers temps entre les associations du département », explique Chantal di Chiappari, présidente du GE des associations de services aux personnes. Avec, comme préoccupation centrale, l'amélioration de la prise en charge des personnes âgées. Même tonalité du côté des établissements : « grâce au groupement, nous améliorons la qualité de nos services et nous fidélisons nos personnels », se réjouit Michel Natale, président du GE M3S, également directeur d'une maison de retraite à Saint-Didier. Pour lui, la formule a eu du succès en raison de la généralisation simultanée des conventions tripartites, qui imposent de nouvelles contraintes en termes de qualité de service, de médicalisation des établissements et de professionnalisation des personnels. Mais embaucher des personnels plus qualifiés et diplômés représente un surcoût important. « Hélas, les autorités de tutelle n'ont pas encore intégré cet aspect dans leurs dotations budgétaires », regrette Michel Natale. Autre souci, garantir la pérennité des emplois créés. Ainsi, la majorité des postes mis à disposition sont des contrats à durée indéterminée (CDI). « Nous avons rapidement abandonné les contrats à durée déterminée, par choix... et parce que la prime de précarité était coûteuse », reconnaît Michel Natale.

Par ailleurs, les directeurs d'EHPAD doivent entrer dans une logique de coopération. Mais délaisser les réflexes du « chacun pour soi » face à des difficultés aiguës de recrutement reste parfois un vœu pieux. Signe qui ne trompe pas, les postes pourvus grâce au GE des établissements sont surtout des emplois peu qualifiés : trois aides-soignants et cinq agents de service hospitalier. Passée la phase d'enthousiasme initial, certains responsables paraissent d'ailleurs moins prêts à jouer le jeu de la mutualisation...

Enfin, si les partenaires institutionnels soutiennent officiellement cette initiative, ils sont plus lents à mettre la main au portefeuille. Certes, les 20 membres adhérents des groupements d'employeurs paient une cotisation annuelle de 75 €. En outre, une majoration du salaire horaire de chaque salarié mis à disposition est appliquée pour couvrir les frais de gestion (voir encadré, page ??). Mais ces sommes sont loin de permettre le fonctionnement des deux groupements. Michel Natale souhaiterait d'ailleurs que les autorités prennent à leur charge les coûts de gestion du groupement, comme cela se fait déjà dans le secteur agroalimentaire, par exemple.

« La question du financement [...] de la deuxième année de fonctionnement n'est pas encore complètement résolue », reconnaît d'ailleurs un bilan établi début juillet. La complexité des dossiers à présenter aux financeurs et la longueur des délais créent des difficultés de trésorerie. D'autant que de lancinantes complications d'ordre fiscal et social freinent le développement des deux groupements. Et malgré plusieurs réunions avec l'administration fiscale et des responsables nationaux, aucune simplification des procédures n'a encore été accordée.

Pourtant, après seulement 18 mois de fonctionnement, le bilan est largement positif. Malgré une montée en charge un peu plus tardive que prévu, le succès est au rendez-vous : alors que le recrutement des salariés mis à disposition a débuté au printemps 2004, les deux groupements emploient ensemble une trentaine de salariés, qui ont effectué un total de plus de 16 000 heures de travail au cours de la première moitié de 2005. Les 13 associations de services aux personnes adhérentes sollicitent de plus en plus leur groupement. « Elles absorbaient un tiers des heures de mise à disposition à la fin 2004, et les établissements deux tiers. Ce ratio devrait s'inverser cet automne », note avec satisfaction Jean-Pierre Danos. Elles pourraient prochainement recruter six nouvelles aides à domicile par le biais du groupement.

Contrairement à son homologue intervenant auprès des maisons de retraite, le GE ASP a surtout servi à pourvoir des postes transversaux imposés par la mise en application de la loi rénovant l'action sociale et médico-sociale du 2 janvier 2002. Une qualiticienne a été embauchée en novembre 2004, d'abord à mi-temps. Elle travaille maintenant quatre jours par semaine, pour dix associations, de Valréas à Pertuis (distants de 130 km). « Pour moi, être à la disposition de plusieurs employeurs est source d'enrichissement : j'analyse plus aisément les problèmes rencontrés, je trouve plus facilement des actions correctives à apporter, explique Fabienne Allier. A condition bien sûr de respecter une stricte confidentialité quant aux dossiers suivis. » En outre, huit membres du GE ASP se partagent un tiers temps de psychologue et trois associations un poste de cadre administratif occupé par un ancien directeur de maison de retraite.

Les deux groupements d'employeurs servent également de support à des actions de professionnalisation, telle une formation contre la maltraitance. Ils permettent en outre de multiplier les échanges d'expériences entre les directeurs des membres adhérents. Les présidents se sont peu à peu rendu compte qu'un rapprochement serait susceptible d'offrir des parcours professionnels plus diversifiés et des postes de travail mieux adaptés aux objectifs des salariés. Car il est très rare qu'une auxiliaire de vie travaillant au domicile de personnes âgées exerce son métier en établissement. En raison d'un problème de financement : les personnes titulaires du diplôme d'Etat d'auxiliaire de vie sociale peuvent légalement travailler en maison de retraite. Mais dans ce cas, cette dernière perd une partie des dotations de financement reçues au titre de l'embauche d'aides médico-psychologiques ou d'aides-soignants.

Pour gagner en souplesse de fonctionnement, les deux groupements d'employeurs veulent désormais développer leurs synergies. Leurs responsables cherchent ainsi à mettre en place des « passerelles » facilitant les changements de carrière ou de vie des salariés, des femmes pour la plupart. Ce qui améliorerait au passage les conditions de travail et les perspectives professionnelles des intervenantes auprès des personnes âgées. « Travailler à domicile plus de 30 heures par semaine ou bien dans une maison de retraite jusqu'à 10 heures par jour, avec des pics d'activité le matin et le soir, est-ce tenable à long terme ? », s'interroge Jean-Pierre Danos. Dès lors, « pourquoi ne pas proposer à une aide-soignante d'un service de soins infirmiers à domicile de s'occuper de sa patiente lorsqu'elle est placée dans un établissement ? » En retrouvant en maison de retraite son aide-soignante habituelle, la personne âgée vivrait d'autant mieux le départ de son domicile.

C'est pourquoi une réflexion a été engagée sur les métiers et les postes du secteur de l'accompagnement des personnes âgées, sous la forme d'une étude de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Deux consultants observent les pratiques quotidiennes des salariés de 13 des 20 membres des deux groupements d'employeurs qui sont volontaires, via des réunions, des entretiens personnalisés et des questionnaires. Objectif ? Identifier les réels besoins de qualification des salariés. Cette étude originale permettra de concevoir des « pistes de solutions nouvelles en termes de parcours de formation ou d'organisation de travail ». Une autre innovation à suivre.

Philippe Hufschmitt

LES ROUAGES DU DISPOSITIF

Pourquoi passer par un groupement d'employeurs (GE)  ?L'idée de base est simple : il suffit aux recruteurs de s'unir pour assurer un temps complet ou un temps partiel choisi plus attractif pour un salarié que des temps partiels subis ou morcelés. Un GE est une association loi 1901 créée dans le but exclusif de mettre à la disposition de ses membres des salariés liés au groupement par un contrat de travail. Un règlement intérieur définit ses règles de fonctionnement. Les salariés sont recrutés et rémunérés par le groupement d'employeurs, qui exerce le pouvoir disciplinaire. En contrepartie, celui-ci s'engage à fournir aux salariés embauchés du travail auprès de plusieurs employeurs. Mais c'est l'adhérent utilisateur qui est responsable des conditions d'exécution du travail. C'est lui qui verse les salaires au GE qui les redistribue ensuite aux salariés embauchés par ce biais. Pour sa part, le GE reçoit une cotisation de ses membres, plus une majoration du salaire horaire de chaque employé mis à disposition. Reste qu'en dehors du secteur marchand (en particulier, le secteur agroalimentaire), cette formule tarde à se développer. Sans doute parce qu'elle implique une certaine confiance entre les dirigeants de structures souvent concurrentes et une volonté commune d'améliorer les conditions d'emploi du secteur.

Notes

(1)  GE M3S et GE ASP : Bastide du Lubéron - Avenue de la gare - 84440 Robion - Tél. 04 90 76 75 71 - jp.danos@wanadoo.fr.

(2)  Créé en 2002, le FMAD est une section du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) dédiée à des dépenses de formation et d'innovation des services d'aide à domicile. Il est alimenté par une fraction du produit de la contribution sociale généralisée.

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