Du directeur « animateur » ou « bricoleur » au « manager-stratège », la fonction de direction de structures associatives d'action sociale a beaucoup évolué depuis une cinquantaine d'années. Sans être consacré exclusivement à l'histoire de ces mutations, l'ouvrage éclaire néanmoins la spécificité actuelle du gouvernement associatif tel qu'il s'exerce - ou pourrait s'exercer -, à la lumière dont le métier de dirigeant s'est structuré au fil du développement du secteur. Dans une première période qui va de l'après-guerre jusque vers la fin des années 60, c'est bien souvent la figure du « père fondateur » qui domine, soulignent les auteurs. Personnage parfois charismatique, il s'agit souvent d'un ancien bénévole ou d'un ex-éducateur qui s'est formé à l'école du scoutisme ou des mouvements de jeunesse. Chez lui, l'intuition prime souvent sur la rationalité et son mode de management s'appuie plus sur des relations de séduction que d'autorité. Après cette période de fonctionnement « familial », favorisé par la dimension restreinte des équipes et des établissements, l'institutionnalisation et la complexification de l'action sociale et médico-sociale, avec les lois de 1975, obligent les associations à se professionnaliser. Au cœur de ce mouvement, les directeurs sont conviés à asseoir leur pouvoir et à s'approprier un rôle de gestionnaire qui passe, notamment, par la nécessité de se qualifier. A cet égard, la formation débouchant sur le certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissements sociaux (Cafdes) va jouer un rôle primordial pour la qualification des directeurs, tout particulièrement en matière de gestion financière et administrative, précisent Francis Batifoulier et François Noble.
Une nouvelle étape de la professionnalisation des cadres s'amorce alors, au cours de la décennie suivante, avec la décentralisation et la déconcentration des services de l'Etat. La complexité de leurs relations avec les élus et les organismes de contrôle ainsi que l'augmentation du nombre de salariés des structures renforcent le niveau de compétences et de connaissances dont les dirigeants ont besoin, tant au plan administratif et comptable que pour gérer leurs « ressources humaines ». « Pour le secteur associatif, c'est à cette époque que commence le basculement d'une figure d'un directeur gestionnaire vers un modèle de directeur manager. » Entre la commande des administrateurs, porteurs du projet politique de l'association, la logique des salariés et celle des usagers, ce manager doit trouver un nouvel art de gouverner, différent de celui en vigueur dans l'entreprise privée et dans le secteur public, car la « gouvernance » associative est « indissociable de ce qui fonde les spécificités et les caractéristiques de la personne morale gestionnaire ».
Fonction de direction et gouvernance dans les associations d'action sociale - Francis Batifoulier, François Noble - Ed. Dunod - 25 €.