Il y a quelques semaines, le Conseil constitutionnel affirmait que les dispositions relatives au contrat « nouvelles embauches » (CNE) ne pouvaient en soi être à l'origine d'un « bouleversement de l'ensemble du droit du travail » (1). Le 19 octobre, le Conseil d'Etat est allé dans le même sens en rejetant les requêtes formées par différents syndicats de salariés visant à l'annulation de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 créant ce contrat.
Pour mémoire, le CNE permet aux employeurs occupant au plus 20 salariés de conclure un contrat de travail sans limitation de durée comportant pendant un temps déterminé des règles de rupture spécifiques et un régime indemnitaire plus favorable que le droit commun en cas de rupture durant cette période à l'initiative de l'employeur (2).
Le Conseil d'Etat a tout d'abord estimé que l'exclusion pendant les deux premières années à compter de la date de la conclusion du CNE de certaines règles relatives au licenciement (telles que l'obligation d'en énoncer préalablement les motifs), et la mise en place d'un délai de prescription de 12 mois pour toute contestation portant sur la rupture dudit contrat, avaient pour finalité l'incitation à l'embauche dans les entreprises n'employant qu'un petit nombre de salariés. En conséquence, contrairement à ce que les syndicats de salariés requérants entendaient faire valoir, ces spécificités ne sont pas disproportionnées par rapport au but recherché par le gouvernement.
En outre, le Conseil d'Etat confirme que la suppression de la procédure contradictoire au cours des deux premières années ne concerne pas les licenciements prononcés pour un motif disciplinaire, pour lesquels aucune dérogation n'aurait pu être admise. De même, dans le respect des articles 8-1,9 et 10 de la convention internationale n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) signée et ratifiée par la France, l'ordonnance n'a pas exclu que « le licenciement puisse être contesté devant un juge afin que celui-ci puisse vérifier que la rupture n'a pas un caractère abusif et n'est pas intervenue en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure disciplinaire et de celles prohibant les mesures discriminatoires ». Les signataires d'un CNE conservent ainsi la faculté de faire valoir devant une juridiction des faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. L'ordonnance du 2 août 2005 n'a donc pas méconnu les objectifs des directives 97/80/CE du 15 décembre 1997 et 2000/78/CE du 27 novembre 2000 relatives respectivement à la discrimination fondée sur le sexe et à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.
Le Conseil d'Etat a jugé que la période de deux ans durant laquelle certains travailleurs ne bénéficient pas des dispositions de droit commun relatives à la procédure de licenciement peut être regardée comme « une période de constitution de l'ancienneté » dont la durée est « raisonnable » et qu'elle est donc conforme à l'article 2 de la convention de l'OIT et à l'annexe à la charte sociale européenne.
(1) Voir ASH n° 2418 du 26-08-05.
(2) Voir ASH n° 2419 du 2-09-05.