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Des travailleurs sociaux créent un groupe de travail interdisciplinaire

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A Is-sur-Tille (Côte-d'Or), plusieurs travailleurs sociaux et responsables associatifs, désireux de mutualiser leurs connaissances, leurs outils et leurs réseaux, ont formé un comité de développement social local. Leur objectif : produire une réflexion collective sur le territoire du pays « Seine-et-Tilles en Bourgogne », proposer des pistes d'action et interpeller les élus locaux.

La création du comité de développement social local (CDSL) (1) à Is-sur-Tille, commune de 4 000 habitants ceinturée de massifs forestiers et de champs de céréales à une vingtaine de kilomètres de Dijon, remonte à 2002. L'initiative est née au sein du groupe de suivi des employés d'un chantier d'insertion proposant du maraîchage biologique (2). Ce collectif de professionnels, regroupant notamment la mission locale, la direction solidarité et famille du service social du conseil général de Côte-d'Or, le centre social d'Is-sur-Tille, l'association Domicile service et la Communauté des trois rivières (3), a souhaité aller plus loin dans le partenariat : « Ce lieu d'échanges était devenu insuffisant pour évoquer des problématiques plus larges, se souvient Aude Perreau, assistante sociale au conseil général. Nous avons alors décidé de créer un groupe de réflexion baptisé "comité de développement social local ". » Trois autres membres - le Club entreprendre (4), le centre communal d'action sociale (CCAS) d'Is-sur-Tille et le coordinateur du pays « Seine-et-Tilles en Bourgogne » (5) - ont par la suite rejoint les partenaires fondateurs.

Ce groupe composite vise à décloisonner les interventions des uns et des autres sur le territoire afin de proposer des réponses cohérentes et plus efficaces. La méthode : mutualiser les connaissances, les outils et les réseaux, partager les analyses et les communiquer à d'autres acteurs, voire apporter, dans certains cas, des solutions concrètes. Le comité se pose ainsi en instance de réflexion et de proposition, notamment auprès des élus. « C'est une instance d'interpellation, précise Aude Perreau. On est davantage dans la mise en réseau et en contact que dans le développement de projets. De toute façon, comme chaque structure n'a pas les mêmes missions ni les mêmes objectifs, il serait impossible d'en monter à nous seuls. Le comité fonctionne plutôt comme un relais aux idées, un réseau neuronal. »

Aujourd'hui, le CDSL comprend un comité de pilotage, rassemblant les membres permanents, ainsi qu'une série de commissions, fonctionnant de manière indépendante. Ces dernières correspondent aux problématiques récurrentes identifiées sur le territoire :l'emploi et la formation, le logement, la santé et l'illettrisme. L'un des membres du groupe de pilotage en est le rapporteur et peut inviter des partenaires extérieurs aux réunions. Le principe de fonctionnement réside dans l'esprit de collégialité. « C'est un groupe sans chef, explique Aude Perreau. Les décisions sont prises en commun et chacun apporte au groupe ce qu'il veut ou ce qu'il peut. » Un lieu d'échanges non hiérarchisé qui reçoit, pour l'instant, l'aval des structures où sont employés les travailleurs sociaux. « Ce CDSL n'est pas une commande de nos institutions mais notre travail est reconnu par nos responsables. Nous leur rendons compte de ce que l'on y fait, assez régulièrement », poursuit l'assistante sociale.

Pour la plupart de ses membres, le comité permet d'aborder en commun des questions touchant à l'ensemble du territoire. « Nous avons trop souvent tendance à être isolés dans nos communes et à nous focaliser sur les soucis des situations individuelles, remarque Maryvonne Vanhautere, assistante sociale dans le canton de Selongey, commune voisine de 2 200 habitants (6). Pour moi, le comité est un moyen de réfléchir à des problèmes de fond. Même entre nous au niveau du conseil général, nous n'avons pas toujours le temps d'échanger des informations utiles. » Karine Léon, conseillère technique à la mission locale de l'arrondissement de Dijon, partage ce goût du travail en partenariat, au nom d'une meilleure perception des besoins des habitants. « Auparavant, les rencontres se faisaient au cas par cas, sans véritable réflexion sur le long terme. Le comité ouvre une réflexion commune sur les parcours des usagers, notamment grâce aux partenaires qui peuvent aller dans les familles : cela nous donne une autre vision de la personne et permet d'éviter de mettre les gens dans des boîtes comme on nous le demande trop souvent. » Pour Sonia Baude, assistante sociale du canton d'Is-sur-Tille, le comité est devenu un outil essentiel : « Je suis jeune diplômée et installée ici depuis six mois. Ce réseau m'a permis de connaître très rapidement le territoire et les partenaires. » Même réflexion du côté de Jean-Pierre Diho, directeur du centre social intercommunal associatif (7) depuis janvier dernier, pour qui le comité a fourni un outil d'intégration rapide.

Depuis sa création, le CDSL a permis, dans chacune des commissions, d'engager une série d'initiatives. Au sein du groupe de travail emploi et formation, une réflexion commune sur le manque de coordination des services dédiés à la recherche d'emploi a conduit à la future mise en place, à Is-sur-Tille, d'un « lieu unique pour l'emploi » (voir encadré ci-dessous). De la même manière, la présence du Club entreprendre au sein du comité a permis de rapprocher acteurs économiques et sociaux. « Nous avons mis en ligne début 2004, sur notre site Internet, des offres d'emploi accessibles aux professionnels du social, détaille Audrey Jamet, animatrice au sein du Club. Une visite d'entreprise par les membres du comité a par ailleurs été organisée par mon intermédiaire. »

Autre initiative prise dans le cadre de cette commission, la participation à un projet européen Equal, destiné à sensibiliser les entreprises à la place des femmes dans l'emploi (8). « Au CDSL on avait déjà les données, les réflexions, alors on s'est lancé, relate Karine Léon, rapporteur de la commission emploi. Comme le comité ne pouvait pas porter ce projet lui-même, le Club entreprendre et le pays le font à notre place » (9).

Les travaux de la commission illettrisme, animée par Hanane Kzikaz, responsable du CCAS d'Is-sur-Tille, ont abouti à la création d'un atelier d'alphabétisation à destination des personnes étrangères, financé par le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations. En matière de logement, une base de données pour répertorier l'offre de logement social et privé a été mise en place à la mairie d'Is-sur-Tille, et deux logements d'urgence appartenant à la commune ont été mis à la disposition du CCAS, afin notamment d'accueillir des femmes victimes de violences conjugales.

Enfin, la commission santé a permis de détecter des problèmes d'alcoolisme et de santé mentale dans le territoire (10). D'où l'installation, depuis février dernier, d'une permanence en addictologie à Is-sur-Tille. En matière de santé mentale, les membres de la commission espèrent obtenir un psychiatre référent chargé de repérer et d'orienter les personnes malades. Pour ce faire, un questionnaire sur la santé mentale envoyé à tous les professionnels (médecins, pompiers, travailleurs sociaux...) devrait être remis au CHU de Dijon pour faire avancer le dossier.

Une nouvelle commission, baptisée « commission de suivi des situations individuelles », vient de voir le jour. Son rôle : tenter de suivre les personnes aux différentes étapes de l'insertion. « Par sa diversité, le comité permet de réunir des partenaires qui travaillent sur les personnes en difficulté à tous les stades de l'insertion durable », soutient Aude Perreau.

Forts d'une fine connaissance du territoire et de ses besoins, ses membres ont également eu l'occasion, en 2003, de participer aux travaux de rédaction de la charte du pays « Seine-et-Tilles en Bourgogne ». « Le comité de développement social local est un réseau très intéressant pour la démarche de pays, estime Pascal Trouvé, animateur du pays. Ses membres nous ont aidés à formuler le diagnostic territorial en participant notamment aux réunions du soir. Cela a débouché sur un lien construit entre l'économique et le social, ce qui est peu courant dans d'autres territoires. » Ainsi, en trois ans, le CDSL a progressivement gagné en crédibilité, notamment auprès des élus. Ses activités sont soutenues par Michel Maillot, maire d'Is-sur-Tille, président de la communauté de communes COVATI (11) et récemment élu conseiller général. « Auparavant, chacun travaillait dans son coin, commente-t-il. Aujourd'hui, le pays, dont le conseil de développement rassemble un tiers d'élus, un tiers d'associations et un tiers de responsables socio-professionnels, est un vrai bouillon de culture. Le CDSL s'inscrit complètement dans cette logique que l'on préconise. »

Si le comité a acquis une certaine reconnaissance, son existence demeure néanmoins fragile. « Nous sommes tous des professionnels, donc tous employés par une structure, résume Hanane Kzikaz. Même si nous poursuivons les mêmes objectifs, il nous arrive souvent de défendre d'abord la position de notre employeur, ce qui peut donner l'impression que l'on n'avancera jamais. D'autant que maintenant que le CDSL a pris de l'ampleur, les institutions sont beaucoup plus présentes. » Résultat : le groupe ne cesse de se formaliser en y laissant, peut-être, un peu de son âme. « On s'autorise un peu moins la liberté de ton de départ, avoue Aude Perreau. Nous fixons désormais un ordre du jour, rédigeons des comptes rendus... Au début, le CDSL était un groupe plus convivial et militant. » Aujourd'hui, il tente de s'élargir à de nouveaux partenaires. Et rêve d'idées neuves à défendre.

Florence Pagneux

UN LIEU UNIQUE POUR L'EMPLOI À IS-SUR-TILLE

L'initiative est née au sein de la commission emploi et formation du comité de développement social local d'Is-sur-Tille : « Il n'existe pas de lieu ni de personne identifiée pour l'emploi sur notre territoire, explique Karine Léon, animatrice de la commission. Par exemple, de nombreuses personnes sans emploi ne sont pas inscrites au chômage car elles n'ont pas les moyens de se rendre à Dijon pour effectuer les formalités nécessaires. » L'idée de créer un lieu unique dédié à la recherche d'emploi pour lutter contre l'éparpillement des structures et mutualiser les moyens correspond donc à une attente locale forte. Porté par la mairie d'Is-sur-Tille, le projet de point d'accueil unique pour l'emploi doit dans un premier temps rassembler le point information jeunesse du centre social, le centre communal d'action sociale et la mission locale dans un bâtiment situé à l'arrière de l'hôtel de ville. L'objectif est d'y accueillir l'ANPE, les Assedic et la caisse d'allocations familiales puis d'y installer une borne pour la carte Vitale. Ouverture prévue en mai 2006.

Notes

(1)  CDSL : cdsl@wanadoo.fr.

(2)  Il s'agit du chantier d'insertion Agro Bio, membre de la Fédération départementale des foyers ruraux de Côte-d'Or.

(3)  Domicile service est une association intermédiaire qui établit le lien entre particuliers et employés pour des activités de jardinage, ménage, courses... La Communauté des trois rivières rassemble pour sa part une vingtaine de « compagnons » vivant et travaillant pour la communauté (ramassage, tri...), tout en percevant des aides sociales.

(4)  Qui regroupe environ 70 chefs d'entreprises locales, toutes tailles et secteurs d'activités confondus.

(5)  Le pays Seine-et-Tille en Bourgogne, créé en 2002, rassemble 4 cantons et 61 communes, soit environ 20 000 habitants.

(6)  A noter que récemment, la municipalité de Selongey a accepté que la secrétaire de l'Espace info service de la ville participe au comité de développement social local.

(7)  Le centre social intercommunal associatif, à Marcilly- sur-Tille, réunit près de 500 adhérents et couvre le secteur de l'enfance, les activités sociales, l'action socio-culturelle, les loisirs et enfin le soutien aux associations.

(8)  Chez les jeunes femmes (20-24 ans) du pays « Seine-et-Tilles en Bourgogne », le taux de chômage s'élève en effet à 33 %.

(9)  Le partenariat de développement du projet rassemble le pays Seine-et-Tilles en Bourgogne, le Club entreprendre, l'AFPA et l'association FETE (féminin technique).

(10)  Commission animée par Emmanuel Lemoine, responsable de la Communauté des trois rivières.

(11)  COVATI signifie communauté de communes des vallées de la Tille et de l'Ignon.

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