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Scolarisation, compensation : l'esprit de la loi du 11 février 2005 sera-t-il préservé ?

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« C'est un changement de logique complet : pour les enfants handicapés, la règle, c'est le droit commun, c'est-à-dire la scolarisation en milieu ordinaire, avec éventuellement l'accompagnement nécessaire. L'accueil en établissement médico-social, c'est l'exception. » Fernand Tournan, président de l'APAJH et les 22 autres associations membres du Collectif pour la refondation de la loi de 1975 (1) n'ont pas de mots assez forts pour souligner la « véritable révolution par rapport au vécu de ces trente dernières années » qu'implique la reconnaissance du « droit à l'école pour tous » inscrit dans la loi du 11 février 2005 et les signes manifestes de la volonté ministérielle de ne pas en rester, cette fois, à l'effet d'annonce (2). « Mais ce principe, il faut maintenant le faire vivre. Actuellement, les conditions sont loin d'être réunies. Les moyens humains, matériels, techniques, sont rarement au rendez-vous. »

Quatre tests de scolarisation grandeur nature

Pour savoir précisément ce qu'ils devraient être, le collectif propose de réaliser sur un an quatre expérimentations grandeur nature, deux en milieu urbain, deux en milieu rural. Il s'agirait de créer les conditions optimales de scolarisation de tous les enfants en âge d'être inscrits à la maternelle et à l'école élémentaire. Et cela, sous l'œil de chercheurs indépendants qui publieraient tous les résultats. De quoi disposer d'une base solide pour lancer le programme pluriannuel qui permettra réellement d'appliquer la loi. « L'intégration en milieu ordinaire ne procède pas d'une volonté de faire des économies, précise Fernand Tournan en réponse à ceux qui y voient une intention maligne. Si elle est bien conduite, ce n'est pas forcément une solution moins coûteuse que l'accueil en établissement. Il s'agit plutôt de dépenser l'argent ailleurs et autrement. »

Sans attendre les résultats de cette étude, les associations insistent sur le recrutement d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) - les 800 créations de postes annoncées ne se voient pas encore sur le terrain, où domine plutôt une impression de régression -, sur la multiplication des services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) - éventuellement par reconversion partielle ou totale d'établissements - et sur la formation des enseignants. « Les nombreux départs à la retraite de ces prochaines années, donc les recrutements, fournissent une excellente occasion d'introduire quelques modules dans toutes les formations initiales », suggère Jean-Louis Biot, de l'UNSA-Education.

« Comme souvent, l'évolution a précédé la loi, souligne pour sa part Emmanuel Guichardaz, de la FSU. Le nombre d'enfants handicapés accueillis à l'école a progressé de 30 % en trois ans et de 70 % dans le secondaire. » «  Oui, mais trop souvent à temps partiel ou très partiel, en fonction des heures d'AVS, ce qui oblige un des parents à cesser le travail », nuance Sylvia Gaymard, vice-présidente de Fait 21. « Scolariser, c'est accueillir à temps complet », insiste Françoise Mongin, présidente de la FCPE.

Pour les 23 associations, l'heure est donc à l'encouragement de la dynamique ébauchée et à la vigilance, notamment quant au rôle réservé aux parents, qui doivent être « associés à toutes les phases de l'élaboration du projet personnalisé de scolarisation ».

Entendre et enregistrer les besoins

A cet égard, le collectif s'inquiète aussi des moyens et des pouvoirs qui seront dévolus à la maison départementale des personnes handicapées et à la commission des droits et de l'autonomie (CDAPH) (3). Il n'y aura pas d'amélioration s'il s'agit seulement de fusionner les deux anciennes commissions d'orientation, insiste-t-il. Il est essentiel que la personne puisse exprimer son projet et ses souhaits. Le collectif demande aussi une séparation beaucoup plus visible entre l'évaluation des besoins réalisée par l'équipe pluridisciplinaire et le plan de compensation finalement proposé. « Cela permettra de connaître la différence entre les deux, d'identifier les carences qui subsistent et de faire remonter l'information pour corriger éventuellement les attributions de fonds publics », plaide Fernand Tournan.

« Il faut aussi revenir sur la disposition du projet de décret qui indique qu'un silence de quatre mois de la CDAPH vaut rejet, insiste

Dominique Leboiteux, pour la Fédération des PEP. C'est une échappatoire trop commode à l'obligation de motiver les décisions. »

Compensation  : « des plafonds scandaleusement bas »

Autre texte en cours de discussion : le projet de décret sur la prestation de compensation, présenté pour avis au Conseil national consultatif des personnes handicapées le 12 octobre. « Il comporte des avancées intéressantes et des dispositions inadmissibles », réagit Marie-Sophie Desaulle, présidente de l'Association des paralysés de France (APF). Intéressante, notamment, la prise en compte de la communication et des déplacements à l'extérieur du domicile parmi les actes essentiels de la vie et l'attribution à ce titre d'heures d'aide humaine sur une base forfaitaire de 30 par mois.

Inadmissibles au contraire, les plafonds « scandaleusement bas » proposés pour la prise en charge des aides techniques et de l'adaptation du logement. « Plafonds qui n'ont jamais été évoqués au cours des nombreuses discussions qui ont eu lieu tout l'été », ajoute Marie-Sophie Desaulle.

Pour les aides techniques, le montant maximal serait de 110 € par mois, soit 3 960 € sur trois ans, alors qu'un fauteuil roulant électrique peut coûter jusqu'à 15 000 €, s'indignent l'APF et l'Association française contre les myopathies (AFM) (4). Pour l'aménagement du logement, l'allocation s'élèverait à un maximum de 26,66 € par mois, soit 3 200 € sur dix ans, alors qu'il faut compter 10 000 € pour refaire seulement une salle de bains et 15 000 € pour installer une plate-forme élévatrice, indiquent les deux associations.

Même protestation au Collectif des 23 qui se demande où serait la simplification promise s'il faut continuer d'aller quêter ailleurs des compléments de financement. Où serait la liberté de choix du mode de vie ?, protestent aussi l'APF et l'AFM, qui veulent que le décret « respecte le principe de compensation intégrale posé dans la loi du 11 février 2005 et en garantisse le financement ».

Notes

(1)  Alefpa, Anateep, ANFE, ANPEA, Anpihm, Autisme France, CEMEA, DDEN, Entraide universitaire, Fagerh, FAIT 21, FCPE, Fédération des APAJH, FGADPEP, FLA, FSU, GEPSO, Handicap International, Ligue de l'enseignement, MGEN, UNALG, UNSA, UNSA Education - Contact : APAJH - 185, bureaux de la Colline - 92213 Saint-Cloud cedex - Tél. 01 55 39 56 00.

(2)  Notamment au travers de la circulaire de rentrée, préparatoire aux décrets - Voir ASH n° 2419 du 2-09-05.

(3)  Sur l'avis formulé par le CNCPH sur ces deux nouvelles instances, voir aussi ce numéro page 17.

(4)  APF : 17, boulevard Auguste-Blanqui - 75013 Paris - Tél. 01 40 78 69 00 - AFM : 1, rue de l'Internationale - 91000 Evry cedex - Tél. 01 69 47 28 28.

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