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Front commun des associations, syndicats et acteurs de la protection sociale contre les décrets réformant l'AME

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Plusieurs organisations - la CFDT, la CGT, l'UNSA, la Mutualité française, la FNATH et Solidarité laïque - ont rejoint l'appel des associations et des professionnels de la santé lancé il y a plus d'un mois contre les décrets réformant l'aide médicale d'Etat (AME) (1). Tous indignés par cette « irresponsabilité sanitaire fantastique fondée sur des raisons idéologiques », selon les termes de Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l'Homme. « Et si la première personne porteuse de la grippe aviaire en France se voyait refuser l'accès aux soins ? » s'interroge, provocateur, Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française. L'ensemble de ces acteurs se rallient aux arguments de santé publique, budgétaires et de défense du droit à l'accès aux soins, des cinq associations (2) qui ont dénoncé le 28 septembre les décrets devant le Conseil d'Etat (3). Lequel étudiera le 18 octobre un premier recours en suspension, avant d'examiner le second, qui lui permettra de statuer sur le fond.

Les associations peuvent aussi témoigner des effets négatifs de la réforme déjà intervenue fin 2003. Cette dernière avait supprimé toute possibilité d'entrée immédiate dans le dispositif et introduit l'obligation de résider en France depuis trois mois. Conséquence : le système de santé est beaucoup moins accessible pour les patients en situation irrégulière, dont le nombre « est passé de 6 000 à 8 500 en un an dans les centres de soins de Médecins du monde », affirme Françoise Jeanson, présidente de l'association. Selon le rapport 2004 de l'Observatoire de l'accès aux soins de la mission France de Médecins du monde , plus de 92 % des bénéficiaires potentiels de l'AME ne font pas valoir leurs droits. Au total, en considérant aussi ceux qui relèvent de la CMU, seuls 37 % des étrangers disposent d'une couverture maladie après dix ans de séjour en France. Le nombre de patients sans droits en la matière a doublé, passant de 9,2 % en 2003 à 19 % en 2004. Selon Médecins du monde, 14 % d'entre eux « étaient en France depuis longtemps mais n'arrivaient pas à le prouver ».

Un rapport, réalisé en 2004 par le directeur de la mission de coordination stratégique de la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) à la demande du directeur de la sécurité sociale, du directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins et du directeur général de la CNAM, apporte de l'eau au moulin des associations. Non rendu public, il avait pour mission d'étudier « les conséquences organisationnelles et financières des nouvelles dispositions [sur l'AME] pour les caisses, ainsi que l'impact potentiel des modalités d'application en préparation ».

Un rapport enfonce le clou

Le directeur de la mission de la CNAM, dont le conseil d'administration avait émis un avis négatif sur les décrets parus au moins d'août, lance un pavé dans la mare : beaucoup de bénéficiaires, explique-t-il, devraient être affiliés au dispositif du droit commun, puisque les patients qui ont déposé une demande de titre de séjour relèvent « ipso facto de la législation sur la CMU ». Or, les préfectures ne délivrant pas toujours d'accusé de réception lors du dépôt des demandes, les caisses doivent souvent ouvrir des droits à l'AME pour ces bénéficiaires potentiels. Les déboutés du droit d'asile devraient quant à eux, selon la législation qui régit le régime général, pouvoir bénéficier de la CMU pendant les quatre années qui suivent la fin de la régularité de leur séjour. Alors qu'ils « constituent une proportion importante des bénéficiaires potentiels du dispositif de l'AME, on mesure l'importance d'un changement de pratiques des caisses primaires en la matière », commente le rapporteur.

Démontant aussi les idées reçues sur le « tourisme médical », le document pronostique « la poursuite de la montée en charge du dispositif de l'AME, quelles que soient les restrictions apportées à l'accès à ce dispositif de protection ». Il évalue à près de 156 000 le nombre de bénéficiaires de l'AME au 30 juin 2004, contre 152 000 au 30 juin 2003. Les dépenses au premier semestre 2004 marquaient une progression de 9,5 %. Le nouveau dispositif mis en œuvre à compter du 1er janvier 2004 « ne se traduit pas, au niveau des dépenses engagées, par une réduction ou une stagnation », constate l'auteur. L'évaluation des soins relatifs à l'urgence hospitalière, « restés en attente de facturation, faute d'instructions applicatives des textes », atteignait quant à elle 8 millions d'euros au 30 juin 2004. Rejoignant la position des associations sur le surcoût des soins tardifs, le rapporteur estime que « le nouveau dispositif, dont un des objectifs est précisément de limiter le recours préalable aux soins, a un effet péjoratif sur le montant des dépenses ».

Le rapport pointe également les difficultés à mettre en œuvre le nouveau dispositif d'admission. Ce dernier « induit un accroissement du nombre de dossiers à constituer car chaque bénéficiaire ou ayant droit doit satisfaire à la condition de résidence ». Sans compter le nombre important de retours de dossiers (quasiment un sur deux) pour « compléments de preuves ». Au final, l'auteur évalue à près de 3 millions d'euros le coût des effectifs nécessaire pour l'application des nouvelles procédures administratives !

« Le risque est grand, au travers d'une législation mise en oeuvre pour résoudre l'exception, d'avoir conçu un dispositif d'une grande complexité, générant des frais de gestion bien plus lourds que le précédent, ainsi que des dépenses collectives de soins bien plus onéreuses », conclut-il. S'agissant de la présentation de documents probants, il estime que « même si l'on répugnait à la réintroduction de la procédure déclarative, il serait sans doute possible de procéder, dans de nombreux cas, par présomption, en présence d'un faisceau d'indices concordants », notamment pour les déboutés du droit d'asile et les étudiants étrangers en fin d'études, manifestement pas concernés par le « tourisme médical ». L'exigence de preuves devrait, selon le rapport, relever de l'exception. En contrepartie, « il serait possible de solliciter du demandeur sa présence au guichet de la caisse primaire lors de l'instruction de son dossier ». Reste à savoir si ces considérations, qui n'ont pas été prises en compte dans les nouveaux décrets, pourraient peser dans le cas où ces derniers seraient suspendus par la Haute Juridiction.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2418 du 26-08-05.

(2)  Aides, le Groupe d'information et de soutien des immigrés, la Ligue des droits de l'Homme, Médecins du monde et le MRAP. Contact : GISTI - 3, villa Marcès - 75011 Paris - Tél. 01 43 14 84 84.

(3)  Voir ASH n° 2423 du 30-09-05.

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