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Les auxiliaires de vie sociale au carrefour de trois identités

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ême si les tâches ménagères occupent une part prépondérante des missions des auxiliaires de vie sociale, leur action se situe bien au cœur de l'intervention sociale, souligne Grégory Degenaers, psychologue clinicien exerçant dans un foyer de vie pour personnes handicapées mentales vieillissantes de la Seine-Maritime et formateur intervenant notamment sur les enjeux de la relation d'aide à l'Institut de formation d'éducateurs de Normandie, au Havre.

« Depuis sa création en 2002, le diplôme d'Etat d'auxiliaire de vie sociale (DEAVS) remplace peu à peu le certificat d'aptitude à la fonction d'aide à domicile (CAFAD) dans le champ de l'aide à domicile. Quels enjeux professionnels pouvons-nous repérer derrière cette réforme terminologique ? L'expression nouvelle "auxiliaire de vie sociale" précise l'originalité de l'aide à domicile en ne pointant plus uniquement le cadre topologique de l'exercice professionnel mais en valorisant le cadre social, désigné comme premier. Poudre aux yeux ?Fausse mutation ? Oui, si les organismes de formation ne saisissent pas la réforme du référentiel de formation pour faire évoluer la notion de savoir-faire vers son pendant social : le savoir être.

Des cinq unités de formation constituant actuellement le DEAVS, décrits par l'arrêté du 26 mars 2002 (1), la cinquième est la plus importante en volume horaire. Derrière son intitulé, "méthodologies d'intervention ", sont déclinées les notions de responsabilité, de déontologie, de communication, de liaison et surtout de relation d'aide. Si l'on considère ce point particulier, c'est bien à l'émergence d'une nouvelle identité que nous assistons dans le champ social, du moins d'une identité réaffirmée, ré-explicitée, nécessitant de fait une réelle appropriation par les professionnel (le) s concerné (e) s.

Ainsi, il s'agit bien de former de véritables travailleurs sociaux. Même si se présente le paradoxe (de surface...) suivant : l'essentiel de leur tâche est encore de porter soin... à des locaux. Une enquête publiée par la DREES en 2004 confirme que les tâches ménagères constituent le socle d'intervention dans le champ de l'aide à domicile, loin devant l'aide aux courses, la préparation des repas, l'aide à la toilette, etc. D'où, pour les stagiaires, l'impression première d'un certain décalage entre théorie de formation et pratique du terrain lorsqu'elles abordent cette partie de leur enseignement. Leur identité professionnelle peut, en ce moment fondateur qu'est la formation, s'en trouver questionnée : soignantes, travailleuses sociales ou aides ménagères ?, trois identités marquées respectivement par le soin physique, le soin social et le soin ménager. En somme, de quelle hygiène parle-t-on ?

Tout l'intérêt et tout l'objectif de formation, me semble-t-il, consiste alors à humaniser ce terrain professionnel, à valoriser chacun des actes techniques d'hygiène appliqués aux locaux et mobiliers, qui prennent part à une continuelle réhabilitation de l'autre. Cet autre qui est un être mais aussi un "ayant ", un "habitant" évoluant en un lieu qui lui est propre, une personne vivant entourée de ses objets, souvent balises de son passé et objets de mémoire. Un être qui a besoin de vivre dans des locaux et parmi du mobilier bien entretenus, c'est-à-dire dans un environnement respecté.

Les tâches ménagères sont encore trop souvent sous-estimées et dévalorisées. N'oublions pas le rapport constant qui se tisse entre l'intérieur du lieu de vie et l'internalité du sujet. Les auxiliaires de vie sociale ne seraient-elles pas finalement des travailleuses de l'interne ? A l'intérieur du domicile, dans l'intimité du foyer, pour l'intégrité de la personne, pour la préservation d'une vie interne enrichie et enfin pour l'ouverture de l'individu à la société. Leur exercice professionnel est au cœur de l'intervention sociale : même si elles empruntent des voies indirectes, leurs actions ont toutes en commun le sujet, qu'elles prennent en compte en portant notamment intérêt à son cadre de vie. Notons au passage que cette intervention reste trop souvent l'unique perfusion relationnelle rompant l'isolement des personnes aidées.

L'enjeu se situe bien en cette frontière où tout se cristallise, frontière de l'isolement total, frontière où l'inclus (le professionnel) rencontre l'exclu (l'usager). Le nettoyage comme but en soi ? Comme support ? Comme alibi ? Préserver la beauté de l'existence malgré la poussière qui s'acharne à s'accumuler, trouver de l'intérêt à la lutte pour la restauration de l'image de l'autre, s'appliquer à respecter ce qu'elle nous dit de sa vie en paroles ou en silence, dans ses mouvements ou dans sa constance, dans son être ou dans son environnement, c'est certainement déjà accompagner la personne. »

Grégory Degenaers Psychologue et formateur - Tél.06 62 61 43 59 - E-mail :gregory.degenaers@numericable.fr

Notes

(1)  Voir ASH n° 2306 du 11-04-03.

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