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« 92 % des structures de l'IAE confrontées à la question des discriminations »

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Lutter contre les demandes discriminantes des entreprises fait partie des responsabilités du secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), estime Julien Viteau, consultant à IRFA-Conseil. Dans une étude sur le sujet (1), il propose un plan d'actions qui a été adopté le 12 septembre par le Conseil national de l'insertion par l'activité économique.
La discrimination dans l'IAE s'apparente selon vous à un « secret de famille ». Pourquoi ?

Si les structures ne sont pas elles-mêmes sélectives, elles rencontrent massivement la discrimination dans les demandes des entreprises ou des particuliers. Le fait qu'elles n'abordent pas ce sujet, qui ne doit pas être considéré comme périphérique à l'IAE, mais comme l'une de ses préoccupations centrales, est un facteur de risque supplémentaire. Or rien n'a jusqu'ici été dit ou pensé en la matière. Ce silence n'est pas étonnant, car la loi de lutte contre les discriminations n'existe que depuis 2001. Mais il peut aussi s'expliquer par certaines craintes, comme celle de devoir révéler la « co-production » de discriminations, c'est-à-dire l'adhésion passive à des critères discriminants. Ce phénomène n'est pas fréquent mais existe tout de même dans les cas de mise à disposition d'un salarié. Certes, la réaction la plus fréquente est de couper court à la relation avec le client. Ce qui est louable sur le plan moral, mais ne fait pas avancer le problème ! Une autre attitude - protéger le salarié en lui évitant d'être confronté à une entreprise dont la demande était discriminante- n'est pas plus positive : elle ne verbalise pas le refus et renforce le caractère diffus de la discrimination. Les structures de l'IAE, inscrites dans une logique universaliste de négation des différences, sont en outre placées face à une autre forme de discrimination rampante : l'ethnicisation de certains services, comme ceux de la médiation sociale. La fonction d'un service d'IAE n'est-elle pas de préparer à l'environnement réel de l'entreprise ?

Vous évoquez une confusion entre discrimination et gestion de la diversité culturelle...

Certaines structures font état de tensions entre personnes d'origine différente. Or il ne s'agit pas du même champ. Tandis que l'intégration demande des efforts individuels, la discrimination nécessite un travail sur l'environnement et sur l'entreprise. Ces deux actions peuvent être complémentaires, et il conviendra d'ailleurs d'analyser plus finement la gestion de la diversité au sein de l'IAE, qui joue un vrai rôle en matière d'intégration. Mais dire que les pratiques discriminatoires s'exercent entre salariés revient à déplacer sur les individus ce qui ne relève pas de leur responsabilité.

Quelle est la responsabilité des structures en matière de retour à l'emploi ordinaire ?

92 % des structures de l'IAE déclarent être confrontées à la question des discriminations, mais 81 % disent ne pas connaître la loi du 16 novembre 2001 sur la lutte contre les discriminations. Les structures doivent donc construire des compétences juridiques et techniques, de manière à pouvoir transformer une demande discriminatoire en une demande fondée sur les compétences et la qualité de service. Comment par ailleurs aborder le sujet avec le salarié ? La plupart des accompagnateurs refusent d'évoquer la question de l'origine et renvoient le salarié à sa mobilisation personnelle, ce qui a pour effet de le culpabiliser. Les réseaux devraient également davantage travailler avec les autres institutions, comme l'ANPE qui a beaucoup progressé en la matière, et le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, qui dispose d'une offre de formation spécifique.

Le plan d'actions adopté (2) peut-il faire changer les pratiques ?

Outre les actions en direction des institutions, d'autres concernent plus spécifiquement les acteurs des réseaux. A Bordeaux, quatre structures ont fait le choix de réfléchir à des réponses concrètes face aux demandes discriminantes. Dans la même dynamique, la Coorace envisage d'intégrer la question de la discrimination à sa démarche qualité. Le réseau Chantier école souhaite établir un guide méthodologique... Progressivement, en plus de ceux qui ont déjà été développés, comme au sein du plan local pour l'insertion et l'emploi de Roubaix, des outils vont être imaginés et diffusés. La démarche va s'amplifier, d'autant qu'elle bénéficie d'un vrai engagement des institutions.

Propos recueillis par Mayannick le Bris

Notes

(1)   « Comment les discriminations et l'égalité des chances se rencontrent dans l'insertion par l'activité économique ? » - CNIAE : 7, square Max-Huysmans - 75015 Paris - Tél. 01 44 38 32 70 - Cette étude s'inscrit dans l'accord-cadre signé le 28 octobre par le CNIAE et plusieurs institutions, dont la DGAS et le FASILD - Voir ASH n° 2398 du 11-03-05.

(2)  Celui-ci propose notamment la rédaction d'un guide de bonnes pratiques, la déclinaison en région de l'accord-cadre, la réalisation d'une recherche-action sur l'intégration des populations d'origine étrangère dans l'IAE et l'organisation d'un séminaire de restitution en 2007. Les réseaux n'ont en revanche pas retenu la proposition d'élaborer une charte d'engagement.

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