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« Une pratique encore marginale »

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Avec 11 places en moyenne par département et 44 places créées au plan national par an, l'accueil temporaire reste anecdotique, constate Jean-Jacques Olivin. Le président du Groupe de réflexion et réseau pour l'accueil temporaire des personnes handicapées (GRATH) dresse un état des lieux dans une enquête rendue publique le 29 septembre (1).

Actualités sociales hebdomadaires : Pourquoi avoir réalisé une enquête sur l'accueil temporaire des personnes handicapées ? Jean-Jacques Olivin : Six ans après un premier travail du même type, nous avons voulu actualiser notre base de données et faire le point sur les difficultés et les besoins des promoteurs. Nous avons envoyé un questionnaire à plus de 6 000 établissements et reçu 357 réponses. Ce modeste taux de retour - 6 % - reflète sans doute le faible intérêt encore porté à la question. Mais à en juger par les coups de fil reçus à l'occasion de la conférence nationale organisée le 29 septembre sur ce thème, il me semble quand même que cela bouge, très doucement. Alors, quelle est l'offre disponible en France en 2005 ?

- Sans prétendre à l'exhaustivité, nous recensons 236 institutions engagées dans l'accueil temporaire (contre 166 en 1999)  : 200 établissements pour adultes et 36 pour enfants. A la mi-2005, l'offre atteind 1 035 places, soit 265 de plus en six ans ! En fait, nous avons repéré 367 créations, mais aussi des disparitions. Le solde net reste très faible, avec 44 places nouvelles par an (2).

Une légère accélération semble se dessiner pour les prochaines années, avec 32 projets signalés et 26 programmés pour 2006 à 2008, pour un total de 192 places. Mais le mouvement paraît encore très timide. Même si l'on arrondit l'offre à 1 300 ou à 1 500 places pour tenir compte de la marge d'incertitude de notre recensement, l'accueil temporaire demeure le fait d'un petit groupe de précurseurs audacieux, ce n'est pas encore un sport de masse ! La pratique est encore beaucoup trop marginale pour avoir un impact significatif sur les politiques sociales.

A raison de sept utilisateurs en moyenne par place et par an, il faudrait décupler l'offre pour que 5 % des personnes assez lourdement handicapées puissent bénéficier d'un accueil temporaire dans l'année. Ce qui reste un objectif modeste comparé aux 30 % de bénéficiaires recensés au Québec, où, il est vrai, on a supprimé tous les autres types d'institutions.

Quelle est la durée des séjours ?

- D'après l'enquête, plus de la moitié des places sont accessibles à partir d'une ou deux journées et les trois quarts le sont pour des durées inférieures ou égales à la semaine. La souplesse et la réactivité sont des données essentielles en matière d'accueil temporaire. Recevoir une personne pour un week-end à intervalles réguliers, par exemple, peut être important pour permettre à sa famille de souffler, ou même pour offrir un répit à une autre institution. Dire que l'on n'accueille que pour un minimum de 15 jours ou de un mois, ce n'est pas répondre aux besoins des personnes.

Quant à la durée maximale d'un séjour en continu, elle est très variable : elle se compte en semaines dans 46 % des cas et peut aller jusqu'à trois mois (la limite légale) dans 44 % des structures. Sauf impératif (par exemple lors d'une hospitalisation du parent qui s'occupe d'ordinaire d'un enfant), il ne faut pas que le séjour de trois mois d'affilée soit la règle, mieux vaut prévoir des accueils séquentiels.

Les structures fonctionnent-elles en continu ?

- C'est le cas pour deux structures sur trois. A l'expérience, je ne suis pas contre des périodes de fermeture, ne serait-ce qu'un long week-end chaque trimestre. D'abord pour offrir un repos bien mérité au personnel. Mais aussi pour affirmer clairement les limites de la durée de séjour. Trop de places d'accueil temporaire disparaissent parce que les bénéficiaires s'y installent définitivement.

Les accueils d'urgence sont-ils possibles ?

- Cela est explicitement prévu par les textes. Normalement, c'est la commission départementale (Cotorep pour les adultes, CDES pour les enfants) qui accorde un temps annuel de prise en charge en accueil temporaire. Le directeur peut néanmoins admettre en urgence toute personne présentant un taux d'incapacité d'au moins 80 %, à condition d'en informer la commission dans les 24 heures.

Seules 29 % des structures qui ont répondu à cette question déclarent le faire, c'est peu. Dans la pratique, toute structure peut être sollicitée par sa tutelle pour prendre une personne en urgence. Il y a alors trois possibilités : soit une chambre est prévue à cet effet, c'est l'idéal, mais cela pèse sur le taux d'occupation et les coûts. Soit la personne est accueillie en surnombre, avec un lit d'appoint, comme c'est souvent le cas, la seule limite impérative étant celle fixée par la commission de sécurité. Soit on peut faire jouer la solidarité, demander à une personne de retarder son séjour séquentiel. Souvent les familles l'acceptent, car elles savent qu'elles peuvent un jour avoir besoin à leur tour d'un accueil non programmé.

Il reste que si la formule était plus souvent utilisée dans sa vocation de prévention, elle serait moins sollicitée pour les situations d'urgence. Il faut en persuader notamment les parents âgés, avant qu'il ne soit trop tard.

Le taux d'utilisation des places est-il satisfaisant ?

- Il est de 81 % en moyenne : 80 % pour les places réservées dans les institutions traditionnelles et 92% dans les unités dédiées. A condition de prévoir un temps de montée en charge, il semble raisonnable de baser les projets de création sur un taux de 80 % pour les premières et de 90 % pour les secondes.

Depuis 1999 la situation a changé, avec un cadre réglementaire désormais bien établi...

- Notre travail a porté ! Nous sommes sortis de la période expérimentale. Après la reconnaissance par la loi 2002-2, le décret du 17 mars 2004 et la circulaire du 12 mai 2005 marquent deux étapes importantes (3). Mais il manque encore un volet essentiel au tryptique : le décret de tarification. Sans le nerf de la guerre, les meilleures déclarations de principe risquent de rester lettre morte.

Les grandes lignes sont pourtant déjà dessinées : les établissements qui ne font que de l'accueil temporaire devraient recevoir une dotation globale, ceux qui ont quelques lits dédiés un forfait global pour cette partie de leur fonctionnement. C'est un point essentiel : cela permet de lisser des recettes pour une activité qui peut être fluctuante. On peut aussi se lancer sans être obsédé par la montée en charge. Mais, en attendant, 96 % des places sont encore au régime du prix de journée, et c'est une cause fréquente de disparition.

Autre point important : la participation de l'usager serait limitée à un maximum égal au forfait hospitalier. C'est indispensable si l'on veut effectivement permettre le maintien au domicile. Et puis, cela devrait alléger la gestion des dossiers. Actuellement, dans les établissements pilotés par les départements, il faut récupérer les coûts de séjour sur les ressources de l'intéressé ou demander une subrogation d'allocation. C'est compliqué.

Les pouvoirs publics se déclarent très favorables au développement de l'accueil temporaire.

- Très bien ! Maintenant, il faut passer à l'action, tant pour les personnes âgées que pour les personnes handicapées. J'ai noté avec intérêt qu'il s'agit de l'une des priorités inscrites dans le contrat d'objectifs dont le conseil de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) va discuter le 11 octobre. S'il est adopté, la caisse pourra décliner sa volonté dans les conventions qu'elle va négocier avec les départements. Pour peu qu'on le veuille, l'objectif de 13 000 places à l'horizon 2010 ne me semble pas hors de portée.

J'aimerais aussi que la CNSA et le ministère diligentent une enquête à laquelle tous les établissements seraient tenus de répondre, pour avoir un état des lieux exhaustif et une typologie plus fine de l'offre. Le même travail devrait être réalisé sur l'accueil temporaire pour les personnes âgées.

Quelles sont les conditions pour monter un bon projet et durer ?

- Il faut d'abord une solide motivation. Mieux vaut aussi que tous les partenaires soient réunis autour de la table. L'idéal est que la concertation s'organise à l'échelon du département, entre tous les acteurs et tous les financeurs. Partir seul dans son coin, c'est aller au-devant des difficultés.

A l'expérience, je recommande la création d'unités spécifiques pour l'accueil temporaire, plutôt qu'un quota de places dans chaque établissement, qui a tendance à être grignoté par l'accueil permanent. Il faut un personnel spécialement formé, qui s'adapte bien au turn over des résidents. 60 % des places créées depuis cinq ans l'ont été dans des unités spécifiques, et je trouve que c'est heureux, même si tout le monde ne partage pas cet avis.

Dernière condition à un bon fonctionnement :le travail en réseau. D'après notre enquête, seule une structure sur cinq déclare s'inscrire dans une filière de soins ou un réseau, et c'est un résultat surprenant. Par définition, l'accueil temporaire devrait être un maillon dans un ensemble sanitaire, médico-social et social cohérent.

Vous proposez la création d'un centre de ressources...

- Nous recevons de plus en plus souvent des consultants missionnés par des conseils généraux sur l'accueil temporaire, qui appellent pour savoir de quoi il s'agit... Il faut créer des outils d'information, de formation et de conseil, qui pourraient être mis en place par un centre de ressources capable de restituer la quintessence des pratiques.

J'ai aussi rédigé un guide méthodologique, fruit de l'expérience accumulée depuis 25 ans. L'objectif n'est pas de donner des réponses toutes faites, mais d'aider à poser les bonnes questions et d'indiquer les pistes possibles. J'attends la publication du décret tarifaire pour le compléter rapidement.

Propos recueillis par Marie-Jo Maerel

UNE PLACE POUR 1 000 PERSONNES

Sur les 1 035 places d'accueil temporaire répertoriées, 86 % proposent un hébergement temporaire et 14 % un accueil de jour. 62 % correspondent à des places réservées au sein d'institutions traditionnelles et 38 % à des unités uniquement vouées à cet effet. L'offre représente une moyenne de 11 places par département, mais elle est inégalement répartie et s'échelonne dans la réalité de 0 (dans 16 départements) à 66 places (dans le Pas-de-Calais). Par rapport à la population, l'écart va de 0 à 112. Les points forts se situent dans l'Ouest et en Alsace. Autre ratio significatif : si le public visé est celui des 1 335 000 personnes qui bénéficient de l'allocation d'éducation spéciale, de l'allocation aux adultes handicapés ou d'une pension d'invalidité, il existe moins d'une place pour 1 000 utilisateurs potentiels.

Notes

(1)   « Enquête nationale 2005 sur les pratiques institutionnelles et les projets d'accueil temporaire » - Disponible sur www.accueil-temporaire.com - GRATH : BP 30245 - 56602 Languidic cedex - Tél. 02 97 65 12 34.

(2)  La prochaine ouverture est prévue le 12 octobre à Bouvelinghem, près de Saint-Omer (Pas-de-Calais)  : la Maison de Pierre accueillera des personnes de tous âges et de tous handicaps - Tél. 03 21 11 15 15 - www.la-maison-de-pierre.com.

(3)  Voir ASH n° 2352 du 26-03-04 et n° 2408 du 20-05-05.

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