Jean-Pierre Raffarin avait confié en mars dernier au député (UDF) du Nord Gérard Vignoble la mission d'émettre des propositions susceptibles d'améliorer l'efficacité des dispositifs de prévention des expulsions locatives (1). Dans son rapport remis au mois d'août à Dominique de Villepin et à Jean-Louis Borloo (2), l'élu propose de clarifier les interventions de chacun des acteurs, de « mutualiser les compétences » et de simplifier les démarches. Une approche pragmatique qui vise à mieux appliquer les outils actuels, plutôt qu'elle ne propose des mesures réellement innovantes.
Le député livre d'abord un constat peu encourageant sur les effets des mesures prévues par la loi de programmation pour la cohésion sociale (3). Comme les acteurs de la lutte contre l'exclusion l'avaient déploré, le dispositif législatif est venu limiter l'impact de la circulaire du 13 mai 2004 (4) : les protocoles visant à la suspension de la procédure d'expulsion ne sont plus signés par le préfet, ce qui induit l'absence d'implication de l'Etat, et ne peuvent être mis en place qu'après le jugement de résiliation du bail. C'est-à-dire insuffisamment en amont. Le député craint en outre une « baisse notable » du nombre de protocoles signés en application de la loi pour la cohésion sociale par rapport à ceux signés sur le fondement de la circulaire du 13 mai 2004. Le ministère de l'Intérieur indiquant une progression du nombre de demandes de concours de la force publique (43 608 en 2004, contre 39 924 en 2003), il émet « de sérieuses craintes quant au nombre des expulsions , lequel peut non seulement ne pas avoir été stabilisé, mais en plus avoir progressé ».
Le rapport rappelle par ailleurs les failles du dispositif de prévention : le rôle limité de la commission départementale des aides publiques au logement (CDAPL), le peu de réactivité des fonds de solidarité pour le logement (FSL), l'insuffisance du nombre d'enquêtes sociales réalisées... Des dysfonctionnements connus, mais sur lesquels il conviendrait désormais d'agir. Pour les corriger, le député préconise non seulement la généralisation des chartes de prévention, mais aussi la création systématique de commissions ad hoc de prévention, qui existent pour l'heure de façon expérimentale. Elles réuniraient tous les acteurs concernés, parmi lesquels les conseils généraux et les FSL, des représentants municipaux, les bailleurs, les associations, les magistrats, la police, les commissions de surendettement... Ces instances, qui seraient également ouvertes au parc privé, recevraient les déclarations d'impayés et informeraient directement le locataire des démarches juridiques et sociales à engager. Tout dossier d'assignation leur serait envoyé, en même temps qu'au préfet, en vue de leur permettre de désigner un travailleur social pour réaliser l'enquête sociale et, après le jugement, l'accompagnement du ménage. La commission, suggère Gérard Vignoble, aurait la responsabilité de recenser les travailleurs sociaux susceptibles d'accomplir cette mission, de leur assigner des objectifs et de les évaluer. Conscient de l'obstacle présenté par le manque d'effectifs et la réticence de certaines familles, il propose qu'à défaut soit nommé un « médiateur habitat ».
Pour « réinventer » une sécurité des bailleurs privés, il préconise par ailleurs de mieux les sensibiliser aux dispositifs d'aide - le versement en tiers payant des aides au logement et le Loca-pass (5) -, et défend l'idée de créer un fonds de garantie financé par les propriétaires, les locataires (par l'intermédiaire de l'assurance habitation par exemple) et l'Etat. Le protocole prévu par la loi pour la cohésion sociale devrait en outre être tripartite (locataire, bailleur et préfet), inclure la présence du FSL et être étendu aux bailleurs privés.
Le député élargit par ailleurs sa réflexion aux expulsions pour d'autres motifs que les impayés. Il estime qu'un r égime de prévention devrait être déterminé pour les personnes concernées par les congés pour vente et répondant à des critères de ressources. De même, des actions préventives devraient être adoptées pour les cas de trouble de voisinage, notamment au sein des cellules de veille des contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Au-delà des limites de sa mission, Gérard Vignoble invite enfin à « une réflexion plus sensible et plus précise sur une politique du logement plus adaptée aux besoins de notre société actuelle », en soutenant fortement la reconnaissance d'un droit au logement opposable.
(1) Voir ASH n° 2401 du 1-04-05.
(2) « Prévention des expulsions locatives » - Rapport de Gérard Vignoble - Août 2005.
(3) Voir ASH n° 2395 du 18-02-05.
(4) Voir ASH n° 2360 du 21-05-04.
(5) La loi relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale prévoit en outre un nouveau dispositif de garantie contre les impayés de loyer - Voir ce numéro.