Actualités sociales hebdomadaires : Cela fait plusieurs mois que vous exprimez la volonté d'instaurer un débat politique sur la protection de l'enfance (2). Qu'est-ce qui a finalement motivé cet appel conjoint de 100 personnalités ?
Claude Roméo : A l'occasion du procès d'Angers, France2 m'a invité au 13 heures pour commenter les questions de la protection de l'enfance. Après ce journal, j'ai reçu 600 lettres ou SMS, une partie pour critiquer les travailleurs sociaux et l'organisation de la protection de l'enfance, l'autre pour dire : « il est temps de faire quelque chose ». D'où la décision de rassembler 100 personnalités prêtes à réclamer un débat national afin de préparer une loi d'orientation qui définisse quelle protection de l'enfance nous voulons pour le XXIesiècle. Depuis la loi Dorlhac du 10 juillet 1989 sur la prévention des mauvais traitements à enfants, le dispositif a subi 27 ou 28 retouches, sans pour autant susciter une réflexion globale. D'un côté, les élus ont le sentiment que le budget de la protection de l'enfance explose. De l'autre, les associations considèrent qu'elles n'ont pas les moyens de remplir leurs missions. Au milieu, les professionnels doivent de plus en plus résoudre des problèmes que les autres institutions ne peuvent plus régler. On estime qu'au niveau national, 42 % des familles suivies ont, ou ont eu, des troubles psychologiques ou psychiatriques.
Et chaque fois qu'une affaire éclate, en guise de réponse, des rapports sont commandés avant de finir dans des tiroirs. Ceux d'hier (3) et les derniers en date, notamment ceux de Louis de Broissia, de Philippe Nogrix et de la mission parlementaire sur les droits des enfants (4), peuvent donner matière au débat public aujourd'hui.
Pour une fois, ne construisons pas une loi de circonstance dans les bureaux du ministère ou au sein d'un petit groupe de travail, qui serait partielle et ajouterait à la complexité du dispositif. Comme le montre la diversité des signataires de l'appel, la protection de l'enfance est un sujet de société qui va au-delà d'une question de spécialistes. C'est pourquoi nous interpellons directement Jacques Chirac, garant du pacte républicain, pour qu'il saisisse le gouvernement et le Parlement. L'année 2006 ne verra pas d'élections, c'est donc un bon moment pour prendre ce temps politique.
Jean-Pierre Rosenczveig : Il faut revaloriser et recrédibiliser le dispositif, dont l'image est négative aux yeux de l'opinion publique comme des politiques, et convaincre les professionnels qu'ils font du bon travail. La protection de l'enfance ne se réduit pas à l'affaire d'Angers ou au discours du Dr Maurice Berger (5) ! Même si tout n'est pas parfait, c'est un dispositif qui prend en charge 450 000 enfants, qui coûte 5 milliards d'euros par an. Plutôt performant, il peut être amélioré, mais par une approche globale. Car de loi en mission parlementaire, on n'a pas cherché à donner du sens et de la cohérence au dispositif. Ainsi, la loi Dorlhac de 1989 était politiquement une bonne loi, car elle était mobilisatrice, mais elle était plus faible pour le plan technique. Elle a consacré le conseil général comme coordonnateur des signalements sur l'enfance maltraitée, en oubliant de dire qu'il doit aussi coordonner les signalements sur toute l'enfance en danger ! En 1989, on a salué cette loi, et on la salue encore aujourd'hui, mais elle a été faite sous l'emprise de l'émotion. Nous demandons aujourd'hui une loi faite sous l'emprise de la raison ! Quelles réformes faut-il apporter selon vous ?
C. R. : Chacun des signataires a bien sûr des propositions à mettre sur la table mais tous, parmi lesquels des représentants d'associations, des présidents de conseils généraux, des parlementaires de toutes sensibilités politiques, n'ont pas la même approche du problème. Il nous faut donc faire attention à ne pas clore le débat avant qu'il ait lieu. Nous nous rejoignons cependant sur la globalité de la problématique à prendre en compte : le respect des droits fondamentaux des enfants au regard des engagements internationaux pris par la France, le soutien à apporter à la parentalité, la promotion de nouvelles réponses sociales, l'articulation des responsabilités entre les parents et les institutions, la coordination des politiques nationales et locales, la formation des professionnels... J.-P. R. : Il y a effectivement des prémices au débat. D'abord, nous ne nous inscrivons pas dans une démarche « révolutionnaire » qui demanderait une mise à bas du dispositif. Celui-ci fonctionne plutôt bien, comparé à d'autres pays européens. Une loi-cadre permettrait de réaffirmer les valeurs dictées par la Convention internationale des droits de l'enfant et l'héritage de ce qui a fondé la protection de l'enfance au XIXe siècle. Il faut déjà réaffirmer la primauté de l'autorité et de la protection parentale, la stratégie de soutien aux parents et non celle de suppléance. Comment la société garantit-elle à un enfant le droit à avoir une famille, d'abord la sienne, et à défaut une autre ?
Autre thème incontournable : qui a compétence à faire quoi dans la mission de service public de protection de l'enfance ? Il est temps de cesser d'opposer les compétences comme on le fait depuis la mise en œuvre de la décentralisation. Il faut affirmer, comme le fait le rapport Broissia, que le conseil général est chef de file, et en même temps jouer sur l'articulation entre, d'une part, l'Etat qui doit garantir, du Nord au Midi et d'Est en Ouest, que tous les enfants soient protégés et, d'autre part, les conseils généraux qui mettent en œuvre les politiques locales. Il faut donc articuler l'Etat, les collectivités locales mais aussi le secteur habilité, partie prenante du service public. Le schéma départemental de protection de l'enfance devrait être conjoint entre l'Etat et le département. Si le conseil général est pilote, des états généraux, ou une conférence de consensus, comme l'a préconisé le rapport Naves, devraient pouvoir identifier des objectifs nationaux.
Autre sujet : la prise en charge des enfants. L'accueil physique est important mais ne doit pas être une préoccupation première. C'est dans ce sens que l'on doit promouvoir des pratiques comme il en existe dans le Gard, où les enfants peuvent être accueillis chez eux (6). L'aide sociale à l'enfance (ASE) doit pouvoir individualiser la réponse en évitant les situations de rupture. Il faudrait réfléchir aux modalités de prise en charge, qui devraient être plus diversifiées et plus respectueuses de l'exercice de l'autorité parentale. Il faut enfin disposer d'instruments techniques d'évaluation des politiques, aux plans local et national. Cela nécessite de mettre en œuvre la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, mais aussi de disposer d'organismes de recherche capables de faire des travaux longitudinaux au lieu d'aligner des chiffres.
N'est-ce pas désormais la mission de l'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED) qui vient de rendre son premier rapport (7) ?
C. R. : Les seules informations dont on dispose aujourd'hui sur le nombre d'enfants suivis émanent de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS), qui interpelle les départements sur la base du volontariat. Le problème, c'est que nous sommes dans l'impossibilité de recouper ces informations avec celles des mi-nistères de la Justice ou de l'Education nationale. Nous ne sommes pas capa-bles aujourd'hui d'observer le parcours des enfants pris en charge par l'ASE. Je crains qu'en l'absence d'observatoires départementaux de protection de l'enfance, l'ONED continue à « ajouter des carottes et des betteraves ». La circulaire de Ségolène Royal du 10 janvier 2001, qui enjoignait aux préfets de recueillir et de croiser toutes ces informations (8), est restée lettre morte. Je rêve du jour où, dans la Seine-Saint-Denis, on sera en mesure de produire un rapport unique sur la protection de l'enfance qui intégrera les chiffres de toutes les institutions ! Vous préconisez le partage d'informations en matière sociale. Comment l'envisagez-vous ?
J.-P. R. : A vouloir légiférer n'importe comment, on risque de tuer le secret professionnel. La caricature en est l'ancien projet de loi Sarkozy, qui a montré que certains politiques n'ont rien compris à la prévention spécialisée. Sa mission est d'empêcher un enfant de s'inscrire dans la délinquance, mais pas d'empêcher directement la délinquance. La question n'est pas de lever le secret professionnel, mais d'articuler l'identité et la responsabilité d'un certain nombre d'institutions. Un conseil général n'a pas à tout savoir sur tout. Il faut lui donner des éléments indispensables pour sa prise de décision, l'organisation de sa politique et l'exercice de sa responsabilité de signalement à l'autorité judiciaire. Il est temps d'avoir un débat sur le secret professionnel, qui n'est pas là pour protéger les travailleurs sociaux, ni pour nuire à la protection de l'enfance, mais pour contribuer à la relation de confiance et au respect de l'usager. En revanche, le travailleur social a, dans certains cas, une obligation de partager ses informations, notamment pour veiller à ce que cesse le danger existant. La loi est bonne, à ceci près qu'il faut légaliser le partage du secret en matière sociale, comme cela a été fait en matière médicale avec la loi du 4 mars 2002, pour tenir compte des nouvelles formes de travail social. Ce sujet, qui doit aussi être soumis au débat public, renvoie à l'articulation des compétences entre les professionnels. Mais cela suppose au préalable que chacun ne doute pas des siennes et ait confiance en l'autre. C. R. : La préoccupation, aujourd'hui, ce n'est pas de partager trop d'informations, mais au contraire de ne pas en échanger assez pour prendre des décisions. Dans la Seine-Saint-Denis, nous avons mis en place, à la demande du président du conseil général, une réunion mensuelle entre le directeur de l'enfance et de la famille, le chef de service de l'ASE, le président du tribunal pour enfants et le procureur. Elle est complétée par une réunion trimestrielle avec les juges pour enfants, les substituts du parquet, la DDASS, la PJJ, Jeunesse et Sports, la brigade des mineurs. Nous y réfléchissons aux moyens de faire évoluer les pratiques, de mettre en place des actions innovantes. Aujourd'hui, le risque n'est pas le contrôle social, qu'il faut bien sûr éviter, mais de ne pas être présent là où on peut repérer un certain nombre de problèmes, faute de ne pas avoir travaillé en complémentarité. 60 % des enfants sont suivis par la PMI dans le département. Nous y avons mis en mis en place un système d'observation des familles en difficulté. Cela nous a permis de repérer 2 000 situations, qui ont donné lieu à 700 transmissions à l'ASE, parmi lesquelles il y a eu 72 signalements au parquet des mineurs. Voyez le filtre extraordinaire que l'on a constitué ! L'évaluation de la situation de l'enfant est également abordée dans les rapports récemment remis au ministre...
J.-P. R. : Il semble en effet que nous soyons relativement en retard, par rapport à d'autres pays comme la Belgique ou le Québec, sur la mise en place d'analyses systématiques de situations. Là encore, il y a peut-être à s'inspirer de la sphère médicale. Mais attention : sachant qu'il n'existe pas deux situations sociales identiques, il serait très dangereux de réduire la mission d'un travailleur social au remplissage d'une « check list ». En même temps, un fonctionnement uniquement fondé sur des critères personnels guidés par l'émotion est insuffisant. Cela pose la question des référentiels, mais aussi de l'encadrement. Comment rétablir un équilibre entre intervention judiciaire et administrative ?
J.-P. R. : Avec la mise au jour d'affaires importantes, notamment en matière sexuelle, la justice a souhaité intervenir davantage, créant ainsi un appel d'air amplifié par le fait que, souvent, les travailleurs sociaux ne sont pas à l'aise dans l'exercice de leurs responsabilités. Faire baisser le taux de judiciarisation suppose qu'on rassure les professionnels et les familles sur les compétences des services sociaux. Le renouvellement des mesures doit être également mieux étudié. Au moment du renouvellement de l'accueil judiciaire, au maximum tous les deux ans, on voit trop souvent le travailleur social et la famille demander systématiquement le maintien de la mesure. Les inspecteurs de l'aide sociale à l'enfance ne se posent pas suffisamment la question de la fin de l'intervention judiciaire et les juges, par facilité, ne se la posent pas non plus. Tous devraient avoir en tête que l'intervention judiciaire doit être exceptionnelle dans son principe et dans sa durée. Pour limiter le recours à la justice, il faut renforcer la capacité d'intervention administrative. C. R. : On ne travaille pas suffisamment avec les familles. Il faut aider les travailleurs sociaux à évoluer en leur donnant des moyens - un éducateur qui assure 35 suivis a du mal à faire face - et les outils pour le faire. L'assistance éducative en milieu ouvert intensive, qui existe déjà dans le Nord, consiste par exemple à maintenir l'enfant au domicile des parents, à la condition de ne pas y aller une fois toutes les trois semaines mais jusqu'à deux ou trois fois par jour et le week-end. Si l'on n'innove pas dans les pratiques professionnelles, on ne parviendra pas à sortir du débat sur la judiciarisation. Encore faut-il que la loi soit adaptée. Les départements sont-ils prêts à financer davantage la protection de l'enfance ?
C. R. : Ils sont en difficulté financière en raison de l'augmentation des dépenses de prise en charge des personnes âgées et de celles de l'ASE, qu'on évalue pour 2006 à 8 %. Les départements sont dans une situation où la marge qui existait avant la décentralisation n'existe plus, parce que la précarité augmente. Mais cela ne veut pas dire qu'il faut donner moins aux associations. Il s'agit de travailler avec elles sur des contrats d'objectifs, pas seulement sous l'aspect quantitatif, mais aussi qualitatif. Prendre en charge les enfants le plus tôt possible permettrait d'éviter certains placements, particulièrement coûteux pour la collectivité. Où en est la démarche de « l'appel des 100 » aujourd'hui ?
C. R. : Nous avons réuni plus de 200 signatures d'élus, de professionnels, de représentants d'associations et d'experts [voir encadré]. Tout le monde s'accorde à dire qu'il faut faire évoluer les textes. Nous avons rencontré Philippe Bas au mois d'août, qui nous a réservé un bon accueil, et nous devrions être prochainement reçus par le président de la République, qui devrait bientôt annoncer une initiative forte dans le domaine. Nous souhaitons qu'il demande au gouvernement d'organiser des débats départementaux avec les préfets et les conseils généraux, relayés au niveau national afin de mettre à la disposition du législateur les éléments constitutifs d'une loi. L'idéal serait de consacrer 2005-2006 à ce débat national pour déboucher sur une loi avant la fin de la législature. Propos recueillis par Maryannick Le Bris
Plus de 200 personnalités ont d'ores et déjà signé « l'appel des 100 », parmi lesquels les députés Laurent Cathala (PS), Claude Goasguen (UMP) et Patrick Braouezec (PC). A leurs côtés, figurent les représentants de grandes associations nationales, tels Hubert Allier, président de l'Uniopss, Michel Desmet, président de l'Unasea, Jacques Hintzy, président du Comité français de l'Unicef, Pierre Verdier, président de la Coordination des actions pour le droit à la connaissance des origines, ou encore Georges Dupon-Lahitte, président de la FCPE. Sont également signataires des auteurs de rapports remis au gouvernement, comme Pierre Naves, Louis de Broissia, Philippe Nogrix... Citons encore Hélène Dorlhac, ancienne secrétaire d'Etat et à l'origine de la loi de 1989, les anciens ministres, Jean-Louis Bianco, Ségolène Royal et Elisabeth Guigou, la défenseure des enfants, Claire Brisset, le chercheur, Laurent Mucchielli et le pédo-psychiatre, Marcel Rufo.
Huit associations intervenant dans le champ de la protection de l'enfance (9), actuellement dans une démarche de représentation unique (voir ce numéro), appuient la démarche de « l'appel des 100 », dont elles sont signataires, dans une déclaration commune rendue également publique le 8 septembre. Outre la cohérence entre les services de l'Etat, les collectivités locales et les associations, elles souhaitent la construction d'un « environnement éducatif positif » autour du logement, de l'emploi, de la santé, de la scolarité et des loisirs. « Les interventions prévues par les textes ont le plus souvent une fonction curative, coûteuse et surtout tardive », ajoutent-elles. Anticiper les situations difficiles nécessite selon elles de « repenser les politiques publiques, les moyens mis en œuvre et les pratiques professionnelles ».
Le premier rapport de l'Observatoire national de l'enfance en danger enfonce le clou sur la nécessaire remise à plat du système de protection de l'enfance.
Les calendriers concordent, pour le moins, en faveur d'une réforme d'envergure de la protection de l'enfance. Après l'annonce par Philippe Bas, le 29 août, d'un projet de loi (10), le premier rapport de l'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED), créé en janvier 2004 et placé sous l'égide du Groupement d'intérêt public enfance maltraitée (GIPEM), a été remis au ministre délégué à la famille le 5 septembre, trois jours avant la diffusion publique de l' « appel des 100 ». « Le temps est maintenant à l'action », a réagi le ministre. « J'entends proposer un schéma complet de réforme de la protection de l'enfance dans les mois qui viennent ». Avec le souci « de la concertation la plus large », il veut renforcer le rôle des départements, améliorer la détection et le signalement des situations de danger, favoriser l'échange d'informations entre professionnels, l'offre de nouveaux modes d'intervention et de suivi et améliorer l'articulation entre les mesures administratives et judiciaires.
Protection et droits des enfants
S'ils ont manqué de temps pour préciser leurs analyses, comme le regrette dans la préface du document Philippe Nogrix, président du GIPEM et sénateur centriste d'Ille-et-Vilaine, les auteurs du rapport ont largement pris à leur compte les travaux produits depuis janvier 2004, et auxquels ils ont d'ailleurs été associés. Les membres de l'ONED sont donc également parvenus à la conclusion « qu'il fallait une refonte majeure du système ». L'observatoire propose néanmoins deux hypothèses. La première, qui a sa faveur, est d'engager une réforme législative. Si tel était le cas, une question devrait selon lui être étudiée : faut-il se situer dans la perspective d'une législation de la protection de l'enfance ou évoluer vers une législation des droits de l'enfant, ce qui conduirait à prendre en compte la sphère de l'enfance dans sa globalité - scolarité, santé, délinquance... - et pas seulement celle de l'autorité parentale ? Le législateur serait « conduit à se demander si les deux notions de protection de l'enfance et de droits des enfants sont aussi incompatibles qu'il y paraît. Doit-il se priver de l'une au profit de l'autre ? »
La réforme devrait également porter sur la redéfinition des champs de l'intervention administrative et judiciaire et les conditions de passage de l'une à l'autre. Une entrée unique dans le système de protection pourrait être envisagée. Les interactions entre conflits de couple, absence de parents et situations de danger devraient, selon l'observatoire, conduire à améliorer la coordination entre le juge des enfants, le juge aux affaires familiales et le juge des tutelles et à poser la question de la « création d'un juge de l'autorité parentale ».
Si le scénario d'une modification législative était écarté, il serait indispensable, préconise le rapport, de prendre tout de même un ensemble de mesures. Pour faire bénéficier le dispositif de protection de l'enfance d'un « pilotage politique », l'ONED propose que le comité interministériel chargé depuis 1997 de déterminer les orientations de la politique gouvernementale en la matière soit réuni sous la présidence du Premier ministre « au moins une fois par an ». Les départements devraient quant à eux être associés au Groupe permanent interministériel pour l'enfance maltraitée (GPIEM).
L'ONED plaide en faveur d'une meilleure circulation des informations entre les parquets et les conseils généraux. Des normes communes d'exécution des missions des services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) devraient être édictées et le rythme des contrôles des services de l'ASE par l'inspection générale des affaires sociales devrait être intensifié « afin que tous les départements puissent faire l'objet, dans un délai raisonnable, d'une analyse externe ». Dans chaque département, une « cellule unique » pourrait avoir la mission d'enregistrer en un même lieu les « informations préoccupantes », de suivre les signalements et les mesures. Autre proposition : le renforcement de la formation des intervenants, qui passerait notamment par la création de modules communs sur la protection de l'enfance et sur l'enfance maltraitée, conçus avec le GIPEM et labellisés par lui. La formation initiale des enseignants devrait également intégrer la dimension de la protection de l'enfance.
Afin d'encourager la diversification des expériences innovantes visant à créer des mesures situées entre l'AEMO et le placement, il est incontournable, estime l'ONED, de « poser le principe de la subsidiarité de l'intervention judiciaire ». L'absence de réelle collaboration avec les parents, appréciée par le juge, devrait être retenue comme critère de judiciarisation « confirmée ». Le rapport s'intéresse également à l'accueil des victimes, « souvent confrontées à l'insuffisance de l'offre publique et à l'absence de remboursement des consultations de psychologues libérales ».
Observer les parcours
Autre question, elle aussi soulevée par l'ensemble des acteurs de la protection de l'enfance : la mise en cohérence des données chiffrées sur l'enfance en danger. L'examen de la dizaine de sources existantes - quatre ministères, le Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée (Snatem) et l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS), la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES)... - « met en lumière l'absence d'exhaustivité des bases et, à l'inverse, l'interférence entre certaines ». L'ONED regrette que l'observation de l'enfance en danger « soit aujourd'hui si rarement effectuée à partir de l'unité enfant » (11). Pour constituer un système plus cohérent, il a d'ores et déjà décidé « de passer d'une observation en termes de mesures à une observation basée sur les enfants », de travailler avec les parquets et les juges des enfants pour centraliser les données au sein du département et de mettre en place, dans un premier temps dans les départements volontaires, deux bases de données « ayant vocation à être appareillées » et « distinguant le recensement des informations préoccupantes des mesures financées et assurées par les départements ».
M. LB.
(1) Claude Roméo est directeur de l'enfance et de la famille du conseil général de Seine-Saint-Denis. Jean-Pierre Rosenczveig est président du tribunal pour enfants de Bobigny et celui de Défense des enfants International-France.
(2) Voir ASH n° 2362 du 4-06-04.
(3) Citons ceux de Claude Roméo, de Pierre Naves et Bruno Cathala, de Jean-Pierre Deschamps, de Jean Blocquaux...
(4) Voir ASH n° 2415 du 8-07-05.
(5) Voir ASH n° 2341 du 9-01-04.
(6) Voir ASH n° 2204 du 2-03-01.
(7) Voir ce numéro.
(8) Voir ASH n° 2198 du 19-01-01.
(9) Le Cnaemo, la FN3S, l'Association nationale des placements familiaux, la Fédération nationale des associations de médiation familiale, Citoyens et Justice, le CNLAPS, l'Unasea et l'Uniopss.
(10) Voir ASH n° 2419 du 2-09-05.
(11) Pour cette raison, l'ONED n'a effectué qu'une estimation du nombre d'enfants ayant fait l'objet d'une mesure : 138 335 enfants et jeunes de moins de 21 ans étaient placés au 31 décembre 2003, plus de 137 740 bénéficiaient d'une mesure en milieu ouvert