Recevoir la newsletter

Les pionnières du travail social auprès des étrangers

Article réservé aux abonnés

Au moment où le service social d'aide aux émigrants (SSAE) doit se fondre dans l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, voilà un ouvrage qui éclaire sur de nombreux points l'expérience originale de cette association. C'est au début du XXe siècle qu'un groupe de philanthropes américaines se fixe pour tâche de défendre et d'assister les jeunes filles aux prises avec les tourments du parcours migratoire. L'initiative de cet International Migration Service se répand au-delà des frontières. En France, les premiers comités locaux du service d'aide aux émigrantes commencent à fonctionner au début des années 20 dans les ports de Cherbourg, du Havre et de Marseille. Créée en 1926, sous l'intitulé de Service international d'aide aux émigrants (SIAE), l'association deviendra le SSAE en 1932, quand elle sera reconnue d'utilité publique. Sans faire référence à des critères de nationalité ou de religion, contrairement à d'autres œuvres de l'époque, elle cible principalement la population féminine, s'employant au soutien et à la réunification des familles dont les membres ont été dispersés ainsi qu'à la protection des enfants errants, elle veille aussi aux conditions d'application des traités de main-d'œuvre.

Histoire de l'immigration dans un contexte marqué par la montée de la xénophobie et de l'antisémitisme, histoire du renouvellement de modes d'action qui, rompant avec les pratiques traditionnelles de la charité, se revendiquent comme techniques et professionnalisés, histoire, également, d'un mouvement créé et dirigé par des femmes à une époque où les intéressées n'ont pas le droit de vote :c'est cette triple aventure, passionnante à tous égards, que raconte Lucienne Chibrac. Aujourd'hui conseillère technique au conseil général de la Gironde, l'auteure connaît bien le SSAE pour y avoir exercé 11 ans, entreprenant parallèlement ce travail de recherche historique sur la période allant de la création de l'association à la Libération. Mais si elle entend rendre hommage aux « grandes dames du passé », c'est sans dissimuler les questions que pose le légalisme du service pendant la guerre. Partenaire officiel des autorités et passage obligé pour tout ce qui a trait à l'aide aux étrangers, le SSAE refusera ainsi, dès octobre 1940, d'intégrer des assistantes sociales juives dans ses équipes, conformément à la politique d'exclusion. Cependant, précise Lucienne Chibrac, la prudence et l'obsession de ne pas mettre en péril l'existence du service ne feront pas obligatoirement obstacle au maintien de liens avec des œuvres et des institutions juives. Des professionnelles de l'association, notamment certaines de ses responsables, n'hésitent pas non plus à s'engager, à titre personnel, dans des actions de résistance. A cet égard, la « vitrine » que constitue un service tout ce qu'il y a d'officiel, dirigé par des femmes « très comme il faut », sert aussi de (relative) protection. Il n'empêche : durant l'été 1944, les responsables des bureaux de Paris, de Marseille et de Lyon, ainsi que l'ensemble du personnel lyonnais, seront provisoirement emprisonnés. Dès septembre, le service retrouve ses marques, son activité et sa légitimité. Quant à la juriste Lucie Chevalley, présidente du SSAE depuis 1937 et ferment actif de la politique d'immigration qui se met en place à partir de 1945, elle se sera battue, tout au long des années noires, sur un double front : d'une part, pour que le service obtienne des subventions et le monopole de l'assistance aux étrangers, d'autre part, pour faire fonctionner, avec une association juive, un réseau clandestin de sauvetage d'enfants - ce qui lui vaudra la médaille des Justes, décernée à titre posthume en 1993.

Les pionnières du travail social auprès des étrangers. Le Service social d'aide aux émigrants, des origines à la Libération -Lucienne Chibrac - Ed. ENSP - 25 €.

LECTURES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur