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La sociologie au service du travail social

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Selon François Dubet, ex-éducateur en prévention spécialisée devenu sociologue, « le travail social est suspendu à deux univers intellectuels qui lui donnent sens : la sociologie et la psychanalyse ». C'est un peu la rencontre entre des travailleurs sociaux et le premier de ces champs que relate Patrick Dubéchot, qui a également exercé comme éducateur avant de se consacrer à la sociologie et à son enseignement dans un centre de formation en travail social. Cette rencontre a tout du rendez-vous manqué. Historiquement, pourtant, il existe une quasi-synchronisation entre les phases d'émergence, puis de construction, des métiers de l'intervention sociale et celles du développement des idées sociologiques, puis de la reconnaissance de la sociologie comme discipline à part entière. En dépit de cette parenté chronologique et de la proximité d'objets de préoccupation entre tenants de chacun de ces deux secteurs, les uns et les autres ne cesseront de s'observer à distance. Très vite, en effet, après avoir été tentés de jouer les « conseillers du prince », les sociologues se méfieront d'une récupération utilitariste de leur discipline. De leur côté, les premières écoles de service social inscrivent bien à leur programme un certain nombre d'enseignements théoriques, dont les sciences sociales ; mais considérant que l'intervention sociale constitue une activité en elle-même, et n'est pas seulement le complément d'une discipline de référence - psychologie ou sociologie -, ces formations souhaitent faire reconnaître le caractère technique et la dimension personnelle de métiers dans lesquels le rapport au savoir et à la théorie est assez distant. Durant les décennies 1950 et 1960, le divorce est consommé : la diffusion progressive de la méthode d'aide psycho-sociale individualisée (le « case work » de Mary Richmond) influence l'ensemble des métiers du travail social, qui privilégieront de plus en plus l'approche psychologique au détriment d'interventions plus collectives. De leur côté, les sociologues cultivent une position d'expert encore fragile (la licence de sociologie est créée en 1958), se préoccupant davantage de prévisions et de planification que de travail social. Et quand ils s'en soucieront, dans l'après-1968, c'est en posant un regard acerbe sur les pratiques professionnelles qualifiées de « contrôle social », ce qui ne favorisera pas les rapprochements. L'heure serait-elle venue d'une réconciliation entre le savoir du sociologue et « l'agir » du travailleur social ? A tout le moins d'une collaboration efficace, estime Patrick Dubéchot. D'abord, parce que les sociologues ont troqué leur lourde artillerie critique contre des analyses fines sur les mutations du travail social et leurs enjeux. Ensuite, parce que les intervenants sociaux voient s'ouvrir des postes d'expertise, supposant qu'ils possèdent un bagage sociologique, théorique et méthodologique.

La sociologie au service du travail social -Patrick Dubéchot - Ed. La Décou-verte - 20 €.

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