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LE STAGE DE CITOYENNETÉ

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Instauré par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité - dite « loi Perben II » -, le stage de citoyenneté constitue, depuis le 1er octobre 2004, une nouvelle sanction pénale applicable aux majeurs et aux mineurs de 13 à 18 ans auteurs d'infractions. La chancellerie est revenue sur le dispositif dans une circulaire récente.

(Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, J.O. du 10-03-04 ;décret n° 2004-1021 du 27 septembre 2004, J.O. du 29-09-04 ; circulaire CRIM-05-9-E8 du 11 avril 2005, à paraître au B.O.M.J.)

Reprenant une mesure prévue à l'origine dans l'avant-projet de loi pénitentiaire élaboré par le gouvernement Jospin et jamais déposé au Parlement, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a instauré une nouvelle sanction pénale, le stage de citoyenneté. Entrée en vigueur depuis le 1er octobre 2004 (art. 207 I de la loi du 9 mars 2004), cette nouvelle peine consiste dans l'obligation pour le condamné de suivre un stage de sensibilisation aux valeurs de la République, notamment à la tolérance et au respect de la dignité de la personne. Cette sanction présente « un intérêt tout particulier à l'encontre des auteurs d'infractions racistes ou antisémites », a expliqué au cours des débats parlementaires Dominique Perben, alors garde des Sceaux. Elle peut être prescrite par une juridiction confrontée à un auteur majeur ou mineur de 13 à 18 ans d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement. Tout comme le travail d'intérêt général, elle ne peut être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou n'est pas présent à l'audience.

I - LE PRONONCÉ DU STAGE

Le stage de citoyenneté peut être prononcé à titre de peine, d'aménagement de peine ou d'alternative aux poursuites. Et ce, note la chancellerie dans sa circulaire du 11 avril 2005, « dans des conditions assez similaires à ce qui est prévu pour le stage de sensibilisation à la sécurité routière ». Le stage de citoyenneté peut également constituer une mesure de composition pénale.

A - Le stage comme alternative à l'emprisonnement

Le stage de citoyenneté peut en premier lieu être prononcé comme peine alternative à l'emprisonnement. (code pénal [CP] , art.131-5-1). Autrement dit, face à l'auteur d'un délit puni d'une peine de prison, la juridiction peut, à la place de l'emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir un tel stage.

B - Le stage comme peine complémentaire

Le stage de citoyenneté peut également être prononcé en tant que peine complémentaire. La loi n'ouvre toutefois cette possibilité que pour certains délits :

 les atteintes volontaires à l'intégrité physique ou psychique de la personne, notamment les violences et les menaces (CP, art. 222-45,4°)  ;

 les discriminations (CP, art. 225-19,6°)  ;

 les vols (CP, art. 311-14,6°)  ;

 les extorsions (CP, art. 312-13,6° ) ;

 les destructions, dégradations et détériorations (CP, art. 322-15,5°).

Il peut ainsi être prononcé en plus d'une peine principale d'amende ou d'emprisonnement (avec aménagement ou avec sursis), « dans des hypothèses où la gravité des faits commis exige une sanction plus importante que la simple obligation de suivre un tel stage », remarque la chancellerie dans sa circulaire du 11 avril 2005.

C - Le stage comme obligation particulière d'un sursis avec mise à l'épreuve

La nouvelle sanction peut encore être prononcée comme obligation particulière d'un sursis avec mise à l'épreuve (CP, art. 132-45,18°). Une possibilité qui, précise la circulaire du 11 avril 2005, « présente un intérêt particulier lorsque la gravité des faits et la personnalité de leur auteur exige son suivi dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve, en plus de l'accomplissement du stage de citoyenneté ». Elle permet notamment le prononcé d'un stage à l'encontre d'une personne condamnée pour violation ou profanation d'une sépulture ou atteinte à l'intégrité du cadavre, le cas échéant avec mobile raciste. Prévus par les articles 225-17 et suivants du code pénal, ces délits ne font pas partie, en effet, de ceux pour lesquels le stage de citoyenneté peut être prononcé à titre de peine complémentaire. Leur gravité paraît exclure par ailleurs que cette mesure soit simplement prononcée en tant que peine alternative mais peut toutefois justifier une peine d'emprisonnement pour partie ferme et pour partie assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve.

D - Le stage comme alternative aux poursuites

Le stage de citoyenneté peut aussi être prononcé comme alternative aux poursuites (code de procédure pénale [CPP], art. 41-1,2°). Il fait en effet partie de la gamme des sanctions que le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, prendre à l'encontre de l'auteur d'une infraction s'il lui apparaît qu'une telle mesure est « susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits ».

Signalons que, dans sa circulaire du 11 avril 2005, la chancellerie demande aux parquets de n'utiliser cette possibilité que dans les cas les moins graves et à l'encontre de personnes n'ayant jamais eu précédemment affaire avec la justice.

E - Le stage comme mesure de la composition pénale

Tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, le procureur de la République peut proposer, directement ou par l'intermédiaire d'une personne habilitée, une « composition pénale » à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à 5 ans, ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes (CPP, art. 41-2). Cette composition pénale consiste en une ou plusieurs mesures : versement d'une amende, retrait du permis de conduire, etc. L'obligation d'accomplir un stage de citoyenneté en fait partie.

Dans sa circulaire du 11 avril 2005, la chancellerie demande toutefois aux parquets de réserver cette dernière possibilité aux affaires de faible gravité.

II - LA MISE EN ŒUVRE DU STAGE

A - L'objet du stage

Le stage de citoyenneté a pour objet de «  rappeler au condamné les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité de la personne humaine et de lui faire prendre conscience de sa responsabilité pénale et civile ainsi que des devoirs qu'implique la vie en société ». Autre objectif affiché : « favoriser son insertion sociale » (CP, art. 131-5-1 nouveau).

En outre, lorsqu'il concerne une personne condamnée pour une infraction commise « à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » - ce qui est une circonstance aggravante -, le stage doit servir à « rappeler à l'intéressé l'existence des crimes contre l'humanité » et notamment ceux commis pendant la Seconde Guerre mondiale (CP, art. R. 131-35). « Cette précision a paru nécessaire en raison de la recrudescence ces dernières années d'actes antisémites », explique le ministère de la Justice dans sa circulaire du 11 avril 2005. « Elle n'interdit évidemment pas, bien au contraire, qu'en cas d'infraction raciste, quelle que soit la nature du racisme à l'origine des faits, le stage soit d'une manière générale l'occasion de rappeler au condamné les principales persécutions et discriminations dont des hommes ou des femmes ont pu être les victimes au cours de l'Histoire en raison de leur race ou de leur religion, notamment à l'époque de l'esclavage ou des colonisations. »

B - La durée du stage

La durée du stage de citoyenneté est fixée par la juridiction, en tenant compte, pour le condamné majeur, des ses obligations familiales, sociales ou professionnelles et, pour le condamné mineur, de ses obligations scolaires et de sa situation familiale. Elle ne peut excéder un mois (CP, art. R. 131-36).

En outre, la durée journalière de formation effective ne peut excéder six heures. Et pour le mineur, elle doit, de plus, être adaptée en fonction de son âge et de sa personnalité.

C - L'organisation du stage

Le contenu même du stage de citoyenneté fait l'objet d'un projet élaboré par la personne ou le service chargé de procéder au contrôle de sa mise en oeuvre, c'est-à-dire le délégué du procureur de la République ou le service pénitentiaire d'insertion ou de probation. Ce projet est validé par le procureur après avis du président du tribunal de grande instance (CP, art. R.131-37).

Le stage est organisé en sessions collectives, continues ou discontinues, composées d'un ou plusieurs modules de formation adaptés à la personnalité des condamnés et à la nature de l'infraction commise. Elles ont lieu soit dans le ressort du tribunal de grande instance, soit dans le ressort de la cour d'appel (CP, art. R. 131-37).

A noter : pour les mineurs, les modules doivent être adaptés à l'âge mais rien n'interdit toutefois en pratique la création d'un module « tronc commun » et de modules spécifiques complémentaires, liés à la nature des contentieux (CP, art. R. 131-37).

Les modules du stage peuvent être élaborées avec le concours des collectivités territoriales et des établissements publics et, le cas échéant, de personnes morales de droit privé ou de personnes physiques participant à des missions d'intérêt général, notamment d'accès au droit (CP, art. R. 131-38). Précision de la circulaire du 11 avril 2005 : « en pratique, la participation du corps enseignant ou de représentants d'associations de lutte contre le racisme ou la discrimination [...] pourra être privilégiée ».

Lorsqu'un module de formation est élaboré avec l'une des personnes publiques ou privées précitées, il fait l'objet d'une convention entre le procureur de la République et cette personne. Cet accord précise le contenu du module en question, sa durée, les objectifs particuliers qui lui sont assignés, les modalités de la prestation assurée par la personne privée ou publique ainsi que les modalités de financement des frais engagés (CP, art. R. 131-38).

Dans une fiche technique publiée en annexe d'une circulaire du 16 mars 2004 (1), le ministère de la Justice définit 3 objectifs pouvant structurer le module de sensibilisation. Il s'agit de :

 la prise de conscience par l'auteur du risque pénal encouru (gravité particulière de l'acte, peines prévues par la loi, conséquences de la récidive)  ;

 la prise de conscience de l'intéressé de la signification de son acte au regard des valeurs de la République mais aussi de l'histoire contemporaine ;

 la prise de conscience par l'auteur de l'atteinte portée à la bonne entente entre les citoyens, tout particulièrement au niveau d'une commune ou d'un quartier ou d'un établissement scolaire.

Pour la réalisation du premier objectif, la chancellerie suggère de faire appel à des policiers, des gendarmes et des magistrats, pour le second à des enseignants, des « grands témoins » et encore des magistrats, et enfin, pour le troisième, à des élus locaux, des représentants des services publics et à l'Education nationale.

D - L'encadrement du stage

Les stages sont mis en œuvre sous le contrôle du délégué du procureur de la République du lieu d'exécution de la peine (2). Il peuvent l'être également sous celui du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) (CP, art. 131-37). « En pratique, toutefois, cette possibilité doit être réservée aux cas dans lesquels le stage intervient dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve dont le suivi est déjà confié au SPIP », précise la circulaire du 11 avril 2005.

A noter : la personne ou le service qui a la charge du contrôle du stage doit, préalablement à sa mise en œuvre, recevoir le condamné, lui en exposer les objectifs et lui préciser les conséquences du non-respect de ses obligations résultant du stage (en l'occurrence il sera passible de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende). A la fin du stage, une attestation est délivrée au condamné, qui doit l'adresser à cette même personne ou ce même service.

Olivier Songoro

Les dispositions spécifiques applicables aux mineurs

Lorsque le stage concerne un mineur de 13 à 18 ans, son contenu et sa durée doivent être adaptés à l'âge du condamné. En outre, il ne peut pas être effectué à ses frais (ordonnance du 2 février 1945, art. 20-4-1) .

Il est élaboré sous le contrôle d'un service du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Concrètement, le projet de stage est transmis par le responsable de ce service au directeur départemental de la PJJ. Pour en autoriser la mise en œuvre, ce dernier doit recueillir l'avis du juge des enfants et l'accord du procureur de la République du lieu où se déroule habituellement le stage. Comme pour les majeurs, un dispositif de conventionnement avec d'autres personnes (collectivités territoriales, personnes morales de droit privé...) est possible. La convention est alors plus précisément signée entre ces personnes et le service du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse. Le directeur de la PJJ doit informer le juge des enfants et le procureur de la République de l'identité des services mettant en œuvre les stages dans le département et de leur contenu (CP, art. R. 131-42) .

Par ailleurs, toujours comme pour les majeurs, le condamné mineur est reçu par le service compétent pour que lui soient présentés les objectifs du stage et les conséquences en cas de non-respect des obligations de celui-ci. Une différence toutefois :les parents, le tuteur, le responsable de l'établissement ou la personne à qui le mineur est confié doivent également être convoqués à cet entretien.

Le stage s'effectue sous le contrôle et en présence permanente d'un personnel éducatif du service de la PJJ. En cas de difficulté durant le déroulement du stage, liée notamment au comportement du mineur, le représentant du service peut en suspendre l'exécution. Il en informe alors sans délai le juge des enfants et le procureur de la République et leur adresse un rapport.

En fin de stage, le service en charge de la mesure reçoit le mineur et les parents, le tuteur, le responsable de l'établissement ou la personne à qui le mineur est confié afin d'établir un bilan du déroulement du stage et de vérifier que ses objectifs ont été atteints. Dans le mois suivant la fin du stage, un rapport de synthèse est en outre transmis par le service au juge des enfants et au procureur de la République (CP, art. R. 131-43) .

La prise en charge financière du stage de citoyenneté

La juridiction qui prescrit un stage de citoyenneté précise s'il doit être effectué aux frais du condamné (code pénal, art.131-5-1) . En tout état de cause, son coût ne doit pas excéder celui des contraventions de la troisième classe, soit 450 € . Si le stage est effectué dans le cadre d'une composition pénale, c'est au procureur de la République d'indiquer dans sa proposition s'il sera ou non effectué aux frais du condamné (code de procédure pénale[CPP], art. R. 15-33-55-1) . Enfin, dans l'hypothèse où le stage de citoyenneté est prononcé en tant qu'alternative aux poursuites, son accomplissement se fait aux frais du condamné (CPP, art. 41-1 2°) .

Notes

(1)  Circulaire CRIM 2004-03 E5 du 16 mars 2004, B.O.M.J. n° 93 (1er janvier-31 mars 2004) - Voir ASH n° 2365 du 25-06-04.

(2)  La somme due aux délégués du procureur de la République désignés pour contrôler le déroulement d'un stage de citoyenneté est fixée à 15,24 € (CPP, art. R. 121-2 2°).

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