En reprenant ses habits de ministre de l'Intérieur le mois dernier, Nicolas Sarkozy s'est retrouvé avec un périmètre de compétences a priori plus large que celui dont il disposait au même poste il y a un peu plus d'un an. En effet, c'est à lui qu'il revient désormais, au sein du gouvernement, de coordonner « l'ensemble de la politique d'immigration » (sur les attributions des ministres du champ social du gouvernement Villepin, voir ce numéro). Autrement dit, et selon ses propres termes, à lui de « fixer le cap » en la matière non seulement aux préfectures mais aussi aux services consulaires, qui dépendent pourtant du Quai d'Orsay. Tel a été le sens de son intervention le 11 juillet à Marseille, lors de la clôture de la première conférence préfectorale et consulaire sur l'immigration.
Visas, contrôle des frontières, asile, regroupement familial, immigration de travail, accueil et intégration, nationalité, lutte contre l'immigration illégale, reconduites à la frontière, aides au retour :aux yeux du ministre, tous ces dossiers sont actuellement « encore trop dispersés ». C'est pourquoi il souhaite les rassembler sous le giron d'une direction d'administration centrale unique. En attendant cette réforme, les agents des consulats, responsables de la délivrance des visas, et les agents des préfectures, en charge des titres de séjour et des mesures d'éloignement, sont invités à apprendre dès à présent « à mieux travailler ensemble ». Le ministre a réclamé, dans cette optique, la mise en place d'un réseau de transmission informatique entre les deux administrations. Il permettra « aux consuls d'être informés par les préfectures de l'utilisation qui est faite des visas de court séjour par les bénéficiaires de ces visas, par exemple pour demander un titre de séjour ». « De même, les consulats auront la possibilité d'appeler l'attention des préfectures sur des cas de délivrance de visas risquant de donner lieu à des détournements de procédure. » Par ailleurs, dix consulats doivent tester un système de « guichet unique » leur permettant de délivrer, en liaison étroite avec les préfectures, des documents valant à la fois visa de long séjour et carte de séjour. « A terme, notre objectif doit être de réaliser un réseau unique d'agents de l'Etat spécialistes de l'immigration, issus des réseaux préfectoraux et consulaires, mettant en œuvre une même politique », a expliqué Nicolas Sarkozy.
Le ministre de l'Intérieur a réaffirmé sa volonté de passe d'une « immigration subie » à une « immigration choisie ». Il souhaite à cet égard que les consulats puissent gérer les files d'attente des demandes de visa grâce à un système de points « permettant d'accueillir ceux que nous souhaitons ». Les points seraient « attribués en fonction, notamment, de critères d'âge, de diplômes, de connaissances linguistiques, d'expérience professionnelle ». L'examen des demandes se ferait dans les pays d'origine. Les attachés de l'immigration situés dans les consulats français pourraient ainsi mieux « repérer et [...] attirer les meilleures compétences ». Les premières catégories d'étrangers concernées seraient les étudiants. Le système pourrait ensuite être étendu aux actifs qualifiés, en fonction des capacités d'accueil de la France. Les personnes ainsi choisies disposeraient d'un visa de long séjour et se verraient délivrer à leur arrivée sur le territoire une carte de séjour d'une durée de trois ou quatre ans « pour éviter de vider les pays d'origine de leurs meilleures compétences », a indiqué Nicolas Sarkozy.
Les consulats sont invités à faire une sélection également en matière de délivrance des visas de court séjour, voire à ne pas en délivrer du tout « lorsqu'il existe un risque migratoire ». En outre, dans les postes les plus sensibles, il leur est demandé d'exiger des bénéficiaires de visas une « déclaration de retour à l'issue de leur visite en France » . Les ambassadeurs devront rendre des comptes sur l'adéquation entre le nombre de visas accordés et « les retours constatés vérifiés ». L'idée étant que les consulats ajustent ensuite le nombre de visas de tourisme délivrés dans ces pays au respect de la formalité de déclaration de retour.
Signalons que, sans surprise, Nicolas Sarkozy a de nouveau affirmé son intention de donner un tour de vis en matière de regroupement familial. Sans avancer toutefois de mesures concrètes. Tout juste a-t-il demandé aux autorités d'être plus attentives aux conditions de logement et de ressources exigées pour un regroupement familial et de s'assurer que l'étranger qui le sollicite « s'engage à prendre en charge tous les besoins de sa famille pendant une durée à déterminer » .
Le ministre souhaite davantage de clarté concernant les chiffres de l'immigration. C'est pourquoi il a demandé aux préfectures de se doter rapidement de l'application AGDREF II, « un outil performant pour la gestion des titres de séjour », capable de fournir des « statistiques fiables ». De la même façon, il souhaite que le réseau consulaire dispose d'un tableau de bord « permettant, en temps réel, de mesurer, pour chaque pays d'origine, le nombre des demandes de visa, celui des visas accordés et, à terme, celui des retours des personnes ayant bénéficié d'un visa ». Nicolas Sarkozy a encore annoncé qu'une mission interministérielle mènerait, dès septembre, une réflexion pour évaluer les capacités d'accueil de la France et ses besoins. Ses conclusions sont attendues pour mars 2006. Pour sa part, le ministre présentera à l'automne, au Parlement, un rapport sur la politique de l'immigration.
Le ministre de l'Intérieur a également annoncé qu'il allait réformer le contrat d'accueil et d'intégration. Il s'agira notamment de faire du respect du contrat « la condition nécessaire de l'installation durable en France » mais aussi d' « enrichir le contenu des formations qui s'y rattachent ». « Une journée d'éducation civique, à laquelle peut s'ajouter une journée consacrée à la connaissance des services publics, c'est évidemment insuffisant », a-t-il affirmé. Il souhaite ainsi que l'apprentissage soit « prévu sur plusieurs journées , quitte à l'étaler dans le temps, en privilégiant la transmission de nos valeurs fondamentales - tout particulièrement l'égalité entre les hommes et les femmes ». Le ministre entend également « renforcer les exigences sur le plan linguistique » . Pour lui, en effet, « l'obligation d'apprentissage de la langue française [...] doit aussi porter sur la maîtrise de l'écrit ». Il demande en outre que le suivi des formations prévues par le contrat - instruction civique, pratique du français - fasse l'objet d'un test et soit récompensé par la délivrance d'un diplôme « qui pourrait constituer un premier passeport pour l'insertion dans la vie sociale et professionnelle ».