Après avoir auditionné pendant plusieurs semaines un certain nombre de représentants des administrations concernées par la question de l'asile ainsi que quelques représentants associatifs, la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur l'évolution des coûts budgétaires des demandes d'asile a présenté le 6 juillet ses conclusions à la commission des finances de l'Assemblée nationale, par la voix de son rapporteur, la députée (UMP) Marie-Hélène des Esgaulx (1). Parmi les 30 propositions de réforme formulées, certaines, allant par exemple dans le sens d'une réduction des délais de dépôt de demande d'asile ou du renforcement des contrôles des demandeurs présents sur le territoire, ne devraient pas manquer de susciter des réactions associatives (2).
Le constat dressé par les parlementaires est sans surprise. La France se trouve aujourd'hui au premier rang des pays d'accueil pour les demandeurs d'asile en Europe et a connu une forte hausse des demandes en 2003 et en 2004 (3). En outre, la nature de la demande d'asile a évolué : « les demandeurs qui étaient en majorité des hommes et femmes seuls se présentent souvent aujourd'hui en famille ». « Ces situations ont entraîné une embolie des structures d'accueil et se sont traduites par une progression des coûts représentés par l'hébergement et l'accès aux droits sociaux des demandeurs », a indiqué Marie-Hélène des Esgaulx devant la commission des finances. Au total, les coûts budgétaires imputables à l'accueil des demandeurs d'asile et au traitement de la procédure, y compris l'ensemble des prises en charge du domaine social (hébergement, aide aux associations, allocation d'insertion, CMU de base et complémentaire, aide médicale de l'Etat pour les personnes déboutées, prise en charge des mineurs isolés), approcheraient 900 millions d'euros, « auxquels il convient d'ajouter les dépenses engagées par les collectivités locales ».
Plusieurs propositions formulées par la mission d'évaluation et de contrôle visent à réduire le délai de traitement des demandes d'asile. Devant la commission des finances, Marie-Hélène des Esgaulx a souligné les progrès réalisés en la matière à la suite de la réforme de décembre 2003 (4). Ainsi, alors que la durée totale d'examen d'une demande pouvait aller auparavant de 18 mois à deux ans, elle est passé aujourd'hui, en moyenne, à sept mois et demi. La MEC propose toutefois d'aller encore plus loin : elle estime ainsi que le délai de dépôt de la demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) - actuellement de 21 jours -, ainsi que le délai de recours devant la commission des recours des réfugiés -actuellement de un ou deux mois selon les cas - peuvent être l'un et l'autre réduits à 15 jours. Toujours dans un souci de rapidité, elle suggère d'accélérer le délai de publication de la décision de la commission des recours des réfugiés (CRR) - en le faisant passer de trois semaines à dix jours - et de soumettre à la « procédure prioritaire » les demandes de réexamen pour « fait nouveau » intervenu dans le pays d'origine du demandeur débouté de sa demande d'asile lors d'un premier examen.
Les parlementaires plaident également pour la création d'une procédure rapide d'examen au fond des demandes d'asile présentées « à la frontière ». Elle remplacerait celle qui s'applique actuellement dans 95 % des cas à l'aéroport de Roissy et qui permet d'autoriser ou non à pénétrer sur le territoire français les étrangers qui se présentent aux frontières aéroportuaires démunis des documents requis et sollicitent d'y être admis au titre de l'asile. L'idée est de répondre à une faille du dispositif, a expliqué Marie-Hélène des Esgaulx : « alors que les agents de l'OFPRA présents en permanence dans la zone d'attente des passagers en instance [ZAPI] rendent un avis majoritairement défavorable à l'admission du demandeur sur le territoire (3,75 % d'avis favorable en 2003 et 14 % en 2004), le taux global d'admission s'élève à 67,5 %, les responsabilités de l'admission étant multiples. Or on constate que, par la suite, parmi ces personnes admises à la frontière au titre de l'asile, seules 15 % concrétisent leur démarche en présentant réellement une demande en préfecture. » Dans le cadre de cette nouvelle procédure, l'intéressé serait retenu dans un centre d'accueil fermé, le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile. La structure comprendrait un « bureau d'accès au droit » dans lequel le demandeur pourrait recourir à l'aide d'un conseiller juridique dès le dépôt de sa demande. La présence des associations humanitaires continuerait d'être assurée comme aujourd'hui.
La mission d'évaluation et de contrôle propose par ailleurs de mettre en place un vrai suivi des demandeurs d'asile. Elle suggère dans cet esprit, en premier lieu, de créer, pour la durée de la procédure, une obligation de résidence des demandeurs d'asile dans un centre d'accueil du dispositif national d'accueil ou, pour ceux qui seraient hébergés à l'extérieur en cas d'insuffisance des capacités, dans un département déterminé. Ceux qui refuseraient d'obtempérer seraient sanctionnés par la perte de l'allocation sociale. Signalons, à ce propos, que les parlementaires préconisent le remplacement de l'allocation d'insertion par une « allocation spécifique aux demandeurs d'asile ». Le versement de cette aide durerait simplement le temps de la procédure.
La MEC plaide également pour l'institution d'une obligation pour les demandeurs d'asile de se présenter chaque mois au service des étrangers de la préfecture ou de la sous-préfecture de leur lieu de résidence ou encore au bureau présent éventuellement en mairie, pendant toute la période de la procédure. Au cas où le demandeur ne se présenterait pas pendant une durée de trois ou quatre mois, sa demande d'asile serait considérée comme caduque, sans recours possible.
La mission d'évaluation et de contrôle propose encore de créer une direction unique « réunissant l'ensemble des agents définissant et mettant en œuvre les politiques de l'asile, de l'immigration, de l'aide au retour et de la naturalisation » (5). Elle serait placée sous l'autorité d'un ministre délégué, lui-même sous la tutelle du ministre des Affaires étrangères ou de la Justice.
La MEC réclame par ailleurs la publication des décrets permettant l'entrée en vigueur de la réforme de l'aide médicale de l'Etat votée par le Parlement (6). Enfin, elle demande une clarification des participations financières de l'Etat en matière de prise en charge des mineurs isolés demandeurs d'asile. En effet, bien que l'accueil des demandeurs d'asile soit une compétence de l'Etat, les départements sont aussi amenés à engager des dépenses, à travers l'aide sociale à l'enfance, pour l'accompagnement de cette population.
O.S.
(1) Le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle sera bientôt disponible sur le site
(2) Dans son rapport 2005 sur l'asile, l'association Forum réfugiés dénonce ainsi les effets pervers du raccourcissement des procédures - Voir ce numéro.
(3) Précisons qu'en 2004, les premières demandes ont diminué de 2 % tandis que le nombre de demandes de réexamen a triplé - Voir le dernier rapport d'activité de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans les ASH n° 2404 du 22-04-05.
(4) Voir ASH n° 2340 du 2-01-04 et n° 2370 du 27-08-04.
(5) Nicolas Sarkozy a repris cette idée à son compte le 11 juillet en clôturant la première conférence préfectorale et consulaire sur l'immigration - Voir ce numéro.
(6) Précision apportée le 11 juillet par la rapporteure : la MEC fait plus précisément référence aux décrets d'application des articles 57 de la loi de finances rectificative pour 2002 et 49 de la loi de finances rectificative pour 2003. Pour mémoire, le premier instaure, pour les bénéficiaires de l'aide, un ticket modérateur pour les dépenses de médecine de ville et le transport sanitaire, ainsi qu'un forfait journalier pour les frais d'hospitalisation. Le second restreint l'aide aux personnes qui justifient d'une résidence ininterrompue de plus de trois mois en France - Voir ASH n° 2298 du 14-02-03 et n° 2346 du 13-02-04.