Les rapports successifs plaident en leur faveur, mais les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) n'ont toujours pas les moyens d'assurer leurs missions essentielles de réinsertion et de lutte contre la récidive. Depuis six mois, leurs organisations syndicales représentatives -le Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire (Snepap) -FSU, l'Union générale des syndicats pénitentiaires (UGSP) -CGT et la CFDT Interco-Justice (1) - font alliance pour réclamer un plan pluriannuel « de recrutements diversifiés de travailleurs sociaux » et de personnels d'encadrement et administratifs dans leurs services. Sortis bredouilles de leurs entrevues au ministère, ils tirent la sonnette d'alarme. « Depuis des années, nous assistons à un empilement de missions nouvelles pour les travailleurs sociaux sans les moyens correspondants. Nous sommes arrivés au-delà de ce qui est absorbable... », prévient Michel Pouponnot, secrétaire national de l'USGP-CGT.
Depuis l'application de la loi « Perben II », les syndicats relèvent jusqu'à 400 %d'augmentation du nombre d'enquêtes sociales rapides confiées aux SPIP, dans le cadre de la comparution immédiate. La nouvelle procédure d'aménagement des peines a entraîné une explosion du nombre d'entretiens avec les détenus, mais aussi des tâches administratives et des partenariats avec les dispositifs extérieurs. Il y a deux ans, le rapport du député (UMP) Jean-Luc Warsmann chiffrait déjà à 3 000 le nombre d'équivalents temps plein manquants de conseillers d'insertion et de probation. Malgré l'accroissement des besoins, ils sont moins de 2 000 en exercice. En 2005, seuls 290 postes ont été ouverts au concours et 160 sortants d'école ont été titularisés (2). « Nous nageons dans un paradoxe complet entre l'affichage d'une politique et la mise en œuvre de la diminution du budget de l'Etat », s'insurge Michel Flauder, secrétaire général du Snepap-FSU.
Le bilan chiffré de la législation Perben montre en effet ses limites : sur les 5 500 dossiers éligibles à un aménagement de peine entre novembre 2004 et mars 2005,700 projets ont été présentés et seules 146 mesures ont été prononcées parce que les autres n'avaient pu être suffisamment ficelées, expliquent les syndicats. Selon eux, sur le terrain grandit le « malaise des professionnels » qui s'interrogent sur le sens de leurs missions. Com-ment gérer d'autres impératifs que l'urgence avec 120 détenus à suivre en prison ? En plus des 60 000 condamnés incarcérés, les quelque 2 000 travailleurs sociaux des SPIP doivent prendre en charge environ 130 000 mesures en milieu ouvert. Il arrive que les personnes ne soient convoquées que tous les quatre mois. Mais ces chiffres ne sont que la partie visible de l'iceberg. « L'administration pénitentiaire n'évalue notre mission que sur notre mandat judiciaire, alors qu'une grande partie de notre métier n'est pas mesurable », déplore Cédric Fourcade, de l'USGP-CGT. Et d'ajouter que les travailleurs sociaux de l'administration pénitentiaire ne peuvent même pas assumer les trois missions qui leurs sont assignées : « maintenir les liens familiaux, lutter contre les effets désocialisants de la prison et préparer la sortie ».
Les travailleurs sociaux des SPIP redoutent de voir leurs missions détournées au profit du contrôle et du suivi administratif des personnes placées sous main de justice. « Le métier de travailleur social, à la pénitentiaire comme ailleurs, doit être respectueux de la durée nécessaire à la maturation d'un processus d'insertion, rappelle Marie-Thérèse Bueb, de la CFDT Interco-Justice. Ce processus est le gage de la lutte contre la récidive. » Un appel renforcé par celui du Groupe national de concertation prison (3), pour qui « la récidive met en évidence l'échec de la prison sur la mission de réinsertion qui est la sienne ». Le groupe défendra de nouveau l'aménagement de peine, en particulier la libération conditionnelle, lors de ses journées, du 21 au 25 novembre 2005.
M. LB.
(1) Snepap-FSU : 12/14, rue Charles-Fourier - 75013 Paris - Tél. 01 40 21 76 60 ; UGSP-CGT : 263, rue de Paris - Case 542 - 93514 Montreuil cedex - Tél. 01 48 18 82 42 ; CFDT Interco-Justice : 47/49, avenue Simon-Bolivar - 75950 Paris cedex 19 - Tél. 01 40 40 85 50.
(2) Jean-Luc Warsmann n'a d'ailleurs pas manqué, dans son récent rapport sur l'application de la loi Perben II, de pointer « le nombre notoirement insuffisant » des personnels des SPIP - Voir ASH n° 2413 du 24-06-05.
(3) GNCP (composé d'associations d'accueil et d'accompagnement de détenus et de leurs familles) - Co/FNARS - 76, rue du Faubourg-Saint-Denis - 75010 Paris - Tél. 01 48 01 82 00.