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Droit d'asile : quand la dissuasion prend le pas sur la protection

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« La tendance n'est pas bonne, mais en réalité la marche vers l'harmonisation du droit d'asile en Europe sera longue et pas forcément fatale », a indiqué Olivier Brachet, directeur de Forum réfugiés, en présentant, le 12 juillet, le 5e rapport annuel de l'association (1). Malgré cette volonté de ne pas enterrer le droit d'asile avant l'heure, le contenu du rapport n'incite guère à l'optimisme. « L'Europe piétine et s'embrouille », souligne-t-il, déplorant l'appauvrissement, sinon le détournement, des engagements pris à Tampere en 1999 sur le « droit absolu de demander l'asile », au profit du contrôle des flux migratoires.

Craintes sur l'externalisation des procédures

Dans les pays membres de l'Europe des 25, la demande d'asile a chuté de 19 % de 2003 à 2004. Une baisse néanmoins à relativiser en raison de la part des « réfugiés internes ». «  La question mondiale des réfugiés s'est déplacée de ceux qui partent de leur pays à ceux qui recherchent une protection à l'intérieur », analyse Olivier Brachet, rappelant que sur 30 millions de personnes concernées par la protection, seules 10 millions quittent leur pays. L'arrivée, le 1er mai 2004, de dix nouveaux membres n'a pas eu l'effet « d'absorption » des demandes d'asile déposées dans les pays européens prévu par certains. En revanche, l'inquiétude de l'association porte sur les garanties de procédures que peuvent offrir certains de ces dix nouveaux Etats membres, susceptibles d'accueillir des demandes de protection en application du règlement de Dublin de 2003, qui renvoie l'examen de la procédure à un Etat désigné comme « responsable » de la demande, aux portes de l'Union européenne (UE). Autre sujet de crainte : le « programme de La Haye », qui fixe l'agenda européen de l'asile pour les cinq prochaines années, évoque « la dimension extérieure de l'asile » alors même que « l'externalisation » des procédures d'asile en dehors de l'UE tente déjà plusieurs Etats membres, comme l'Italie, qui refoule en Libye (non signataire de la convention de Genève) les demandeurs d'asile de l'île de Lampedusa.

En plus de ces menaces, la première phase d'harmonisation du droit d'asile - concrétisée par l'adoption de la directive sur les conditions d'accueil, du règlement Dublin II et de la directive sur le statut de réfugié (celle sur les procédures n'a fait l'objet que d'un accord politique) - « est peu convaincante ». Les textes étant au final peu contraignants, avec « une prédominance de la logique du plus petit dénominateur commun au détriment de l'intérêt général européen et particulier du réfugié ».

Quelles perspectives à l'échelle française, notamment après la réforme de l'asile de décembre 2003 ? Premier pays d'accueil en 2004, la France a enregistré une légère baisse (- 2 %) des premières demandes avec 50 547 dossiers. Si l'on y ajoute les demandes de réexamen dans le cadre de la nouvelle loi, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a reçu 65 600 dossiers à traiter. Et le nombre de demandes de réexamen continue de s'amplifier : il a augmenté de 124 % pendant le premier trimestre 2005... En raison de la réduction des dossiers en attente liée au raccourcissement des procédures, « pierre angulaire » de la réforme, « plusieurs milliers de décisions vont tomber du fait de ce destockage, sans que l'on ait rien prévu pour les nouveaux réfugiés statutaires en matière d'insertion », ajoute Olivier Brachet.

Le droit au séjour affaibli

Malgré une accélération du traitement des dossiers qui « malmène » les procédures (2), Forum réfugiés estime que le « niveau de protection se maintient », si l'on tient compte du taux d'admission au statut de réfugié (de 9,8 % en 2003 à 9,3 % en 2004) et du taux d'annulation des rejets par la commission des recours des réfugiés (de 11,4 % à 12,68 %). Ce qui représente toujours une faible proportion d'accédants au statut de réfugié. Parmi les avancées législatives, Olivier Brachet salue « le bon effet du guichet unique qui a bien recentré les dossiers sur l'asile conventionnel » ainsi que « l'intégration de nouveaux motifs de protection » dans la jurisprudence, qui prend désormais en compte le mariage forcé, l'excision ou le groupe social.

Néanmoins demeurent, aux côtés de ces quelques aspects positifs, plusieurs « points faibles préoccupants ». Parmi eux :l'application de la notion de « pays sûrs » (3) et, commente Olivier Brachet, « la dissociation entre l'accès à la procédure et le droit au séjour ». « On voit mal comment la France peut poursuivre le développement de sa politique de l'asile sans une coordination entre les ministères des Affaires étrangères, de l'Intérieur et des affaires sociales », estime plus globalement le directeur de Forum réfugiés. Sans éluder l'épineuse question de l'insuffisance du dispositif d'hébergement, l'amoindrissement des droits sociaux des demandeurs d'asile ou encore la nécessité d'accompagner les 11 300 réfugiés reconnus en 2004 dans leur processus d'intégration, il convient de rappeler que le sort des quelque 250 000 déboutés du droit d'asile résidant en France n'a toujours pas fait l'objet de décisions politiques, malgré le rapport de l'inspection générale des affaires sociales en 2004 (4). Si certains parviennent à faire régulariser leur séjour, bon nombre d'entre eux font partie des « ni-expulsables, ni régularisables », condamnés à la clandestinité. Plaidant pour une opération de régularisation en leur faveur, Forum réfugiés estime que, « quand bien même le chiffre de 20 000 reconduites à la frontière serait atteint, il restera encore plusieurs dizaines de milliers de personnes dont le ministre ne dit mot ».

M. LB.

Notes

(1)  L'asile en France et en Europe - Etat des lieux 2005 - Forum réfugiés : BP 1054 - 69612 Villeurbanne cedex - Tél. 04 78 03 74 45 - 13 €.

(2)  Un rapport parlementaire présenté le 6 juillet propose de raccourcir encore davantage ces délais - Voir ce numéro.

(3)  Voir ASH n° 2415 du 08-07-05.

(4)  Voir ASH n° 2379 du 29-10-04.

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