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Des CAT se regroupent pour favoriser le passage en milieu ordinaire

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Faciliter la sortie des travailleurs handicapés en centre d'aide par le travail (CAT) vers le milieu ordinaire et assurer leur suivi en entreprise, telle est la mission que s'est fixée Delta Insertion, un service à l'initiative de plusieurs CAT des Hauts-de-Seine. A vocation départementale, cette cellule vient répondre à un besoin que les CAT (1) ne peuvent pas satisfaire : l'accompagnement dans l'emploi des travailleurs devenus salariés.

« Delta Insertion (2) est venu répondre à une mission que nous ne pouvions plus assurer de manière satisfaisante, ni pour les travailleurs, ni pour les entreprises, ni pour nous-mêmes en tant que centres d'aide par le travail : celle de développer des projets d'insertion professionnelle pour les personnes handicapées pouvant accéder au milieu ordinaire. » C'est ainsi que Danièle Caudrillier, directrice du centre d'aide par le travail Vivre à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), résume la genèse de ce projet né, en 2002, à l'initiative de trois structures du secteur protégé du département des Hauts-de- Seine (3). Faute de moyens et de temps pour favoriser le passage de leurs travailleurs vers le milieu ordinaire, ces établissements ont décidé de bâtir un service indépendant spécialement dédié à cette tâche.

Le service Delta Insertion a, depuis, quelque peu grossi et regroupe actuellement dix CAT. Sa mission est double :faciliter la sortie du milieu protégé pour les travailleurs prêts à occuper un emploi en entreprise et assurer le suivi dans l'emploi de ces personnes. Une petite équipe, constituée d'une responsable, d'une chargée d'insertion et d'une chargée d'accueil et de l'administratif, pilote ce service, à Châtenay-Malabry, dans un appartement des HLM reconverti en bureau.

Le passage vers le milieu ordinaire représente une véritable rupture pour ces travailleurs. En quittant le milieu protégé, ils s'éloignent de leurs collègues de CAT qu'ils côtoient souvent depuis de nombreuses années, y compris en dehors des temps de travail. Ils quittent aussi un système relativement protecteur, qui repose sur le rôle bienveillant du moniteur d'atelier et sur un environnement professionnel sécurisant. Souvent en habitat autonome, ils connaissent, avec leur passage en milieu ordinaire, un isolement qui peut se révéler nuisible, voire fatal, à la réussite de leur insertion. D'où l'idée de créer un service d'accompagnement spécifique.

Les bénéficiaires sont des travailleurs handicapés en CAT, dits « prêts à l'emploi », en provenance d'un des dix établissements partenaires de Delta Inser-tion. L'accompagnement de la personne passe d'abord par une phase de préparation à la sortie, qui s'effectue en interne, au sein de chaque établissement. « Nous incitons les CAT à construire des parcours d'insertion, à mettre en place des paliers avec des stages en entreprise et des détachements. Nous les informons et nous les formons car plus de 50 % des CAT partenaires n'ont pas encore complètement finalisé la construction d'un parcours de ce type. Or celui-ci est important. Il prépare le travailleur et contribue à minimiser la rupture d'avec le milieu protégé. Il prépare et rassure sa famille qui, souvent, éprouve des craintes. Il prépare aussi l'équipe du centre et le moniteur d'atelier, explique Danièle Caudrillier . Le travailleur handicapé est prêt à un emploi non protégé lorsqu'il a construit un projet professionnel en lien avec son projet de vie. »

Des groupes d'échange

Pour toute nouvelle entrée dans le dispositif, la chargée d'insertion fait le point avec le travailleur sur sa demande, ses choix et sur la démarche à entreprendre. Puis Delta Insertion l'accompagne, assez classiquement, dans sa recherche d'emploi, l'aide à consulter les offres et peut mettre en place une « action de formation en compétences sociales » (4). Parallèlement, le service prospecte des entreprises, les informe sur la législation relative à l'emploi des personnes handicapées et étudie la situation de travail dans laquelle pourrait être placée la personne handicapée.

Une fois le travailleur en poste, le service Delta Insertion continue d'intervenir en organisant, notamment, des groupes d'échange avec les bénéficiaires. Qu'ils soient à la recherche d'un emploi ou en poste, ces derniers sont conviés, un vendredi soir par mois, à une rencontre sur un thème professionnel, comme la réduction du temps de travail, la fiche de paie, la relation avec la hiérarchie ou les collègues..., pour échanger mais aussi pour se rencontrer, partager des questions, tisser des liens et rompre l'isolement. A chaque rendez-vous, ils sont une quinzaine. Habitant à l'extrémité du département, certains mettent plus de deux heures pour venir en transports en commun, mais l'effet de groupe opère à chaque fois. « Ces temps d'échange sont rassurants et dynamisants », insiste Lila Saadna, la responsable.

Le service Delta Insertion joue un rôle de soutien, en suivant le salarié handicapé de manière personnalisée et dégressive pendant une durée de cinq ans. « Ce suivi est primordial pour ce public. Au début, nous appelons ou rencontrons le travailleur toutes les semaines, puis cet intervalle s'allonge pour prendre un rythme mensuel, voire trimestriel. Nous adaptons le suivi à chacun d'entre eux, en fonction de son parcours et de ses difficultés du moment. » Des rencontres sur site ou en dehors du lieu de travail sont mises en place à la demande des bénéficiaires, de leur employeur ou des institutions. Ces entrevues sont l'occasion de mesurer l'insertion du travailleur handicapé mais pas seulement, explique Lila Saadna. « Notre rôle est aussi d'évaluer où en est la personne au niveau social, psychologique, financier... Notre regard est forcément global. » Tous ces domaines sont liés et les interactions peuvent être nombreuses, a fortiori chez ce public particulièrement sensible aux changements d'environnement, de personnes, d'habitudes... Par contre, pour toutes les difficultés se situant hors de son champ d'action, Delta Insertion contacte le service concerné, oriente les personnes handicapées et passe le relais. Son terrain reste l'emploi.

Cinq ans, c'est donc la durée du suivi proposé par ce service. Elle peut paraître longue, mais Danièle Caudrillier la justifie : « Nous avons voulu un temps long pour rassurer les travailleurs handicapés, leur famille mais aussi les em-ployeurs. L'expérience montre que les premiers mois se passent souvent sans heurts pour le travailleur. Puis vient le cap de la première année où il prend pleinement conscience des réalités du milieu ordinaire et va comparer ce qu'il vit avec ce qu'il avait imaginé. C'est souvent un moment de flottement où il peut y avoir une décompensation. C'est là que nous intervenons pour le soutenir et veiller à son maintien dans l'emploi. Au bout d'un an, nous constatons également un certain nombre de problèmes de santé car, trop souvent, la personne pense ne plus avoir besoin de son suivi thérapeutique et l'arrête. » Delta Insertion permet d'éviter bien des déstabilisations, voire des abandons de poste en milieu ordinaire. Pour les entreprises aussi, ce suivi quinquennal est sécurisant. Elles savent qu'elles peuvent compter sur ce médiateur qu'elles rencontrent régulièrement tout au long du programme, qui peut intervenir toutes les fois où le besoin s'en fait sentir et a une bonne connaissance du salarié.

A la charnière entre les centres d'aide par le travail, les entreprises et les travailleurs handicapés, ce dispositif a accueilli depuis ses débuts une soixantaine de personnes. Convaincus de l'importance de ne pas travailler de manière isolée, ses concepteurs ont souhaité le rattacher à un dispositif plus large, le programme départemental d'insertion des travailleurs handicapés (voir encadré ci-contre). Aujourd'hui, la plus-value du dispositif ne fait plus de doute. En revanche, sa pérennisation demeure incertaine puisque son plan de financement actuel prend fin en mai 2006 (5). Un travail a été entamé avec la direction départementale des affaires sanitaires et sociales. Souhaitant que ce projet prenne une envergure départementale, celle-ci a convié en début d'année les 29 centres d'aide par le travail des Hauts-de-Seine à une rencontre d'information et de présentation de Delta Insertion. Elle a également demandé la réalisation d'une étude, sous la forme d'un questionnaire envoyé en février aux CAT. L'étude, qui est terminée, montre l'intérêt de ces derniers à disposer d'un service favorisant le passage et le maintien en milieu ordinaire.

Aliona Darzon

GILLES VALET (6)  : « CE SERVICE GAGNERAIT À DEVENIR DÉPARTEMENTAL »

Quelle place y a pris le service Delta Insertion dans le programme départemental d'insertion des travailleurs handicapés (PDITH) (7)  ?- Cette initiative s'est inscrite dans un axe de notre programme départemental dénommé Parcours. Celui-ci regroupe des projets qui offrent des actions de formation ou qui favorisent l'insertion professionnelle. Delta Insertion y entrait tout à fait car ce service inscrit les personnes dans des trajectoires et des parcours professionnels. Favoriser les actions qui conduisent au milieu ordinaire, toutes les fois que cela est possible pour les personnes, évite les cloisonnements et favorise des passerelles. Qu'est-ce qui fait la force principale de ce projet ?- Il s'agit d'un service extérieur mais commun à plusieurs centres d'aide par le travail. Une dynamique d'ensemble s'est donc créée pour mettre en place un accompagnement des travailleurs avec un autre regard que s'il était assuré par le CAT en direct. Il permet aussi un suivi des personnes dans la durée, action que les CAT n'avaient ni les moyens ni le temps d'assurer. Si ce service pouvait devenir départemental, ce serait encore mieux ! Il gagnerait à être partagé. Il gagnerait aussi en légitimité. Et en pérennité... ?- Il est souvent plus aisé de trouver un soutien institutionnel pour une initiative départementale plutôt que locale, cette dernière étant forcément plus limitée en termes de territoire et de publics notamment. L'inscription de Delta Insertion dans notre programme contribue à la reconnaissance de son travail, montre la préoccupation du département en la matière et donne à ce service une forme de « caractère institutionnel ». Aujourd'hui, il est important que cette action soit portée par un nombre de CAT plus important encore, afin d'asseoir sa plus-value. Peut-être y aura-t-il également des solutions financières à imaginer avec une ou des entreprises qui pourraient venir soutenir ce projet au titre de leur contribution obligatoire en matière d'emploi...

Notes

(1)  Rappelons que la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées a remplacé l'appellation CAT par celle d'ESAT, « établissements et services d'aide par le travail ».

(2)  Delta Insertion : 5, rue Eugène-Varlin - 92290 Châtenay-Malabry - Tél. 01 40 83 01 25.

(3)  Le CAT Jacques-Monod (association APAJH), le centre Denise-Croissant et le CAT Vivre (association Vivre).

(4)  Formations « Gestes et posture », « Image de soi », « Comment mieux communiquer », « Se présenter à un entretien »...

(5)  Son financement est assuré par l'Agefiph, le Fonds social européen, le programme départemental d'insertion des travailleurs handicapés des Hauts-de-Seine et la direction départementale des affaires sanitaires et sociales.

(6)  Gilles Valet est coordonnateur du programme départemental d'insertion des travailleurs handicapés des Hauts-de-Seine.

(7)  Depuis 1992, les PDITH ont pour objectif d'instaurer, au niveau départemental, une politique cohérente et une synergie en rapprochant les différents acteurs de l'insertion et de l'emploi. Ils sont présidés par le préfet ou le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Y participent, entre autres, la Cotorep, l'ANPE et les services sociaux.

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