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L'inspection sanitaire et sociale dans les méandres de la réforme de l'Etat

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Inséparables de la création des DDASS, en 1964, les inspecteurs de l'action sanitaire et sociale incarnent une logique d'intervention de l'Etat, qui a basculé dans le feu réformateur des dernières années. Dans une administration déconcentrée voulant « spécialiser » et « compartimenter », leur volonté de maintenir la logique transversale qui a fondé leur corps d'inspection témoigne des tiraillements à l'œuvre dans les processus de décentralisation et de réforme de l'Etat. En toile de fond, l'émergence de nouveaux rapports de forces à l'intérieur du sanitaire et du social.

On les a tour à tour accusés d'être trop puissants, ou, comme ce fut le cas en 1996 avec Jacques Barrot, alors ministre de la Santé, de pratiquer une « gestion tatillonne de l'enveloppe de sécurité sociale ». Les inspecteurs de l'action sanitaire et sociale (IASS) ne laissent pas indifférents. Pas un directeur d'établissement ou de service sanitaire, social ou médico-social qui n'ait à composer régulièrement avec ces représentants de l'Etat dans les départements. Chargé de répartir les crédits d'assurance maladie, d'animer au niveau local les politiques nationales et d'en assurer l'effectivité, ce corps de moins de 1 800 fonctionnaires est inséparable de la création des directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS), en 1964, puis des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS), en 1977 (1). Les IASS incarnent alors la fusion du sanitaire et du social au sein d'une administration déconcentrée, qui se considère comme légitime, équidistante des pouvoirs locaux et porteuse du projet collectif.

Cela pour le cliché. Ou, plus exactement, pour ce qui est en train de devenir une image du passé. En réalité, l'histoire des IASS, ces dernières années, s'apparente à celle de la lente captation de leur pouvoir sur fond de renversement des logiques d'intervention de l'Etat et de refonte de l'administration. Lors de la première étape de la décentralisation, entre 1982 et 1986,70 % du personnel des DDASS étaient déjà partis vers les conseils généraux. Dans des services parfois désertés du jour au lendemain, l'accusation d'un « désengagement de l'Etat » avait résonné pour la première fois. Mais, au cours de la dernière décennie, une dizaine de lois fondamentales, presque autant de nouvelles agences, à commencer par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) créées en 1996, sont venues installer un compartimentage du sanitaire et du social fondé sur la spécialisation, la multiplication des pôles de décision, tout en s'appuyant sur les services déconcentrés pour appliquer un flot grandissant de directives. Dix ans pendant lesquels ces mêmes services ont été parallèlement chargés d'absorber la montée des exigences publiques sur la prévention, l'éducation à la santé, la veille sanitaire ou les publics précarisés, dans un contexte de réduction des moyens.

L'inspection générale des affaires sociales (IGAS), dans une étude conduite en 2003 sur l'organisation des DDASS et des DRASS (2), résume le processus en évoquant un « effritement des responsabilités opérationnelles » et en observant que « les conséquences en termes de réorganisation des services n'ont jamais été tirées des réformes successives depuis la première décentralisation ».

Passés du pilotage local des politiques de l'Etat à l'assistance d'une nouvelle administration sanitaire et sociale, les IASS ont perdu en chemin une large partie de leurs anciennes attributions. Au point que la question de la légitimité de ce corps et de son positionnement s'est mis à hanter les esprits. Témoin, le dilemme posé par François Astolfi-Franchi, inspecteur principal à la DRASS de Bretagne. « Si les compétences sanitaires et sociales restent du côté de l'Etat, un corps d'inspecteurs, à la fois contrôleurs et prospecteurs de l'application technique du projet de société, peut se concevoir dans une logique de déconcentration. Mais si les compétences qu'il mène au nom de la collectivité sont déléguées à on ne sait quelle agence, voire décentralisées comme c'est le cas pour l'action sociale, que devient notre rôle ? »

« Peu soutenus par l'administration centrale »

A un niveau officiel, les autorités de tutelle se disent conscientes des difficultés auxquelles le corps d'inspection est confronté. Etienne Marie, directeur de l'administration générale du personnel et du budget (DAGPB), qui gère les carrières des IASS, parle d'un malentendu entre les professionnels et leur autorité de tutelle. « Les IASS occupent une large partie du front sanitaire et social, deux domaines traversés par des problématiques restées sans solution pendant des années, et qui, dans l'afflux des réformes nécessaires, peuvent laisser l'impression d'un manque de visibilité politique. Mais les fortes interrogations sur le devenir de notre organisation des DDASS et des DRASS ne doivent pas faire oublier que ces réformes tendent justement à redonner un projet stratégique aux services déconcentrés et à leurs agents. »

Ce n'est pourtant pas ainsi que l'entendent les inspecteurs de l'action sanitaire et sociale, montés au créneau fin 2004. Alors que le gouvernement se lance dans la réforme de l'administration départementale, une circulaire du 16 novembre 2004 signée de Jean-Pierre Raffarin invite les préfets à entamer une réflexion sur la réorganisation des DDASS (3). Différentes possibilités leur sont proposées : de la fusion avec les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP), en passant par la transformation des DDASS en échelon départemental des DRASS ou l'incorporation à un pôle regroupant différentes structures départementales relevant de l'Etat, jusqu'au rapprochement physique avec les préfectures. Il s'agit, selon la circulaire, « de mieux partager les coûts fixes, de redéployer les moyens au bénéfice des usagers et de favoriser les synergies ».

Une démarche qualifiée de « menaçante » et de « déconnectée des réalités » de l'administration départementale par les représentants des inspecteurs et des directeurs de DDASS. Les conseillers du Premier ministre n'ont vu que la faible masse critique des DDASS, « en oubliant le rôle d'ensemblier qu'elles jouent entre sanitaire et social et sur la répartition des crédits d'assurance maladie, s'étonne encore Jean-Pierre Hardy, chef de bureau à la DGAS et lui-même inspecteur de l'action sanitaire et sociale. De plus, on comprend mal pourquoi le gouvernement voudrait s'amputer d'un bras armé local qu'il ne trouverait pas dans les préfectures. Ne serait-ce que parce qu'on aura besoin de ces fonctionnaires pour répartir l'enveloppe de l'assurance maladie, dont la décentralisation, préconisée par le rapport Briet-Jamet, a été refusée par le Conseil d'Etat. »

« Il est certain que nos services déconcentrés et leurs agents sont peu soutenus par l'administration centrale, reconnaît Jacques Rapoport, secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales, dont la mission est de coordonner l'action interministérielle sur la réforme de l'Etat et la décentralisation dans les champs sanitaire et social au sein du gouvernement. Pour autant, leur avenir n'est pas remis en cause. D'une part, les scénarios d'organisation départementale établis par les préfets montrent que peu d'entre eux veulent s'engager dans un bouleversement et qu'ils veulent conserver les DDASS. D'autre part, il est clair qu'avec l'accentuation des politiques de santé publique et des plans de cohésion sociale, les services trouveront dans la mutualisation de leurs moyens et de leurs compétences au niveau de la région un élargissement de leur champ d'activités. »

Pour le Syndicat national des inspecteurs de l'action sanitaire et sociale (SNIASS), syndicat majoritaire créé dans le feu de la première décentralisation, une première porte a néanmoins été ouverte. Certaines petites DDASS, victimes de leur manque de moyens endémique et faute de ne plus pouvoir remplir leurs missions, pourraient être happées dans l'appel d'air, sans que les conséquences aient réellement été considérées. « Si des DDASS fusionnent avec les préfectures, elles se retrouveront incorporées dans des services brassant de manière indifférenciée des problèmes d'ordre public et des problèmes de santé publique. Ce qui se fera au détriment d'une véritable politique de santé publique et installera une inégalité territoriale entre les départements conservant une DDASS et les départements l'ayant incorporée aux services préfectoraux », dénonce Jean-Pierre Sévère, inspecteur principal à la DDASS de la Seine-Saint-Denis.

Leur positionnement transversal pose problème

Engagés dans une défense de leur credo sanitaire et social au sein d'une administration ne jurant plus que par la spécialisation, la multiplicité des missions assurées par les IASS et la diversité de leur champ d'intervention apparaissent elles-mêmes contre nature. Au cours de sa carrière, un inspecteur peut changer plusieurs fois de secteur d'intervention, souvent sous la poussée des évolutions législatives, et exercer différents métiers : inspection et évaluation, contrôle de gestion, administratif, juridique, conseil, pilotage de système d'information. « De là une grande difficulté de reconnaissance de notre activité. Aujourd'hui nous ne possédons pas de référentiel-métier en tant que tel. Ce qui nous fragilise encore vis-à-vis de la fonction publique », reconnaît Agnès Marie-Egyptienne, présidente de l'association des IASS, autre instance professionnelle créée après la première vague de décentralisation.

Les premiers éléments de reconnaissance obtenus par les IASS sont de ce fait très récents :1992, la création d'une filière spécifique au sein de l'Ecole nationale de santé publique (ENSP) pour une formation en deux ans au titre d'expert du secteur sanitaire et social ; 1994, l'indemnité de technicité accordée par Simone Veil.

A l'ENSP, un double travail est actuellement engagé sur la définition d'un profil métier recouvrant l'ensemble des champs d'intervention des IASS et sur l'adaptation de leur formation aux nouveaux enjeux. Les inspecteurs sont représentés au sein des commissions consultatives dans lesquelles figurent aussi les administrations de tutelle. L'orientation reste sans équivoque : celle d'un positionnement sanitaire et social. Néanmoins, elle vise à anticiper la modification des missions entraînée par la décentralisation, la réforme de l'Etat et l'évolution des modes de régulation, « dont l'influence est énorme sur l'orientation du métier », précise Anne Lemoine-Pape, responsable de la filière professionnelle des IASS à l'ENSP. « Actuellement, l'école développe tout ce qui a trait à la fonction d'inspection ainsi qu'à la notion de reporting et d'évaluation des politiques publiques. Mais nous sommes amenés aussi à travailler sur la gestion des situations de crise et la réponse à apporter à la montée des considérations sanitaires, pour lesquelles les services sont de plus en plus sollicités. »

En dépit de ce cap, rien n'indique que la transformation d'un métier impliquant « un engagement et une idée accomplie du service public », selon la définition qu'en donne Anne Lemoine-Pape, en un métier se tournant vers l'ingénierie sanitaire et sociale suffira à enrayer la fragilisation du corps d'inspection. L'ENSP observe qu'après deux bonnes promotions en 2001 et 2002 dépassant la centaine d'inspecteurs-élèves, sa filière IASS a retrouvé son bas niveau des années 90 en ne formant plus qu'une quarantaine de personnes par an. Chiffre qui intègre aussi bien les agents promus par voie interne que ceux venant se former au titre du quota de créations de postes annuelles. Sur ce dernier point, seuls 14 nouveaux postes ont été ouverts dans le cadre du concours 2005, soit quatre à cinq fois moins que les départs en retraite prévus par la DAGPB.

Parallèlement à ce blocage, la perte d'attractivité de la fonction est patente. Depuis 2000, le nombre de postulants aux places mises au concours a accusé une chute de 50 %. Déjà, par le jeu conjugué du doute sur les perspectives de carrière réservées aux grades supérieurs des IASS qui s'ancre parmi les cadres de l'administration, des mutations, ou du non-remplacement des départs en retraite, les trous dans la corporation des inspecteurs de l'action sanitaire et sociale sont estimés à près de 10 % de l'effectif théorique. Et il n'est pas rare que les postes à pourvoir restent « en attente » pendant plusieurs années.

La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) va permettre d'engager les services dans une gestion prévisionnelle des ressources humaines à partir du 1er janvier 2006. Dernière pièce du mouvement de recomposition de l'Etat, ce texte vise à implanter dans l'administration une culture d'entreprise, pétrie de performance, de programmation et d'évaluation. S'il est salué par les IASS comme susceptible d'améliorer la lisibilité de l'action de l'Etat, ce renversement de logique n'en a pas moins son revers. En effet, comme dans le monde entrepreneurial, la masse salariale des administrations deviendra une enveloppe de crédits mêlant indifféremment les catégories de personnels, cadres ou non-cadres, agents titulaires ou contractuels, le tout primes incluses. Question : avec une somme allouée par action et des réductions de budgets, la tentation de privilégier le recours à des contractuels ne prendra-t-elle pas le dessus sur toute autre considération ?

« Un exemple permet d'illustrer l'importance des enjeux, explique Bernard Gini, secrétaire général du SNIASS. Chaque année, la DAGPB fixe un nombre de postes ouverts au concours d'IASS et doit prévoir la rémunération des inspecteurs-élèves pendant les deux ans que dure leur formation. Ces postes n'étant pas immédiatement disponibles dans les services, on voit bien que la tentation peut exister de réduire à la portion congrue le recrutement par concours et d'allouer aux services les crédits équivalents pour financer le recrutement direct et bien plus rapide de contractuels. »

Déjà, un coup de semonce a retenti, en avril dernier, quand la DRASS du Centre a cherché à recruter une contractuelle de France Télécom sur un poste d'inspecteur principal chargé du contrôle de gestion, une fonction stratégique dont la finalité est de définir les masses salariales affectées au bon déroulement des missions des IASS. Face au tollé qui a suivi, le directeur de la DRASS a dû expliquer qu'il lui manquait depuis longtemps trois inspecteurs principaux et qu'il ne faisait que remédier au manque en titularisant à ce grade l'agent de France Télécom.

Du corporatisme ? Certainement, mais à un niveau acceptable si l'on se dit que les postes vacants dans les services sont principalement des postes de médecins-inspecteurs et d'IASS. Ce sont donc eux qui seraient les plus menacés par une diminution progressive de leurs effectifs au bénéfice d'agents contractuels. Auquel cas, la boucle se bouclerait. « C'est un autre mode d'intervention qui se dessine. Ces personnels seront recrutés sur la base de contrats annuels et sur des profils de poste bien délimités. Ils ne partageront pas notre culture de fonctionnaire d'Etat et évolueront dans une logique d'intervention totalement différente de la notre », redoute Isabelle Persec, inspectrice principale et vice-présidente de l'association des IASS.

Reste l'élément le plus important de tous, celui qui consoliderait les IASS et les installerait à égalité d'un corps comme l'inspection du travail : l'assermentation et le pouvoir d'injonction légale qui en découle. Bien qu'inscrite dans la loi du 2 janvier 2002 pour l'action sociale et médico-sociale, puis réaffirmée dans la loi du 4 mars 2002 pour sa composante sanitaire, cette assermentation sommeille toujours dans les cartons de la DGAS et de la direction générale de la santé.

Pour l'heure, forts de leur statut d'autorité de contrôle et de tarification, les inspecteurs continuent de bénéficier de l'électrochoc produit par leurs interventions en cas d'un dysfonctionnement avéré. Les coulisses, cependant, sont bien différentes. L'imbroglio des passerelles entre social, médico-social et sanitaire fait qu'un inspecteur peut changer d'attributions d'un établissement à un autre, en étant par exemple autorisé à demander la photocopie d'un document de gestion dans les structures sociales et médico-sociales quand ce droit lui est refusé à l'hôpital. Et si généralement les rapports établis à l'occasion d'un contrôle suffisent pour redresser une situation, ne serait-ce qu'en raison des enjeux de tarification, les correctifs proposés ne disposent d'aucun caractère obligatoire. En cas de blocage de la situation, c'est à la négociation qu'est confiée l'issue du désaccord.

La promesse de la DGAS de sortir prochainement le décret précisant les modalités de l'assermentation des IASS représente un premier pas. Consolidés dans leurs prérogatives sur le secteur social et médico-social, les inspecteurs resteraient néanmoins dans une position très incertaine auprès des établissements de santé. D'autant que, depuis une circulaire du 3 juin 2004 (4), c'est au directeur d'ARH de décider désormais d'un contrôle en le confiant à un « inspecteur de santé publique ou à pharmacien inspecteur de santé publique ». Tout au plus, concède le texte réglementaire, « rien n'interdit légalement que [ce contrôle] soit conduit par un inspecteur de l'action sanitaire et sociale ». Une précision qui illustre bien les aléas d'un positionnement large au sein d'une administration devenue, elle, si compartimentée.

Michel Paquet

LES DDASS ADOUBÉES PAR LES PRÉFETS

Les propositions de réorganisation de l'administration départementale, dressées par les préfets en réponse à la demande des services de Matignon, laissent penser que ses effets resteront modérés. D'après le secrétariat général aux affaires sociales, c'est l'attentisme qui prédomine. Seuls quelques préfets envisagent des redécoupages profonds dans l'organisation des services de l'Etat placés sous leur tutelle, pouvant éventuellement conduire à l'absorption de leur direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS). L'option la plus couramment retenue est celle d'un renforcement de la coopération interministérielle dans le cadre du développement des politiques publiques à l'échelon départemental, voire de la mutualisation de ces politiques sur des segments d'activités précis. Ce qui pourrait favoriser l'émergence de pôles de compétences et des missions inter-services dédiés à des secteurs comme le logement ou l'emploi. Le 18 janvier 2005, une réunion entre syndicats, comité technique régional et interdépartemental et directeurs de la DRASS et des DDASS d'Ile-de-France, avait montré cet attentisme des préfets. Sur les sept départements de la couronne parisienne, seul le Val-d'Oise était susceptible de s'engager dans un renforcement des services préfectoraux.

Mireille Vedeau-Ulysse (5)  : « Nous sommes arrivés au bout d'une logique »

Le couloir ressemble à tout couloir d'une administration d'Etat. Enfilade de portes fermées sur des bureaux interdits au public. Ambiance feutrée, signalétique discrète à usage interne. Sur l'une des cloisons, un panneau de liège attire le regard. Quelques tracts, au milieu des affiches de santé publique, renvoient en gros titres au tumulte extérieur : « Défendre l'administration sanitaire et sociale de l'Etat », « Menace sur les DDASS ». La DDASS du Vaucluse, dans la cité administrative d'Avignon, fait partie de ces DDASS moyennes, ni avantagée ni défavorisée. Située exactement au niveau 2 d'une échelle de moyens administratifs allant de 1 à 3, elle compte 82 emplois à temps plein, dont 20 %d'inspecteurs de l'action sanitaire et sociale, d'inspecteurs principaux et de médecins-inspecteurs, répartis en cinq pôles d'activité. Un effectif qui n'a guère varié depuis la fin des années 80. Tout au plus s'est-on mis à noter avec philosophie l'absence du chef de pôle « Cohésion sociale et handicap » depuis un an et demi environ, et quelques départs ici ou là qui n'ont pas été remplacés. L'augmentation des missions a été graduelle. En nombre et en intensité. Dans le pôle « Santé publique et prévention », les traditionnelles activités de prévention et d'éducation à la santé ont vite été rejointes par les dispositifs contre les addictions. Puis complétées par l'accroissement des plans de santé publique et par les recommandations émanant des diverses agences nationales qui se créaient. Parallèlement, elles trouvaient à se déployer sur les alertes sanitaires et sociales, l'organisation des plans de secours départementaux. Sans oublier la dernière mission en date : la lutte contre le bio-terrorisme (attaque à l'anthrax...), une activité qui nécessite la mobilisation de l'ensemble du service pendant les exercices déclenchés par le préfet. On ne peut pas dire qu'un pôle soit plus touché qu'un autre, car tous interviennent sur des secteurs sensibles dans l'opinion publique. « C'est à un bouillonnement d'objectifs de toutes sortes auquel nous faisons face », dit Caroline Callens, inspectrice principale et chef du pôle Santé-Environnement et « Sécurité sanitaire », un autre pôle particulièrement exposé dans les médias. « On vient par exemple de nous demander une réduction de la légionellose de 50 % d'ici à 2008, sans même que nous sachions à quoi correspond ce chiffre. Mais le Vaucluse compte 500 000 habitants, 151 communes, des écoles, des lycées, 200 établissements sociaux et médico-sociaux. Or nous sommes deux inspecteurs dans le service et nous resterons deux. » Près d'elle, contrastant avec un système informatique flambant neuf, quelques flacons en plastique servant au recueil des échantillons d'eau s'alignent sur des étagères. « Réellement, tant pour le législateur que pour les conseils généraux, il est difficile d'imaginer l'inadéquation entre nos missions et les moyens qui nous sont accordés. Nous sommes arrivés au bout d'une logique », commente gravement Mireille Vedeau-Ulysse, directrice de la DDASS du Vaucluse. Vues de ces bureaux silencieux, avec leurs piles de dossiers ordonnées, les grandes manœuvres de l'administration apparaissent lointaines. Trop de missions à accomplir pour cela. Trop de nouveaux publics d'exclus et de précarisés qui descendent vers le Sud et dont aucune autre administration locale ne veut ou ne peut s'occuper. Impossible dans ces conditions que le dernier filet de protection fasse défaut. « Nous sommes la voiture-balai de tous, comme l'explique Mireille Vedeau-Ulysse. Comment pourrait-on se passer de nos compétences ? Ce qui est vrai, en revanche, c'est que nous sommes en train d'évoluer vers des métiers de l'action sanitaire et sociale très différents de ceux qui existaient, il y a une dizaine d'années. Au niveau ministériel, il faudra bien un jour qu'on nous dise quelles missions abandonner, et pour ce qu'on estimera être notre cœur de métier, quels moyens y seront affectés. »

INSPECTION : UNE MAIGRE CAPACITÉ LOGISTIQUE

La mission d'inspection des IASS est la plus connue de toutes. C'est aussi la plus mal en point. Un inspecteur est aujourd'hui responsable de 110 établissements en moyenne, s'il intervient dans le champ des personnes âgées, et de 60 établissements, s'il se consacre aux personnes handicapées. Ce nombre peut parfois atteindre dans certains départements jusqu'à 160 établissements par inspecteur. Ce dernier, outre le contrôle du parc qui lui échoit, doit assurer des missions d'animation de réseau, de gestion, de tarification, d'allocation de ressources, de suivi des dossiers des comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale (CROSS). En ajoutant qu'un contrôle est effectué au moins par un binôme d'inspecteurs, on touche vite aux limites logistiques que les DDASS et DRASS peuvent déployer.

Notes

(1)  Sur l'histoire de la place des DDASS jusqu'en 1998, voir le Guide de l'action sociale contre les exclusions - Jean-Pierre Hardy - Ed. Dunod, 1999 - Voir ASH n° 2118 du 7-05-99.

(2)   « L'organisation des services territoriaux de l'Etat dans le domaine sanitaire et social : une évolution nécessaire » - Marie-Ange du Mesnil du Buisson et Emmanuèle Jeandet-Mengual - IGAS, 2004.

(3)  Circulaire du 16 novembre 2004 sur la réforme de l'administration départementale d'Etat - Voir ASH n° 2383 du 26-11-04.

(4)  Circulaire DHOS du 3 juin 2004 relative à l'exercice des pouvoirs de contrôle au sein des établissements de santé.

(5)  Mireille Vedeau-Ulysse est directrice de la DDASS du Vaucluse.

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