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L'atelier du juge

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Après 20 ans de pratique judiciaire, Laurence Bellon, vice-présidente au tribunal pour enfants de Lille, a eu envie de réagir. Réagir face aux pressions qui s'exercent sur l'intervention pénale de la justice des mineurs, tendant à décrédibiliser l'intérêt de son approche éducative au profit d'une demande accrue de répression. Réagir également aux conséquences de la décentralisation en matière d'assistance éducative, qui doivent se traduire - pour l'heure, à titre expérimental - par le transfert d'une partie des compétences civiles du juge des enfants aux conseils généraux. Réagir enfin, parallèlement, aux effets de ce recours incantatoire à la « Justice », qui conduit à la saisir d'un nombre important de situations d'enfants en risque de danger, relevant normalement de la compétence des conseils généraux.

Explorant ces différents terrains avec vivacité et méthode, Laurence Bellon donne à voir, de l'intérieur de son « atelier », comment travaille un juge des enfants. Assurément pas en solitaire, souligne la magistrate, qui insiste sur la contribution essentielle d'autres spécialistes de l'enfance pour éclairer sa décision, en particulier les éducateurs et les pédopsychiatres. Mais, probablement, les responsables de services éducatifs et de centres de formation de travailleurs sociaux n'ont-ils pas suffisamment conscience de cette fonction pédagogique de « passeurs » qu'assument les éducateurs, quand ils « s'obstinent à n'exiger que des faits et rien que des faits dans les rapports transmis aux juges des enfants », regrette l'auteur. Quant aux expertises psychiatriques, leur qualité constitue, aussi, un outil irremplaçable dans les affaires d'une grande complexité. Encore faudrait-il, pour attirer de plus nombreux psychiatres vers cette fonction, promouvoir le statut d'expert au sein de l'institution judiciaire et sa reconnaissance financière.

Symbole d'une magistrature novatrice, en prise avec la réalité sociale, le juge des enfants - né avec l'ordonnance du 2 février 1945 - est un personnage que Laurence Bellon défend ardemment. Les décennies passant, il est normal que la société fasse évoluer la demande qu'elle adresse à cette instance judiciaire, souligne-t-elle. Ainsi, la magistrate prône notamment la nécessité de déjudiciariser la tutelle aux prestations sociales et de transférer ce contentieux aux conseils généraux. « Il y a de l'indécence à attraire devant un juge des enfants des parents dont la seule faute est d'être piégés par une situation économique des plus dures », s'indigne l'auteur. En revanche, elle conteste le bien-fondé d'un recentrage des missions du juge des enfants sur le seul traitement des mineurs délinquants, cependant que toute la protection des enfants en danger deviendrait administrative. Doublement fragilisés par leur statut d'enfant et la situation de danger, ces mineurs doivent pouvoir bénéficier des attentions tutélaires de l'Etat.

L'atelier du juge. A propos de la justice des mineurs - Laurence Bellon - Ed. érès - 23 €.

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