Comment s'organise le réexamen des demandes d'asile rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) devant la commission des recours des réfugiés (CRR) ? Quelles sont les conséquences de la réforme du droit d'asile de décembre 2003 ? A la suite des opérations déjà conduites par Amnesty International en 2003 et par la Cimade en 1988, la Coordination française pour le droit d'asile (CFDA) (1) vient de livrer un rapport d'observation des audiences publiques de cette « première juridiction du pays » par ses effectifs (136 formations de jugement) et le nombre d'affaires jugées (39 160 décisions en 2004). La coordination a effectué sa campagne d'observation du 29 novembre 2003 au 3 décembre 2004 et a passé 802 affaires à la loupe (2).
Premier constat : rares sont les requérants présents à l'audience, en raison de la brièveté du délai légal de convocation (sept jours au moins avant) et de leurs difficultés à financer leur déplacement jusqu'à la commission. Constatant en la matière une « inégalité flagrante entre les demandeurs hébergés en centre d'accueil pour demandeurs d'asile et les autres », la CFDA propose que l'Etat prenne en charge les frais de dossiers et les frais de transport des requérants. Elle suggère également de mieux informer ces derniers sur le déroulement des audiences. Les intéressés sont en effet « parfois mal renseignés sur les procédures à suivre et l'attitude à adopter dans leurs démarches auprès de la CRR ».
La CFDA déplore en outre qu'en dépit de l'augmentation des effectifs de la commission (140 rapporteurs ont été recrutés en 2004) pour ramener le délai d'instruction à trois mois, au lieu de neuf aujourd'hui, le nombre d'affaires traitées par séance n'ait pas diminué (18 lors de sa campagne d'observation) (3). Ce qui entraîne immanquablement des différences de traitements, aggravées par un accès difficile à l'aide juridictionnelle. Cette dernière peut être octroyée aux demandeurs d'asile entrés régulièrement en France, détenant un titre de séjour valable au moins un an et sous conditions de ressources. Au cours de l'année 2004, la commission a enregistré 8 125 demandes d'aide juridictionnelle sur un total de 51 707 re-cours. Le taux d'admission à cette aide s'élevait à seulement 4,1 % de la totalité des requérants... Or la Coordination française pour le droit d'asile constate que le taux d'annulation des décisions de l'OFPRA passe à 31% pour les demandeurs accompagnés par un avocat, alors qu'il est de 19,8 % en moyenne. Ce qui conduit la CFDA à souhaiter que l'aide juridictionnelle soit accordée à tous les requérants et que son montant soit réévalué. Elle souhaite également un meilleur accès à un interprète qualifié dans la langue du choix du demandeur afin que le débat contradictoire puisse être respecté.
La coordination s'inquiète par ailleurs du nombre d'affaires réglées par ordonnances, la loi du 10 décembre 2003 ayant introduit un nouveau cas de recours à cette procédure, lorsque les demandeurs « ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision du directeur général de l'office ». 297 ordonnances de ce type ont été, selon elle, prises entre le 15 novembre et le 31 décembre 2004, portant la proportion de dossiers traités sans audience publique à 12 %. Ces procédures se soldant la plupart du temps par une confirmation du rejet de la demande d'asile, la CFDA exige une convocation systématique de tous les requérants et un recours exceptionnel aux ordonnances.
Constatant que les nouvelles notions introduites par la réforme, comme l'asile interne, sont peu favorables à une interprétation large de la définition de réfugié, elle recommande que la formation de jugement « procède au questionnement de chaque requérant de manière complète, précise et approfondie » et qu'elle lui accorde toujours le bénéfice du doute.
(1) Qui rassemble plus de 20 associations - C/o Amnesty International : 76, boulevard de la Villette - 75019 Paris - Contact : Patrick Delouvin - Tél. 01 53 38 65 16.
(2) Le rapport devrait être mis en ligne sur http://cfda. rezo. net.
(3) Le nombre de décisions rendues par la CRR a augmenté de 32,7 % en deux ans