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Un accueil spécifique pour répondre à l'urgence

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Chaque vendredi, depuis plus d'un an, une permanence pour les femmes victimes de violences fonctionne au centre communal d'action sociale de Clamart (Hauts-de-Seine). Conçue en partenariat avec plusieurs institutions et associations, elle permet d'apporter des réponses coordonnées à ces publics en détresse.

L'immeuble, construit dans les an-nées 50 au centre de Clamart (Hauts-de-Seine), est en travaux. Au deuxième étage, un accueil d'urgence pour les femmes victimes de violences a été mis en place en janvier 2004 par le centre communal d'action sociale (CCAS) (1).

Le projet est né d'un constat : les institutions et des associations de Clamart et des alentours recevaient depuis plusieurs années des femmes dans cette situation, mais aucune coordination digne de ce nom n'existait dans la commune pour leur apporter une réponse cohérente. Un comité de pilotage, animé par Isabelle Rakoff, adjointe déléguée aux droits de la femme, a donc été mis en place fin 2003 pour dessiner les contours d'un lieu d'accueil spécifique fonctionnant dans le cadre d'un large partenariat (2).

Depuis, chaque vendredi après-midi, Chantal Fermier, éducatrice spécialisée du conseil général des Hauts-de-Seine, tient la permanence et le cahier des doléances. « Officiellement, les consultations ne peuvent avoir lieu que le vendredi, mais en réalité, toute femme en situation d'urgence qui fait appel à nos services durant la semaine est bien évidemment prise en considération », explique-t-elle.

Rapidement, le lieu est devenu le réceptacle d'une grande partie des violences faites aux femmes de la commune. Entre janvier et octobre 2004,30 victimes ont été reçues au CCAS. Des cas de figure à chaque fois singuliers. « Dès qu'une femme se présente, j'essaie d'abord de l'orienter vers une assistante sociale, précise Chantal Fermier. Mais certaines ne veulent pas forcément entamer d'action immédiatement. On étudie les demandes au rythme de chacune. » Et pour cause, « le cheminement est parfois long avant de se décider à quitter le domicile conjugal », ajoute Anne-Charlotte Dos Santos, directrice adjointe du centre communal d'action sociale.

Quand la décision est prise, la priorité du service concerne le logement. « On commence par éloigner la femme du lieu des violences », indique Chantal Fermier. Le CCAS dispose pour cela d'un logement d'urgence de deux chambres pouvant accueillir en tout quatre personnes pendant deux mois au maximum. A celui-ci s'ajoutent deux « logements passerelles » au temps de résidence plus long - six mois renouvelables une fois. Le centre communal a également signé un partenariat avec l'association Flora-Tristan, qui gère un centre d'hébergement dans la ville voisine de Châtillon. En moyenne, sept femmes peuvent y être accueillies.

Par ailleurs, des conventions ont été passées avec des compagnies de taxis et des hôtels de Clamart, permettant ainsi au commissariat d'orienter, en dehors des heures d'ouverture du CCAS, les femmes venues porter plainte et qui ne peuvent plus rentrer chez elles. Une solution d'urgence pour quelques nuits seulement. « On s'attache à trouver des hôtels convenables. Les femmes qui font appel à nous arrivent chargées des émotions du foyer conjugal. On évite donc de les envoyer dans des hôtels qui sont généralement fréquentés par des hommes », précise Chantal Fermier. Quant aux enfants, ils ne sont pas oubliés. « Souvent, ils sont eux aussi maltraités, donc en grande demande d'amour vis-à-vis de leur mère. On prévoit toujours un lit pour eux, mais séparé de celui de la mère pour que ne naisse pas entre eux une relation ambiguë du fait de leur détresse », ajoute l'éducatrice.

Envisager la sortie

Mais les logements d'urgence proposés par le CCAS ne sont que provisoires. Passé les quelques semaines accordées pour faire face à l'urgence, il faut rapidement envisager la sortie. «  La majorité des femmes refusent la solution du logement collectif dans un foyer municipal, explique Anne-Charlotte Dos Santos . Rares sont celles également qui acceptent de partir vivre en province. Du coup, beaucoup retournent au domicile conjugal, si aucune action en justice n'a été engagée. Avec le risque d'un redémarrage des violences. » La directrice adjointe cite l'exemple de cette femme, hébergée un temps par le CCAS, et qui avait ensuite trouvé refuge provisoirement chez des amis. Rapidement, elle a dû revenir vivre avec son compagnon et les violences ont repris. « Elle a échoué dans la rue pendant quelques jours, jusqu'à ce que nous la reprenions en charge et que nous lui trouvions une place dans un foyer en province. » Cette histoire pose véritablement le problème du suivi. « La démarche des femmes est volontaire. Ce n'est pas nous qui allons les chercher. Certaines viennent une fois, reviennent une deuxième fois, mais disparaissent à la troisième. Dans ces cas-là, il nous est difficile de les suivre », reconnaît Chantal Fermier. La loi du 26 mai 2004 relative au divorce (3) prévoit qu'en cas de violences conjugales, c'est au mari de quitter le domicile et non plus à son épouse de le fuir. « Une excellente évolution qui va simplifier nombre de situations, à condition bien sûr que la loi soit réellement appliquée », tempère Anne-Charlotte Dos Santos.

Au-delà des questions de logement, l'essentiel de l'activité de l'éducatrice spécialisée repose sur un solide travail d'écoute. « Ce lieu est d'abord un endroit où les femmes se posent et évacuent leur douleur », explique Chantal Fermier. Souvent, leur discours est très vague et leurs attentes mal formalisées. « Elles ont le sentiment d'être perdues et nous appellent à l'aide. Il y a par exemple la femme dont le mari est parti et qui se retrouve seule avec des factures ou des dettes à régler. La femme qui divorce et qui doit trouver un avocat, ou s'occuper des enfants, parfois chercher un emploi si elle ne travaillait pas depuis longtemps. Elles ont besoin de nous expliquer ce qui se passe dans leurs vies, de vider leurs sacs pour y voir un peu plus clair. »

Surtout, les femmes qui se présentent au CCAS ne sont pas uniquement victimes de violences physiques. « Résumer ce centre à un lieu d'accueil pour femmes battues serait une grave erreur », affirme Anne-Charlotte Dos Santos. La violence peut prendre des visages multiples : violences physiques, certes, mais aussi morales ou sexuelles. Et de citer des cas de maltraitances de l'homme sur sa femme durant leurs relations sexuelles, sans forcément que des coups soient donnés. « De telles situations durent parfois depuis des années, précise Anne-Charlotte Dos Santos. La femme a souvent du mal à en parler car elle se croit peu crédible ou a honte d'avoir laissé faire si longtemps. »

Les violences psychologiques sont aussi fréquentes, liées à des pressions et des humiliations que l'homme fait subir à sa compagne au quotidien. Récemment, une femme enceinte est venue consulter. Depuis le début de sa grossesse, son mari s'acharnait à la dévaloriser physiquement. « C'était un véritable harcèlement moral, raconte Chantal Fermier . Nous avons travaillé avec elle en collaboration avec des sages-femmes du secteur, car elle commençait à rejeter son futur enfant, cause selon elle des railleries de son mari. » La travailleuse sociale livre cet autre exemple d'une dame âgée de 71 ans qui s'occupait seule de son fils handicapé psychique d'une quarantaine d'années. « Il lui faisait vivre un enfer au quotidien et elle craquait complètement. Notre travail ne se limite donc pas aux seuls cas de femmes battues dans leur vie de couple. »

Souvent au centre des discussions au CCAS, l'homme est pratiquement toujours absent du dispositif. « On ne contacte pas le mari ou le compagnon, précise Anne-Charlotte Dos Santos. Notre idée de départ n'est pas de faire un travail avec lui et sa femme. Nous ne sommes pas des médiateurs familiaux. Mais s'il se présente spontanément, nous acceptons bien sûr de le recevoir et de discuter avec lui. C'est arrivé une seule fois depuis la création du centre. » « Une femme était venue nous voir avec ses enfants pour nous faire part des violences que son mari lui faisait subir après avoir bu, se souvient Chantal Fermier. Puis elle est revenue quelques jours plus tard faire le point, mais avec lui. Nous nous sommes occupées d'elle, et lui a été reçu par un médecin du centre pour aborder ses problèmes d'alcoolémie. Ils sont repartis ensemble, et apparemment, tout se passe mieux entre eux. Parfois, nous les croisons en ville et ils nous disent que la situation s'est arrangée. »

Plus d'un an après la mise en place du centre, le dispositif a montré son intérêt : « un accueil de ce type était nécessaire, voire indispensable », estime Anne-Charlotte Dos Santos. La tenue d'une permanence par semaine peut sembler minime, mais « pour l'instant, c'est suffisant pour faire face à la demande », juge sa collègue, Chantal Fermier. D'autant que le rythme des venues n'est pas toujours régulier. « Les vacances scolaires sont une période creuse. En revanche, nous avons noté une forte augmentation des crises pendant les fêtes de fin d'année, périodes propices aux angoisses et surtout aux abus d'alcool », ajoute l'éducatrice spécialisée.

Le centre communal d'action sociale a plusieurs projets de développement en route. Le plus avancé concerne la mise en place d'ateliers de « restauration de l'image de soi », animés par une esthéticienne et une psychologue. « L'objectif de cette activité est de permettre aux femmes de retrouver physiquement confiance en elles, et aussi de construire une image plus présentable d'elles-mêmes si jamais elles doivent chercher un travail », défend la directrice adjointe du centre. Autre projet, mais à plus long terme : la création d'un groupe de parole qui réunirait plusieurs femmes.

Pour mener à bien de tels développements, l'embauche d'une seconde éducatrice spécialisée semble nécessaire. Travailler en binôme permettrait surtout à Chantal Fermier d'effectuer une fois par semaine une visite de contrôle dans les logements passerelles du centre. « Ce serait un suivi très important, car beaucoup de femmes, une fois installées, même provisoirement, n'osent pas se déplacer pour effectuer des tâches administratives indispensables à l'avancée de leur dossier ou hésitent à le faire. Je pourrais donc aller les voir, discuter avec elles, parfois même les accompagner à des rendez-vous. Vous n'imaginez pas les confessions que l'on peut recueillir dans une voiture pendant un trajet... »

Bastien Bonnefous

25 % DES FEMMES REÇUES DÉNONCENT DES VIOLENCES CONJUGALES

30 femmes ont été accueillies entre janvier et octobre 2004, ce qui représente 79 visites, certaines femmes étant reçues plusieurs fois. 12 sont venues spontanément, les autres ont été orientées par les services municipaux. La plus jeune avait 17 ans, la plus âgée 71.

 36 % sont des femmes mariées, 26 %sont célibataires, 20 % vivent en concubinage ;

 36 % sont salariées, et 33 % sans emploi ;

 25 % se sont présentées pour dénoncer des violences conjugales. 16 % pour être aidées dans des démarches administratives souvent liées à une séparation. 12 % pour un problème de logement. 29 % sont venues simplement pour être écoutées. Le centre dispose d'un budget annuel de près de 14 000 € pour les trois logements passerelles, et d'environ 9 000 € pour les aides d'urgence (hôtels, taxis, hébergement au centre Flora-Tristan).

Notes

(1)  CCAS de Clamart : 55, avenue Jean-Jaurès - 92140 Clamart - Tél. 01 46 62 35 50.

(2)  Outre la ville de Clamart, le conseil général des Hauts-de-Seine et le centre d'hébergement d'urgence Flora-Tristan à Châtillon, sont également partenaires du dispositif : la circonscription de la vie sociale de Clamart, la caisse d'allocations familiales et le Planning familial, diverses associations locales comme le Centre d'information féminin et familial, l'Association générale des familles et l'Association d'aide aux victimes d'infractions pénales.

(3)  Voir ASH n° 2383 du 26-11-04.

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