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L'accueil des stagiaires, partie intégrante d'une politique globale de GRH

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Valorisation des compétences des moniteurs de stage, stimulation de la réflexion sur les métiers et les pratiques, clarification des relations avec les centres de formation... Les structures du secteur social gagneraient à tous points de vue à formaliser leur politique d'accueil de stagiaires, estime Marie-Luce Raigneau, consultante et formatrice (1). La récente réforme du diplôme d'Etat d'assistant de service social leur offre, selon elle, l'occasion d'intégrer cet accueil dans leur politique de gestion des ressources humaines (GRH).

« Depuis de nombreuses années, l'apprentissage des métiers du social s'effectue dans le cadre des formations en alternance, mode qui souligne l'importance de la contribution des terrains au processus d'acquisition des capacités et des compétences professionnelles. Et la réforme du diplôme d'assistant de service social (2) conforte et complète cette reconnaissance, notamment en exigeant des terrains qu'ils se dotent d'un projet d'accueil, mettent en place un référent coordonnant l'action d'une équipe de professionnels, favorisent l'implication d'autres professionnels que ceux exerçant le métier pour contribuer à la formation des stagiaires et s'inscrivent dans une démarche de "site qualifiant ".

Tout en précisant les grandes orientations attendues, cette réforme laisse toute liberté aux institutions pour rendre ces éléments opératoires. Elle reconnaît ainsi le champ de compétences de chacune et sa responsabilité dans la conduite de sa politique d'accueil de stagiaires, politique qui dépasse la seule relation stagiaire-moniteur de stage (ou formateur terrain) (3), pour s'inscrire dans un processus plus large qui relève d'une politique de gestion des ressources humaines. Cela s'est particulièrement développé depuis ces dernières années, l'accueil de stagiaires devenant, pour les institutions, un des moyens de leur recrutement. Il leur permet de mieux se faire connaître et, espèrent-elles, apprécier, de façon à inciter les stagiaires à postuler, une fois leur diplôme obtenu. Par ailleurs, la formation des stagiaires sur les terrains professionnels est également l'occasion de former d'éventuels futurs collaborateurs en leur permettant d'acquérir les capacités et compétences professionnelles nécessaires à l'exercice du métier tel qu'il est pratiqué au sein de l'institution. La mission de former un stagiaire peut également participer au développement du professionnalisme des équipes et s'inscrire comme un acte de management visant à reconnaître et à valoriser les compétences des professionnels en poste.

Des pratiques trop souvent implicites

Les institutions professionnelles ont l'habitude d'accueillir des stagiaires issus de diverses écoles et se formant aux différents métiers du social : assistant de service social, mais aussi conseillère en économie sociale et familiale, éducateur de jeunes enfants, éducateur spécialisé, animateur... Cependant, cette tradition s'inscrit encore trop dans une relation interindividuelle entre moniteur et stagiaire et insuffisamment dans une dimension de service plus globale. Les pratiques sont souvent implicites, peu connues et propres aux professionnels qui accueillent des stagiaires. Les services gagneraient à les formaliser dans le cadre d'un projet général d'accueil et de formation des stagiaires, répondant en cela à une des orientations de la réforme. Cette formalisation contribuerait à aider les structures accueillantes à capitaliser des pratiques déjà existantes, à mutualiser des ressources et des moyens, et à mettre en œuvre un "management des compétences" favorisant, chez les moniteurs de stage, le développement d'un double niveau de compétences : professionnelles et pédagogiques.

Par ailleurs, elle permettrait également aux membres des équipes de partager une réflexion sur les évolutions de leurs métiers, les pratiques à développer et les compétences à maîtriser en fonction de leur institution et de ses missions, des populations auxquelles elles s'adressent, des lieux où elles interviennent, des évolutions sociales et économiques. Ces questions, déjà formulées individuellement par les professionnels accueillant des stagiaires, trouveraient ainsi des modalités de réponse collectives.

La formalisation du projet aiderait également à préciser le type de partenariat que les services souhaiteraient mettre en œuvre avec les centres de formation, afin de définir des modalités de collaboration qui tiennent compte des ressources, des contraintes et des logiques des différents acteurs engagés dans la formation en alternance.

La réforme encourage les sites à mettre en place un référent professionnel chargé de la coordination d'une équipe de professionnels. Il s'agit là de sortir de la relation duelle issue du modèle du compagnonnage pour entrer dans une dimension plus collective et de penser l'organisation de l'accueil comme la conduite d'un projet mobilisant différents acteurs, dont un qui assurerait une fonction de référent professionnel. Cette notion de mobilisation de différents acteurs renvoie à une typologie définie il y a quelques années à partir de l'analyse de la fonction tutorale dans les entreprises. Les études réalisées ont permis d'identifier trois niveaux de responsabilité à assumer : une responsabilité relevant du niveau de la direction et renvoyant à un tutorat hiérarchique, un tutorat-relais s'inscrivant au niveau d'un service et, enfin, un niveau de responsabilité lié à l'exercice du métier et appelé "tutorat opérationnel ". Ces responsabilités peuvent relever d'une seule ou de plusieurs personnes, selon la taille de l'entreprise et son mode d'organisation (de l'artisan à la très grande entreprise). Ces études, confirmées par les interventions que nous avons pu mener sur ce thème dans différentes entreprises, soulignent l'importance de la dimension collective de l'accueil et de la formation, et la nécessité de définir le rôle des différents acteurs, afin d'éviter une surenchère dans l'implication des professionnels ou un risque de morcellement dans l'organisation du stage.

Le rôle du référent professionnel

Ainsi, le rôle du référent professionnel, apparenté à celui du tutorat-relais, serait celui d'un responsable fonctionnel, chargé d'assurer les phases de conception, de mise en œuvre et d'évaluation d'un projet d'accueil et de formation de stagiaires concernant l'ensemble du service et ce, pour l'année ou les deux années à venir, de même qu'il pourrait être l'interlocuteur privilégié des centres de formation. Il pourrait également avoir pour responsabilité de formaliser et de capitaliser les pratiques et les outils développés lors de l'accompagnement des stagiaires, et notamment lors de la formalisation d'une convention de stage. Ce niveau de responsabilité peut être assuré par un professionnel de terrain ayant déjà accueilli des stagiaires, possédant des compétences pédagogiques et maîtrisant celles liées à la conduite de projet. Ces deux derniers champs de compétences ont particulièrement été développés dans le processus de professionnalisation des travailleurs sociaux, via les formations mises en œuvre, mais également dans le cadre du développement des actions collectives que les professionnels conduisent avec des partenaires extérieurs.

Le tutorat opérationnel revient aux professionnels qui, à travers l'exercice de leur métier, vont aider les stagiaires à acquérir les capacités professionnelles requises par celui-ci. Cette notion renvoie à l'exercice de la fonction de moniteur de stage tel qu'il existe depuis plusieurs années, en l'élargissant cependant à l'implication d'autres professionnels. Des pratiques d'accueil de stagiaires à deux ou plus, de façon systématique ou ponctuelle, existent déjà au sein de certains services, mais sont rarement formalisées et restent à l'initiative de quelques professionnels. A ce stade également, il convient de préciser le rôle de chacun des acteurs, notamment lors des étapes de co-construction et de co-évaluation du stage car la notion d'accueil collectif ne signifie pas que tous les professionnels sont amenés à accueillir le stagiaire et à être impliqués de la même façon durant son processus de formation. Par ailleurs, le fait que d'autres professionnels que ceux exerçant le métier peuvent être mis à contribution nécessite d'affiner le rôle de chacun.

Une chance pour les institutions

Les éléments de la réforme précisant ce qui est attendu des terrains de stage renforcent l'importance du rôle des professionnels et soulignent la nécessité de les reconnaître comme partenaires incontournables de la formation des assistants de service social. Ils peuvent également s'inscrire dans une politique générale d'accueil des stagiaires, quels que soient les métiers auxquels ils se préparent. Les incitations faites par la réforme offrent une chance aux services et institutions de formaliser leurs pratiques en matière d'accueil des stagiaires notamment par une meilleure inscription dans leur politique de gestion des ressources humaines, l'existence d'un projet d'accueil, la mise en place d'une organisation structurée sous la responsabilité d'un chef ou coordonnateur de projet (référent professionnel), l'implication de différents professionnels, la formalisation de pratiques. Tous ces éléments pourraient constituer, au-delà du fait que le site correspond bien à une ou des compétences visées par les référentiels métiers, des critères permettant de spécifier que le site est qualifiant. »

Marie-Luce Raigneau Contact : 55, boulevard de la Villette - 75010 Paris - Tél.01 42 00 07 69 - E-mail :marie-luce.raigneau@wanadoo.fr.

Notes

(1)  Marie-Luce Raigneau intervient notamment pour accompagner des services sociaux en matière de management et d'organisation. Elle organise également des formations de monitorat de stage.

(2)  Voir ASH n° 2370 du 27-08-04.

(3)  L'auteur utilise plus volontiers le terme « moniteur de stage » que « formateur terrain », « considérant que le monitorat de stage est une des fonctions à assurer par les professionnels au sein de l'exercice de leur métier, mais qu'il n'est pas le tout de leur métier ni son axe prioritaire. La notion de formateur, même complétée par le mot terrain, renvoie plus à l'exercice du métier de formateur. »

TRIBUNE LIBRE

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