« Désinsulariser » le handicap en sortant du normocentrisme imposé par les bien-portants, qui conduit « ceux qui ne sont pas du bon côté du hasard » à vivre dans un état de « suspension sociale », ni totalement ignorés, ni pleinement reconnus : tel est le propos de Charles Gardou, enseignant et formateur, co-président, avec Julia Kristeva, du Conseil national « Handicap : sensibiliser, informer, former », initiateur des états généraux du handicap organisés à Paris le 20 mai (voir ASH n° 2407 du 13-05-05). Pour parvenir à cette « révolution culturelle » qui garantisse leurs droits aux plus vulnérables - à commencer par celui d'être eux-mêmes, et non pas rassemblés sous une étiquette commune qui les réduit à leur déficience et gomme l'originalité de leur identité -, l'auteur propose d'autres manières de penser et de prendre en compte le handicap. Parmi celles-ci, l'approche à partir de la notion de vie autonome lui semble particulièrement intéressante, en ce qu'elle rompt avec une vision dichotomique des situations qui établit une ligne de partage entre les personnes qui peuvent entrer dans le moule en s'adaptant aux structures éducatives, professionnelles et sociales existantes et celles qui, ne le pouvant pas, sont orientées vers des lieux de réadaptation spécialisés, où elles mènent une existence « périphérisée ». A contrario, explique Charles Gardou, le mouvement pour la vie autonome vise à permettre à chacun, autant que faire se peut compte tenu de la sévérité de son handicap, de mener l'existence de son choix moyennant un accompagnement approprié. Ainsi « ceux qui requièrent une assistance, temporaire ou permanente, peuvent se livrer à des activités qu'ils sont incapables d'accomplir seuls, et rester ainsi au sein de leur collectivité naturelle ». Entre une intégration-dilution ne s'opérant qu'au prix d'un « dépouillement identitaire » et une focalisation sur la différence qui justifie la mise à l'écart des « non-conformes », il est possible d'établir « des principes de vie neuve avec, pour et à partir des plus vulnérables », affirme l'auteur. Mais cela suppose, bien sûr, de changer de regard, montre-t-il en donnant à voir ce que vivent, au quotidien, les personnes en situation de handicap et leur entourage. A cet égard, force est de constater qu'il reste un long chemin à parcourir pour bannir clichés et préjugés afin que l'altérité ait véritablement droit de cité. Fragments sur le handicap et la vulnérabilité. Pour une révolution de la pensée et de l'action - Charles Gardou - Ed. érès - 25 €.
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Fragments sur le handicap et la vulnérabilité
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