Recevoir la newsletter

Un nouveau rapport recommande de supprimer les « incohérences » et les « effets pervers » des minima sociaux

Article réservé aux abonnés

Le constat est connu : souvent soupçonné de décourager la reprise d'activité, le système français d'assistance aux plus défavorisés se singularise par sa « grande complexité » et son « opacité » pour ses bénéficiaires. Lesquels « ne comprennent pas la mécanique des différentes prestations, ont parfois l'impression de décisions arbitraires et se sentent pris au piège de leur statut ». C'est donc moins sur ce bilan que sur les recommandations qu'il formule pour réduire certains « effets pervers » des minima sociaux que le rapport de la sénatrice (UC-UDF) du Nord Valérie Létard (1) est novateur. Il s'inscrit toutefois dans la même veine que celui de la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté », présidée par Martin Hirsch, dévoilé il y a moins d'un mois (2).

Dans ses conclusions rendues publiques le 18 mai, la parlementaire - qui a pris l'initiative de ce rapport - fait en effet valoir que l'amélioration du dispositif est « nécessaire et réalisable ». Le renforcement de « la connaissance des minima sociaux par la conduite d'études transversales sur l'ensemble des allocations et de leurs droits connexes » y contribuerait. Cet objectif pourrait être atteint, notamment, par la désignation d'une « direction unique pour le pilotage du système d'information » en cette matière, mais aussi par la mise en place d' « outils de suivi et de diagnostic partagés entre l'Etat et les collectivités locales ».

Autre « marge de progrès exploitable à court terme » : l'amélioration de la cohérence interne du système. « Le calendrier de versement des différentes prestations et les différences de période de référence en matière de ressources peuvent perturber [...] l'échéancier des revenus des bénéficiaires de minima sociaux, avec des effets parfois dramatiques pour des budgets aussi restreints. » La rapporteure plaide dès lors pour la mise en place d'un calendrier de versement unique des prestations. Elle estime également qu'il est aujourd'hui indispensable d'harmoniser les périodes de référence en matière de calcul des ressources. Et suggère, à cet égard, plusieurs pistes pour « lisser dans le temps la chronologie des revenus des bénéficiaires » : le développement de la pratique des avances sur droits supposés (3), la coordination des délais de prise en compte des changements de situation des bénéficiaires (4), la poursuite de la mise en cohérence des droits connexes ouverts à chaque minimum social...

Par ailleurs, le rapport préconise de supprimer les aides liées au statut de l'allocataire, à tout le moins « quand ce critère ne constitue en réalité qu'un moyen commode d'apprécier une condition de ressources » (5). Parallèlement, afin d' « améliorer l'équité du système redistributif en faveur des ménages à bas revenus » , il propose de généraliser le recours à un système de quotient familial. Lequel « permettrait de moduler le barème des aides en fonction des ressources du ménage mais également de ses charges ». L'utilisation d'un tel barème « ne signifie pas pour autant l'uniformisation des montants accordés, qui doivent rester fonction des priorités de chaque financeur et des dotations disponibles, mais uniquement l'harmonisation des conditions d'accès aux aides ». En outre, ces aides devraient être « dégressives en fonction du revenu » , selon la sénatrice du Nord, qui met en garde contre des « critères de ressources qui fonctionneraient comme des couperets ». Celle-ci est en revanche plus mesurée sur l'opportunité de fusionner certains minima sociaux (l'allocation aux adultes handicapés et le minimum invalidité par exemple).

Autre axe privilégié : mettre l'accent sur le retour à l'emploi. A cet égard, Valérie Létard estime qu' « un effort important doit être engagé en matière de développement des modes de garde [des enfants] , afin notamment d'éviter d'accentuer la pauvreté des familles monoparentales ». Un constat que partage d'ailleurs le rapport Hirsch. La sénatrice se prononce par ailleurs pour la généralisation à l'ensemble des bénéficiaires de minima sociaux de l'accompagnement vers l'emploi, applicable à ce jour au seul revenu minimum d'insertion.

Plus généralement, elle considère qu'il convient de rechercher une meilleure articulation entre minima sociaux et revenus d'activité en réfléchissant à la forme que devrait prendre à l'avenir la garantie d'un revenu minimum et aux modalités de son articulation avec les revenus du travail. A ce sujet, la rapporteure estime que la mise en place d'une allocation universelle (6) « n'est pas une solution en phase avec la philosophie générale du système français ». « Sous couvert d'une simplification radicale des prestations sociales, le risque est grand d'assister à un affaiblissement de notre système de protection sociale, une allocation forfaitaire et universelle ne pouvant, par définition, s'adapter aux situations particulières », explique-t-elle. En revanche, les propositions d'allocation compensatrice de revenu (modélisée en 1999 par l'économiste Roger Godinot) ou de revenu de solidarité active (avancée par la commission Hirsch) trouvent davantage grâce à ses yeux. Selon elle, celles-ci pourraient présenter « des pistes de développement intéressantes », et ce, « malgré le risque d'encouragement au temps partiel qu'elles pourraient engendrer ».

A noter que les conclusions de ce rapport, adoptées par la commission des affaires sociales du Sénat, devraient être approfondies dans le cadre d'un groupe de travail, qui devrait aboutir à une proposition de loi.

T.R.

Notes

(1)   « Minima sociaux : concilier équité et reprise d'activité » - Disponible sur le site du Sénat (www.senat.fr).

(2)  Voir ASH n° 2405 du 29-04-05.

(3)  A l'heure actuelle, un tel dispositif n'existe que pour l'allocation aux adultes handicapés et uniquement dans le cas du renouvellement de ce minimun social.

(4)  A cet égard, le rapport rappelle que, malgré la réforme des allocations de logement entreprise en 2000 et 2001, il subsiste une disposition qui pénalise les bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent une activité professionnelle : l'augmentation des revenus provoquée par le retour à l'activité est intégrée en temps réel par les caisses d'allocations familiales pour le calcul de l'allocation logement, alors qu'en cas de cessation d'activité, le demandeur devra patienter jusqu'au 1er juillet - date de la révision de l'allocation - pour voir sa nouvelle situation prise en compte et son allocation majorée.

(5)  Le rapport insiste sur les effets pervers de ce mécanisme, notamment dans le cas du revenu minimum d'insertion. La sortie de ce dispositif entraîne en effet notamment, rappelle-t-il, la perte immédiate et automatique du bénéfice de l'allocation de logement à taux plein, de l'exonération de taxe d'habitation, du droit à la couverture maladie universelle de base et complémentaire gratuite ou encore de la prime de Noël.

(6)  Voir ASH n° 2327 du 3-10-03.

LE SOCIAL EN TEXTES

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur