Recevoir la newsletter

Simplification du droit : allégement ou libéralisation ?

Article réservé aux abonnés

S'agit-il seulement de « supprimer certaines dispositions obsolètes et d'alléger des procédures trop lourdes ou complexes » ? On peut en douter à la lecture du projet d'ordonnance portant simplification du droit dans le domaine de l'action sociale actuellement soumis à la concertation (1). Sur ses 45 articles (et autant de thèmes différents), certains ont une véritable portée législative.

Des points positifs

Sur plusieurs points, le secteur se réjouit des mesures proposées. Notam-ment quand il est question d' « assouplir le lien entre autorisation et financement d'un établissement ou d'un service ». Il s'agit d'abolir la règle aberrante qui subordonne l'autorisation de création de places dans le secteur médico-social à la disponibilité, dans le budget de l'année en cours, des montants nécessaires à leur fonctionnement, alors même qu'elles ne pourront, vu les délais nécessaires à la construction, ouvrir effectivement qu'un ou deux ans plus tard. Règle qui a pour effet de laisser sans emploi des crédits inscrits tout en gelant de nombreux projets qui ne coûteraient rien dans l'immédiat. Le texte offre donc la possibilité « d'autoriser avec un effet différé » à un ou deux ans, dans la limite d'une « fraction prudentielle » des créations nouvelles prévues. « C'est une mesure très attendue, notamment pour les maisons de retraite où les besoins sont énormes et où de nombreux projets sont bloqués », souligne Isabelle Desgouttes, directrice du secteur des personnes âgées à la FEHAP. Un avis partagé par toutes les associations membres du groupe de réflexions et d'échanges, constitué depuis les débats sur la loi 2002-2 - APF, ADMR, FNARS, FEHAP, Unassad, Unapei et Uniopss - qui a envoyé, le 3 mai, à la direction générale de l'action sociale (DGAS), une première série de réactions sur le projet. Rappelant qu'il n'était pas « favorable à la référence à des enveloppes limitatives de crédits comme critère de délivrance des autorisations », le groupe considère que ce qui devrait compter, « c'est la satisfaction des besoins de la population et le respect d'un certain nombre de règles d'organisation et de fonctionnement ».

Autre point positif, souligné par Alain Villez, conseiller technique de l'Uniopss : celui qui rétablit la compétence des présidents de conseils généraux sur la formation des accueillants familiaux. « C'est une mesure qui aurait dû être prise depuis longtemps. »

La généralisation du versement de l'allocation personnalisée d'autonomie aux maisons de retraite sous forme d'une dotation globale, ou encore la sécurisation du financement en cas de maintien d'un jeune adulte dans un établissement au titre de l'amendement Creton sont aussi approuvées par le groupe. Il en va de même pour l'extension du périmètre de la loi 2002-2 aux équipes de prévention spécialisée et aux mesures d'investigation relevant de la protection judiciaire de la jeunesse. En revanche, il regrette la suppression de l'autorisation préfectorale actuellement nécessaire aux foyers de jeunes travailleurs. Comme l'Union nationale des FJT, il estime que, malgré la « lourdeur » des procédures, elle donne l'occasion de valider le projet d'établissement et de reconnaître l'identité propre à ces structures.

Une autre disposition suscite de fortes inquiétudes, celle qui « supprime la tarification administrée » des établissements d'hébergement pour personnes âgées accueillant « un nombre minoritaire de bénéficiaires de l'aide sociale ». « Le terme "minoritaires" étant entendu jusqu'à 49,9 %, c'est la quasi-totalité des établissements publics et associatifs qui est visée », souligne Alain Villez. Le texte leur donnerait une liberté de tarification, sauf pour les places occupées par les bénéficiaires de l'aide sociale, dont le barème resterait fixé par le conseil général. « Il n'est plus possible, défend la DGAS dans l'exposé des motifs, qu'un tarificateur minoritaire refuse une autorisation d'emprunt pour humaniser les locaux ou la création d'un poste pour l'animation afin de contenir l'augmentation des tarifs d'hébergement, alors que les usagers payants sont prêts à l'accepter et seront en mesure d'en apprécier concrètement les effets. »

Tarification à plusieurs vitesses ?

« N'est-ce pas renvoyer les responsables d'établissements à une logique purement économique, pour ne pas dire marchande ?, demande Alain Villez. Et pousser à une individualisation des tarifs, voire à une offre de prestations à plusieurs vitesses au sein d'un même établissement ? » Certains évoquent même le risque d'éviction des bénéficiaires de l'aide sociale... « Le texte a été amélioré par rapport à la première version qui nous avait été soumise à l'automne dernier » (2), reconnaît Alain Villez, notamment en encadrant les tarifs de l'aide sociale et en « équilibrant les droits et les obligations des partenaires », comme le dit la DGAS. Reste que le groupe de réflexion préférerait qu'on s'en tienne à une « tarification basée sur la réalité des coûts des établissements ». A défaut, il demande que le texte affirme plus explicitement que le basculement vers le nouveau système reste optionnel.

La Fédération hospitalière de France n'a pas encore fait connaître sa position, mais elle est aussi très réservée sur ce point. « Nous sommes dans un secteur où le manque de places est tel que les usagers n'ont pas vraiment le choix, rappelle David Causse, adjoint au délégué général. Or on y constate des prix anormalement bas, imposés par des conseils généraux malthusiens, mais aussi des prix anormalement hauts, notamment en région parisienne. Alors, oui, il faut ouvrir le dossier de la tarification de l'hébergement, mais complètement. Il est urgent, par exemple, de revoir la règle selon laquelle le coût de la direction et de l'animation est entièrement imputé sur ce poste, payé par le résident, et pas sur la dépendance ou sur les soins, partiellement pris en charge par la collectivité. »

D'autres articles rencontrent des oppositions. C'est le cas, par exemple, de la mesure qui supprime la date limite de fixation par les autorités des tarifs des établissements. Il n'est pas admissible que ceux-ci soient parfois notifiés en novembre ou en décembre pour l'année écoulée, proteste le groupe de réflexions, qui demande au contraire l'instauration de sanctions pour les tarificateurs retardataires. Les associations continuent aussi d'être défavorables à la suppression des commissions d'admission à l'aide sociale et demandent, si la disposition est maintenue, d'instituer une voie de recours non contentieuse, par la saisine du correspondant départemental du médiateur de la République.

Deux régimes pour l'aide à domicile

Restent les trois mesures qui ont trait à l'aide à domicile, sur lesquelles la concertation se poursuit entre associations, une position devant être arrêtée à l'occasion du conseil d'administration de l'Uniopss, le 25 mai. L'accord semble général pour intégrer, comme le propose l'ordonnance, les services d'aide aux familles en difficulté dans le périmètre de la loi 2002-2 (dont ils étaient seuls exclus). De même pour permettre que les procédures d'autorisation et de tarification puissent être effectuées au plan des fédérations départementales, pas forcément dans chaque service, comme le souhaitait l'ADMR.

En revanche, la disposition inspirée par le plan Borloo, qui vise à exonérer les opérateurs d'aide à domicile qui le souhaiteront de la procédure d'autorisation et de tarification de la loi 2002-2, est sérieusement discutée. Ces opérateurs ne seraient alors soumis qu'à l'actuel « agrément qualité » - « une passoire qui ne garantit rien du tout », reconnaissent les professionnels comme les départements - et pourraient librement fixer leurs tarifs de gré à gré avec le « client ». « Un dispositif plus libéral », commente la DGAS. Pierre Debons, directeur adjoint de l'ADMR, ne voit pas d'inconvénient à cette liberté d'entreprendre, dans la mesure où les autres dispositions de la loi 2002-2 sur les droits des usagers, les contrôles et l'évaluation périodique restent applicables. « C'est cette régulation là qui nous importe. » L'Unassad ne partage pas ce point de vue, « ou alors il faut une véritable procédure d'agrément qui donne des garanties pour l'usager », indique Frédérique Decherf, directrice de la communication. Pour sa part, l'Uniopss refuse une « mesure choquante ». Dès lors qu'il « s'agit de services aux personnes fragiles, précise Alain Villez, il ne peut y avoir de dérogation à la protection accordée par la loi ».

M.-J.M.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2386 du 17-12-05.

(2)  Voir les réactions à cette première version du texte dans les ASH n° 2382 du 19-11-04.

LE SOCIAL EN ACTION

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur