Recevoir la newsletter

Les missions locales, instruments de développement local

Article réservé aux abonnés

A l'heure où les missions locales signent, avec l'Etat et les collectivités territoriales, un protocole national d'engagement en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes (voir ce numéro), Patrice Manuel, directeur de la mission locale Pau-Pyrénées, insiste sur l'ancrage territorial de ces structures et sur la nécessité pour elles de mettre leurs ressources au service du développement local.

« Les missions locales ne sont pas inscrites dans le service public de l'emploi. A cela il me semble opportun d'ajouter plusieurs précisions qui, rassemblées, peuvent donner du sens à l'originalité de ces organismes.

Ainsi, la loi de programmation pour la cohésion sociale, qui inscrit les missions locales dans le code du travail, indique : "Des missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes peuvent être constituées entre l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des organisations professionnelles et syndicales et des associations. Elles prennent la forme d'une association ou d'un groupement d'intérêt public." La circulaire du 18 août 2004 sur leur financement (1) précise, quant à elle, leur rôle. L'Etat y confirme la mission d'accompagnement, d'observation de la population "jeunes ",d'ingénierie de projets, de participation à la définition de politiques publiques en direction des 16-25 ans. Il maintient leur fonction historique de développement d'une action transversale en direction de cette population.

L'association "loi 1901" est une personnalité juridique autonome, qui décide de ses orientations, prend ses décisions. Cette forme donne la possibilité à ces organisations conçues par Bertrand Schwartz d'être des espaces d'innovation, de construction de ressources originales au service des jeunes. Ne pas être inscrit dans le service public de l'emploi et être une association "loi 1901" me semble une garantie nécessaire - pas toujours suffisante -pour ne pas devenir le bras armé d'un seul partenaire public.

Le mérite de la loi de programmation pour la cohésion sociale réside également dans la possibilité laissée aux partenaires publics - Etat, collectivités locales - de créer et de piloter ensemble une mission locale. Elles ont été créées en 1980 comme des organismes de proximité réunissant la puissance publique, les organisations professionnelles et les associations pour qu'ensemble elles conçoivent et mettent en œuvre une politique la plus cohérente possible en direction des jeunes de 16 à 25 ans.

Conserver cette capacité de déranger

On accuse les missions locales de n'avoir pas voulu être décentralisées. Il me paraît opportun de dire qu'on ne décentralise pas des organismes qui ont une existence juridique propre et qui ont eux-mêmes été conçus, dès les années 80, comme des instruments de décentralisation de l'action publique dans le domaine de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Le passage de la loi sur les libertés et les responsabilités locales - finalement abandonné -consacré aux missions locales ne pouvait satisfaire ni ces dernières, ni les régions, dans la mesure où il enfermait ces structures dans l'accueil, l'information et l'orientation. Comme l'indiquait récemment dans ces colonnes Philippe Labbé (2), leur place particulière d' "entre-deux" les conduit à tenter de concilier des positions contradictoires entre ces partenaires qui ont des visions et des volontés parfois opposées, ce qui est certes source de fragilité mais aussi d'inventivité.

Ainsi ces organismes peuvent s'aventurer sur le terrain de l'innovation et tenter de porter une analyse, d'élaborer un discours sur les jeunes. Certains voudraient que cette capacité de déranger soit remplacée par la seule mission de gestion des dispositifs. Ils font une erreur. La place des jeunes dans notre société ne peut se résumer à une gestion technique de parcours d'insertion. Elle doit faire l'objet d'un débat politique. Ce dernier ne peut exister que si des analyses et des réflexions s'opposent et si des alternatives existent. Aujourd'hui, quels sont les organismes qui, en dehors de l'école, accueillent autant d'usagers jeunes et sont structurés, même imparfaitement, pour formuler une analyse sur la vie des jeunes, leurs aspirations, leurs souhaits, leurs difficultés, leurs interrogations ?

Il faut laisser aux missions locales cette possibilité de déranger, d'énoncer un discours non convenu, d'imaginer des modes d'intervention nouveaux au service d'une jeunesse qui n'est plus celle des années 80.

L'intérêt des missions locales réside dans leur capacité à analyser la situation des jeunes et à concevoir, avec d'autres, des ressources et des actions à leur service, dans un environnement institutionnel profondément modifié depuis la loi de décentralisation des années 80, et qui ancre l'intervention dans les territoires de proximité. Ces derniers deviennent un champ d'expériences important dans le domaine du développement local, défini par Bernard Vachon (3) comme "l'accès à un mode de vie dans lequel la personne revêt plus d'importance que la production de biens et de services, où son épanouissement personnel et collectif est d'un intérêt supérieur à sa fonction de consommateur ".

De nombreux acteurs mettent leurs ressources au service du développement social, culturel et économique des territoires dans lesquels ils agissent. Nous assistons à un fourmillement d'idées et d'expériences. La création des communautés de communes et d'agglomérations puis des pays a renforcé ce mouvement qui tend à réunir tous ceux qui veulent créer de nouveaux rapports entre les habitants, qu'ils soient organisés ou non. Les missions locales doivent résolument s'engager dans ce mouvement. Organismes de proximité chargés de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes, elles peuvent aussi devenir des instruments de développement local au service des jeunes.

Elles ont été créées au service de ceux qui sont en difficulté. Elles doivent continuer. Mais les jeunes sont aussi capables de créer, d'innover, de participer au développement du territoire dans lequel ils vivent. Les missions locales doivent leur permettre de mettre en œuvre leurs idées. Elles doivent devenir des espaces démocratiques dans lesquels ils s'expriment, échangent, inventent des actions, élaborent des ressources au service des hommes et des femmes vivant dans ces territoires de proximité.

Les méthodes, les outils sont à concevoir. Les missions locales ont su le faire pour mettre en œuvre l'insertion sociale et professionnelle des jeunes depuis les années 80. Elles ont les moyens de recommencer ce chantier. »

Patrice Manuel Mission locale pour les jeunes Pau-Pyrénées : Complexe République -64000 Pau Tél.05 59 98 90 40.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2371 du 3-09-04.

(2)  Voir ASH n° 2391 du 21-01-05.

(3)  in Le développement local, théorie et pratique - Editions Gaëtan Morin, 1993.

TRIBUNE LIBRE

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur