Le marché intérieur est l'un des fondements essentiels de l'Union européenne. Il constitue l'aboutissement du traité de Rome, qui prévoyait l'établissement d'un« marché commun » reposant sur quatre libertés économiques (libre circulation des marchandises et des capitaux, libre prestation de services et libertéd'établissement) ainsi que sur la libre circulation des personnes.
Mentionnées de façon assez succincte dans les traités fondateurs, ces libertés ont donné lieuà une réglementation et à une jurisprudence abondante destinées à lutter contre certaines entraves nationales. Ce qui n'a pas été sans susciter certaines frictions, notamment en matière sociale (libre prestation de services, remboursement des soins par la sécuritésociale...). Le marché intérieur a aussi été un facteur d'harmonisation de certaines législations, par exemple en matière de reconnaissance des qualifications et de marchés publics.
La libre circulation des marchandises entraîne l'interdiction, dans le commerce intracommunautaire, des droits de douane et des taxes d'effetéquivalent, ainsi que des restrictions quantitatives auxéchanges et des mesures d'effet équivalent (art. 23 Traité CE ; art. III-153 du projet de Constitution).
La libre circulation des capitaux prescrit la suppression de toutes les restrictions aux mouvements des capitaux (placement ou investissement) ainsi que de celles qui sont relatives aux paiements (marchandise ou service) (art. 56 Traité CE ; art. III-151 du projet de Constitution).
La libre prestation de services permet à un ressortissant ou à une entreprise communautaire de fournir un service dans un autre Etat membre que son Etat d'origine (art. 49 Traité CE ; art. III-144 du projet de Constitution).
Le droit d'établissement vise la possibilité pour les non-salariés et les entreprises de s'implanter dans un autre Etat membre et d'y exercer leur activité dans les mêmes conditions que les nationaux (art. 43 Traité CE ; art. III-137 du projet de Constitution). A noter : la libre circulation des personnes vise àpermettre aux citoyens européens d'aller et venir dans tous les pays de l'Union européenne, d'y résider et d'y travailler en gardant une certaine couverture sociale. La plupart de ces dispositions (entrée et séjour, égalitédes droits et prestations sociales) sont aujourd'hui rassemblées dans un seul texte qui doit être transposé en droit français avant mai 2006 (1). La partie concernant la sécuritésociale est en cours de réforme (si le règlement de base a été adopté en avril 2004, ce n'est pas le cas du règlement d'application).
Les règles du marché intérieur sont applicables dans les 25 (et bientôt 27, avec l'adhésion prévue en 2007 de la Roumanie et de la Bulgarie) Etats membres de l'Union européenne - avec certaines périodes transitoires pour les pays d'Europe de l'Est - et dans quatre autres pays européens (2).
La non-discrimination « en raison de la nationalité » est un des principes européens fondamentaux (art. 12 Traité CE ; art. I-4 et III-123 du projet de Constitution). Elle interdit de réserverà un Européen (personne physique ou morale) un traitement différent de celui réservé à un national. Le ressortissant ou l'entreprise communautaire doit bénéficier du traitement national.
Concomitante au principe de non-discrimination, qu'elle met enœuvre, l'élimination des entraves de toutes sortes (réglementation, pratique administrative, règle professionnelle...) constitue pour les institutions européennes une préoccupation première, particulièrement en matière de services.
Le principe de reconnaissance mutuelle a étéconsacré par la Cour de justice des Communautés européennes, en 1979, dans l'arrêt « Cassis de Dijon ». Il postule que la législation d'un autre Etat membre est équivalente dans ses effets à la législation nationale. Bien que concernant avant tout les marchandises, ce principe a eu aussi un impact sur les autres libertés, notamment dans le domaine de la prestation de services avec la reconnaissance mutuelle des diplômes.
Tous les services ne sont pas régis par la libre prestation au niveau communautaire. Une définition, affinée en grande partie par la jurisprudence, délimite cette notion.
Les services sont définis, au plan communautaire, comme« les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux » (art. 60 Traité CE ; art. III-145 du projet de Constitution).
La notion de « rémunération » élimine toute prestation gratuite d'assistance maiségalement certaines activités publiques comme les cours dispensés dans le cadre de l'Education nationale, quand bien même les parents paieraient certains frais de scolarité (3). De même, ne sont pas soumises aux principes communautaires les« activités dont les éléments pertinents se cantonnent à l'intérieur d'un seul Etat » (4).
Selon la définition du traité des Communautés européennes, le prestataire de services doit, « pour l'exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans l'Etat membre où la prestation est fournie dans les mêmes conditions que celles que cet Etat impose à ses ressortissants ».
Cette notion d'« exercice temporaire »marque la frontière entre l'établissement et la prestation de services, certaines règles pouvant être imposées dans un cas - notamment en matière sociale -mais pas dans l'autre.
Exemple : une société exploitant des résidences pour personnes âgées ne peut se prévaloir de la libre prestation de services pouréchapper à certaines de ses obligations concernant les prestations régulièrement fournies à ses pensionnaires qui séjournent à titre permanent ou pour une période indéterminée (5).
Echappent au principe de liberté de prestation des services les « activités liées à l'exercice, même à titre occasionnel, de l'autoritépublique ». Des restrictions peuvent être aussi apportées « si elles sont justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique » (art. 45 et 46 TraitéCE ; art. III-139 et III-140 du projet de Constitution). Comme toute exception à une liberté communautaire, cette notion est interprétée strictement par la Cour de justice des Communautés européennes.
Une jurisprudence abondante est venue préciser les relations entre libre prestation de services et droit social. C'est sur cette base qu'a été élaborée la directive sur le détachement des travailleurs (6).
Le fournisseur de services de l'Union européenne ne peutêtre soumis dans l'Etat membre où il exerce sa prestation qu'à la réglementation « justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général » et uniformément applicableà toute entreprise exerçant la même activitésur le territoire concerné. Cette disposition ne peut aboutirà imposer des règles auxquelles le prestataire est déjà soumis dans son pays d'origine (7).
De même, il ne peut être imposé au prestataire, « même par des lois de police et de sûreté », de payer certaines cotisations sociales et de délivrer certaines formalités aux salariés, « s'il est soumis à des obligations comparables » dans son pays. Il peut exercer sans avoirà solliciter une autorisation de travail pour ses salariés. « Il doit avoir la possibilitéd'utiliser à loisir le personnel qui constitue le noyau de son entreprise parce que cela est indispensable pour l'exercice efficace de l'activité de l'entreprise » (8).
Seules peuvent être imposées les formalités« pour assurer un contrôle effectif du respect de [la] réglementation [du pays dans lequel est assurée la prestation du service] justifiée par la sauvegarde de la protection sociale des travailleurs », et non celles qui peuvent paraître disproportionnées (9).
Un fournisseur de services est tenu de respecter la rémunération minimale fixée par la loi et celle qui est fixée par la convention collective de travail, dans la mesure où, et « à condition que, les dispositions en cause soient suffisamment précises et accessibles pour ne pas rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile la détermination, par un tel employeur, des obligations qu'il devrait respecter ».
A noter : c'est avec l'objectif de supprimer tous les obstacles à la circulation des services qu'a étéprésentée une proposition de directive sur les« services dans le marchéintérieur ». Ce texte vise aussi à clarifier les droits des patients qui se déplacent dans un autre Etat membre (10).
De nombreuses directives sont venues harmoniser les règles nationales. Ce, afin de respecter « le rapprochement des législations nationales dans la mesure nécessaire au fonctionnement du marché commun » (art. 94 Traité CE ; art. III-130 du projet de Constitution).
Certains secteurs comme les transports, la banque, les assurances, les télécommunications, les services financiers, la télévision ont fait l'objet d'une harmonisation plus poussée. Des règlements ou directives ont institué des règles afin d'ouvrir ces services àla concurrence. Un certain droit à un « service universel » a parfois été reconnu.
Exemple : en matière de télécommunications, l'accès aux handicapés ou aux « utilisateurs ayant des besoins sociaux spécifiques », ou le droit à l'information età un service réduit en cas de factures impayées, ont ainsi été actés (11).
La reconnaissance des qualifications et diplômes a d'abord visé à accompagner la liberté d'établissement des non-salariés (art. 47 Traité CE ; art. III-141 du projet de Constitution), puis la mobilité desétudiants (art. 149 Traité CE ; art. III-282 du projet de Constitution). Ainsi a vu le jour un système de reconnaissance des diplômes de l'enseignement supérieur (3 ans au minimum) (12), complété par des dispositions spécifiques à certaines professions (médecin, infirmier, sage-femme...) et aux formations de moins de 3 ans (13). A noter qu'une législation est actuellement en cours d'approbation pour fusionner tous ces textes en un seul document tout en en clarifiant certaines dispositions (14).
Le principe est la reconnaissance, dans un Etat membre d'accueil qui réglemente une profession, des diplômes et qualifications acquis dans un autre Etat membre, permettantà leurs détenteurs d'exercer leur activité dans les mêmes conditions que les nationaux. Une compensation sous forme de stage d'adaptation ou d'épreuve d'aptitude, voire d'expérience professionnelle, peut dans certains cas être imposée (15). On parle de« profession réglementée » quand des« dispositions réglementaires ont pour effet de réserver expressément cette activité professionnelle aux personnes qui remplissent certaines conditions relatives àla possession d'un diplôme et d'en interdire l'accèsà celles qui ne les remplissent pas ».
Tout citoyen peut revendiquer directement, devant une administration ou un tribunal, l'application de ce principe de reconnaissance, quand bien même l'Etat concerné n'aurait pas transposé cette disposition ou ne l'appliquerait pas parfaitement (16).
L'Etat membre d'accueil doit prendre en considération, lors de l'examen d'une demande de reconnaissance de diplôme, l'expérience acquise par l'intéressé après l'obtention du diplôme.
La fonction publique fait, a priori, partie du champ d'application de ces deux directives.
Exemple : la Cour de justice des Communautés européennes a condamné la France pour ne pas avoir reconnu dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale les diplômes des éducateurs spécialisés ressortissants d'un autre Etat membre. Les magistrats ont considéré que l'activitéd'éducateur spécialisé est une« profession réglementée » au sens du droit européen et que, par conséquent, la France aurait dû prévoir, comme pour toute profession réglementée, une procédure de reconnaissance mutuelle des diplômes (17).
Le secteur social est concerné de multiples manières par cette législation. En tant qu'acteur public, il peutêtre tenu de passer des marchés publics et de respecter les règles européennes. En tant qu'acteuréconomique, un établissement peut soumissionner à un appel d'offres. En tant qu'acteur social, il a intérêtà ce que les appels d'offres passés par d'autres organismes comprennent des critères sociaux (l'emploi de publics défavorisés ou handicapés, par exemple) pour favoriser l'attribution ou l'exécution de marchés par des entreprises ou organismes de droit public. Certes, la passation de contrats en matière sanitaire et sociale n'est actuellement que fort peu soumise aux marchés publics. Mais la Commission européenne estime que ce peut être une des modalités d'attribution des aides publiques.
Une nouvelle directive entérinant certaines jurisprudences, notamment sur le critère social, a été adoptée en 2004. Elle doit être transposée dans les Etats membres avant le 31 janvier 2006 (18).
Tout organisme public, ou privé financé par des fonds publics, doit soumettre à un appel d'offres public les contrats et marchés qu'il passe quand ils dépassent un certain montant (236 000 €HT) (19). L'avis de marché doit ainsiêtre publié au niveau national et européen. Une information est faite lors de l'attribution du marché.
Cette procédure doit être respectée sans distinguer entre les contrats passés pour« accomplir sa mission de satisfaire des besoins d'intérêt général et ceux qui n'ont pas de rapport avec cette mission » (20), et même si l'organisme public passe un contrat avec un organisme privé qu'il a créé et dans lequel il détient une part majoritaire comme une société d'économie mixte (21).
Même si le marché passé est inférieur aux seuils, la Commission européenne estime que les règles et les principes du traité (non-discrimination, égalitéde traitement, transparence) doivent être respectés, une position confirmée par la Cour de justice. Le principe de transparence consiste à assurer une publicité suffisante pour permettre l'ouverture des marchés à la concurrence.
Il existe différentes procédures de passation de marchés publics :
la procédure ouverte : tout opérateur économique intéressé peut présenter une offre ;
la procédure restreinte :tout opérateur économique peut demander à participer et seuls ceux qui sont invités peuvent présenter une offre ;
la procédure négociée : les pouvoirs adjudicateurs consultent les opérateurs économiques de leur choix et négocient avec eux les conditions du marché ;
le dialogue compétitif, qui concerne plutôt des marchés complexes d'infrastructures, lorsqu'on ne peut définir à l'avance les solutions techniques ou le montage juridique et financier d'un projet.
Les délais en matière d'information et les modalités de sélection des soumissionnaires varient suivant le type de procédure suivi.
Sont considérés comme « pouvoir adjudicateur », et tenus de respecter les règles des marchés publics : l'Etat, les collectivités territoriales, ainsi que les organismes de droit public, et leurs groupements.
Est considéré comme « organisme de droit public », quel que soit son statut (public ou privé), l'organisme qui répond à trois critères :
« créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial ;
doté de la personnalitéjuridique ;
et dont, soit l'activité est financée majoritairement par l'Etat, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public, soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composéde membres dont plus de la moitié sont désignés par l'Etat, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public ».
Cette définition, extrêmement large, englobe une grande partie des acteurs sociaux, particulièrement les grandes associations d'utilité publique. Le gouvernement français n'a précisé, dans la liste annexéeà la directive adoptée en 2004, que quelquesétablissements publics nationaux (22), mais cette liste n'est pas exhaustive. D'autres pays ont étéplus précis dans la définition d'organismes de droit public.
Exemples : « les personnes morales de droit privé qui appartiennent à l'Etat ou sont régulièrement subventionnées par des ressources d'Etat au moins à 50 % de leur budget annuel » (Grèce) ; les activités d'intérêt général sociales tels que « jardins d'enfants, maisons de repos, foyers d'enfants et maisons de jeunes, centres de loisirs, maisons de quartiers, foyers féminins, refuges pour sans-abri » et « les fondations àcaractère culturel, de bienfaisance et d'aide » (Allemagne). La Cour de justice a expressément reconnu que les organismes de logement sociaux sont tenus de respecter les normes européennes de marchés publics, quel que soit le statut de l'organisme (office public d'aménagement et de construction ou société anonyme) (23).
Toute « personne physique ou morale, y compris un organisme public », peut répondre à un appel d'offres. « Aucune règle ne prévoit l'exclusion d'un soumissionnaire ou le rejet de son offre automatiquement du seul fait qu'il perçoit des subventions publiques », estime la Cour de justice (24).
Le critère social intervient soit comme condition de l'attribution du marché (pour choisir le gagnant de l'appel d'offres), soit comme condition de son exécution.
L'attribution du marché se fait, en effet, soit sur le critère du « prix le plus bas », soit sur celui de « l'offre économiquement la plus avantageuse ». Cette dernière est définie par divers critères essentiellement économiques. Mais tout critère social n'est pas exclu. Un des considérants de la directive le prévoit : « un pouvoir adjudicateur peut utiliser des critères visant à la satisfaction d'exigences sociales répondant notamment aux besoins propres à des catégories de population particulièrement défavorisées auxquelles appartiennent les bénéficiaires/utilisateurs des travaux, fournitures et services faisant l'objet d'un marché, définis dans des spécifications du marché ». « Cette disposition n'exclut pas toute possibilité des pouvoirs adjudicateurs d'utiliser comme critère une condition liée à la lutte contre le chômage » si deux principes sont respectés, a expliqué la Cour de justice européenne. Sur le fond, il ne s'agit pas d'aboutir à une discrimination déguisée entre entreprises européennes. Sur la forme, il faut mentionner « expressément »ce critère additionnel « dans l'avis de marchéafin que les entrepreneurs soient mis en mesure d'avoir connaissance de [son] existence » (25).
Pour l'exécution du marché, les pouvoirs adjudicateurs peuvent de même exiger des conditions particulières d'ordre social, à condition qu'elles soient« compatibles avec le droit communautaire et qu'elles soient indiquées dans l'avis de marché ou dans le cahier des charges ».
Un Etat membre, quand il transpose la directive du 31 mars 2004, peut réserver le droit de participer à certains appels d'offres aux « ateliers protégés »employant des personnes handicapées, ou en réserver l'exécution dans le cadre de programmes d'emplois protégés, « lorsque la majorité des travailleurs concernés sont des personnes handicapées qui, en raison de la nature ou de la gravité de leurs déficiences, ne peuvent exercer une activitéprofessionnelle dans des conditions normales ».
Nicolas Gros-Verheyde
Dans notre numéro 2404 du 22 avril 2005 :
I - Le droit de la concurrence
Dans ce numéro :
II - Les règles du marché intérieur
A - Les fondements du marché intérieur
B - Le secteur social confronté aux principes de libre circulation
C - Le secteur social confronté à l'harmonisation des règles du marché intérieur
Même si cette question paraissait réglée par le règlement européen de sécurité sociale 1408/71, la jurisprudence a considéré que « le secteur de la santé publique en tant que secteur économique et du point de vue de la libre prestation de services ne peut êtreà l'abri du principe fondamental de libre circulation » (26). Certes, soulignent les juges, « chaque Etat membre est compétent pour déterminer les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale [et] les conditions qui donnent droit à des prestations ». Mais les principes fondamentaux de libre circulation des marchandises et de libre prestation de services priment sur des dispositions nationales plus restrictives. Seule concession, afin d'éviter le développement d'un« shopping sanitaire », l'Etat membre concerné peut prendre des mesures restrictives « si l'équilibre financier est gravement menacé » (27). La Cour de justice des Communautés européennes a donc dû distinguer les différents types de soins pour déterminer si une autorisation (entente) préalable aux soins pouvait être exigée par l'administration de la sécurité sociale.
Pour les soins avec hospitalisation, l'exigence d'une entente préalable apparaît « à la fois nécessaire et raisonnable » au regard des impératifs de fournir sur le territoire une gammeéquilibrée de soins et d'assurer une maîtrise des coûts. Encore faut-il que trois conditions soient respectées. Le régime d'autorisation doit être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l'avance et ne pas laisser place à un comportement arbitraire. Il doit garantir aux intéressés que leur demande sera traitée dans un délai raisonnable, d'éventuels refus devant pouvoir être contestés devant une juridiction. Enfin, il doit satisfaire à l'exigence de proportionnalité : l'autorisation ne peut être refusée que lorsqu'un traitement identique, ou présentant le même degré d'efficacité pour le patient, peutêtre obtenu en temps opportun dans unétablissement » local (28).
Pour les soins non hospitaliers (ophtalmologiques, dentaires...), l'imposition d'une autorisation préalable doit céder le pas devant le principe de libre prestation de services, même dans le cadre d'un régime de prestations en nature. La suppression de cette autorisation ne paraît pas provoquer, selon les juges, des déplacements transfrontaliers de patients d'une importance telle que l'équilibre financier du système de sécurité sociale en soit gravement perturbé ou que le niveau global de protection de la santé soit menacé (29).
Pour les équipements paramédicaux (lunettes, chaises roulantes...) dans un autre Etat membre que celui dans lequel réside le demandeur, le principe de la libre circulation des marchandises prime.
Outre la directive « services », présentée par la direction générale« marché intérieur », la Commission européenne a publié une communication sur la mobilité des patients et la coordination et la coopération en matière de santé, document préparé par la direction générale« emploi et affaires sociales » (30).
(1) Directive (CE) 2004/38 du 29 avril 2004 (JOUE L 229 du 29-06-04) (voir ASH n° 2352 du 26-03-04).
(2) Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse.
(3) CJCE, 7 décembre 1992, Wirth, aff. C-109/92.
(4) CJCE, 2 juillet 1998, Kapasakalis, aff. C-225/96.
(5) CJCE, 17 juin 1997, Sodemare, aff. 70/95.
(6) Directive (CE) 96/71 du 16 décembre 1996 (JOCE L 18 du 21-01-97).
(7) CJCE, 25 juillet 1991, Säger, aff. C-76/90.
(8) CJCE, 27 mars 1990, Rush Portuguesa, C-113/84 et 9 août 1994 Vander Elst, aff. C-43/93.
(9) Comme la conservation durant 5 ans sur le territoire national des documents sociaux. CJCE, 23 novembre 1999, Arblade, aff. C-369/96.
(10) Présentée par la Commission européenne le 13 janvier 2004, cette proposition a suscité une vive discussion tant dans la société civile qu'au Parlement européen ou de la part de certains Etats membres. L'examen en première lecture donne lieu à de nombreux amendements, au point que son adoption finale semble repoussée à 2006 (voir ASH n° 2403 du 15-04-05).
(11) Directive (CE) 98/10 du 26 février 1998 (JOCE L 101 du 1-04-98).
(12) Directive (CE) 89/48 du 21 décembre 1988 (JOCE L 19 du 24-01-89).
(13) Directive (CE) 92/51 du 18 juin 1992 (JOCE L 209 du 24-07-92).
(14) Proposée le 7 mars 2002 (JOCE C 181E du 30- 07-02), la nouvelle proposition de directive a suscité un important débat et devait être adoptée par le Parlement européen le 11 mai.
(15) Selon la nouvelle proposition de directive, l'Etat d'accueil ne pourrait plus exiger systématiquement de mesures de compensation (épreuves d'aptitude, stages d'adaptation...), mais devrait alléger et, si possible, supprimer ces mesures.
(16) CJCE, 29 avril 2004, Beuttenmüller, aff. C-102/02.
(17) CJCE, 7 octobre 2004, Commission européenne/République française, aff. C-402/02 (voir ASH n° 2377 du 15-10-04).
(18) Directive (CE) 2004/18 du 31 mars 2004 (JOUE L 134 du 30-04-04).
(19) Pour les marchés sociaux et sanitaires et les marchés passés par les entités non gouvernementales. Ce seuil est abaissé, pour d'autres marchés passés par une autorité gouvernementale centrale (ministère, établissement public national), à 154 000 €.
(20) CJCE, 15 janvier 1998, Mannesmann, aff. C-44/96.
(21) CJCE, 11 janvier 2005, Stadt Halle, aff. C-26/03.
(22) Figurent notamment sur cette liste les principales caisses de sécurité sociale (caisse nationale des allocations familiales, caisse nationale de l'assurance maladie, caisse nationale de l'assurance vieillesse), l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), les établissements publics hospitaliers et les offices publics d'HLM.
(23) CJCE, 1er février 2001, Commission c/France, aff. C-237/99.
(24) CJCE, 7 décembre 2000, ARGE, aff. C-94/99.
(25) CJCE, 26 septembre 2000, Commission c/France, aff. C-225/98.
(26) CJCE, 7 mai 1986, Gül, aff. C-131/85.
(27) CJCE, 28 avril 1998, Decker, aff. C-120/95.
(28) CJCE, 23 octobre 2003, Patricia Inizan/CPAM Hauts-de-Seine, aff. C-56/01.
(29) CJCE, 13 mai 2003, Müller-Fauré et Van Riet, aff. C-385/99.
(30) Communication de la Commission européenne 2004/301 du 20 avril 2004.